Le chef de l'Etat a remis la réforme contestée des retraites sur le devant de la scène. Après une longue interruption des débats provoquée par la pandémie à l'hiver 2020, Emmanuel Macron, lors d'un déplacement dans le Lot au début du mois de juin a alimenté les spéculations en déclarant qu'il devrait prendre des décisions "difficiles" pour que la dernière année du quinquennat soit "utile". Quelques semaines après ces annonces, les économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole ont remis au président de la République ce mercredi 23 juin leur épais rapport de plus de 500 pages sur les grands défis économiques à venir. Parmi les immenses chantiers évoqués figurent les différentes options pour une réforme des retraites. Ce dossier explosif mis sur pause depuis l'arrivée du virus en Europe risque de faire débat au cours de l'été et à l'approche de la campagne de l'élection de 2022. Même s'ils admettent que la réforme proposée par le gouvernement comportait de nombreux défauts, Olivier Blanchard reconnaît que "la réforme des retraites mise sur la table est proche de nos propositions."
Un système par points
Les économistes reprennent la proposition du gouvernement de mettre en place un système par points afin de "rationaliser le système actuel". "Le système des retraites est complexe et fragmenté. C'est pourquoi nous proposons un système universel par points" a déclaré l'économiste allemand Axel Börsh-Supan en charge de ce chapitre lors d'un échange avec des journalistes. Cette proposition qui avait été fortement critiquée à l'automne 2019 car elle risquait de faire des perdants doit faire l'objet d'aménagements. Il est indispensable de mieux prendre en compte la pénibilité ou la santé des travailleurs selon les chercheurs. La stratégie des auteurs de ce chapitre consiste notamment à mieux prendre en compte les possibles laissés-pour-compte de cette réforme.
"Je pense que les réformes des retraites en France ont échoué car les Français ont peut-être plus de besoins d'explications en raison de la complexité du système actuel. Il faut faire davantage de réunions, d'informations. Quelles sont les personnes qui protestaient le plus ? Ce sont souvent les personnes qui avaient les plus faibles revenus ou les personnes en mauvaise santé. Une réforme des retraites nécessite beaucoup de préparations et de communication en amont. Plus on prépare une réforme et plus elle a des chances d'être acceptée par la population" a ajouté le directeur de l'Institut Max-Planck de droit social et de politique sociale.
Le système d'indexation du point passerait par les salaires et non plus par les prix. Ce qui est un défaut pointé par les rapporteurs et avait suscité de vastes critiques lors de la présentation de la réforme en 2019.
Une approche globale
Les débats en France se focalisent actuellement entre la nécessité d'une réforme paramétrique et celle d'une refonte systémique. Les économistes ne plaident pas forcément pour une modification des paramètres. "Cette réforme ne doit pas se résumer à une série de modifications techniques des paramètres du système de retraite", expliquent-ils. "Nous proposons une vision holistique. Il s'agit de simplifier le système. Il faut protéger les pauvres et les personnes en mauvaise santé. Cette réforme des retraites doit s'accompagner d'autres réformes sur le marché du travail", ajoute l'économiste outre-Rhin. Les experts recommandent une approche globale qui passe principalement par le marché du travail en se tournant notamment vers les entreprises et les ressources humaines qui excluent souvent les seniors par des départs anticipés ou lors de restructurations.
Faire travailler les seniors plus longtemps
Parmi autres les propositions explosives apparaît l'allongement de la durée du travail des seniors. Ils reprennent ainsi quelques arguments classiques des promoteurs de cette réforme. "L'âge moyen de départ à la retraite doit augmenter car l'espérance de vie augmente. Tous les systèmes de retraite doivent être adaptés à la population. Si l'âge de départ à la retraite est adapté, il n'est pas nécessaire de baisser les pensions. Un recul modéré de l'âge de départ et un recul modéré des prestations sont possibles. Si on ne veut pas baisser les prestations, il faut augmenter l'âge de départ" affirme le spécialiste de droit social et de politique sociale. Il évoque notamment le spectre de la dette pour justifier ses propositions.
"En tant qu'économiste étranger, le système français est très complexe et manque de transparence. En même temps, cette position permet d'avoir une fraîcheur sur ce dossier au point mort en France. Le premier constat est que la population vieillit, l'espérance de vie augmente. Cela pèse sur les dépenses. Il faut s'attendre à une hausse des dépenses dans les années à venir. Cela peut représenter un fardeau important."
Pour le chef de l'Etat, le calendrier des réformes déjà chamboulé par la pandémie risque d'être très serré à moins d'un an du scrutin présidentiel. Le retour de ce dossier critiqué au centre des débats pourrait venir alimenter la grogne des partenaires sociaux déjà remontés par les annonces d'Emmanuel Macron dans le sud de la France au début du mois de juin.