Retraites : les trois points de crispation entre le gouvernement et les syndicats

Le gouvernement doit présenter sa réforme des retraites lundi prochain en Conseil des ministres. La cheffe du gouvernement Elisabeth Borne a laissé entendre que plusieurs mesures (emploi des seniors, pension minimum à 1.200 euros) étaient susceptibles d'évoluer lors des débats parlementaires et des discussions avec les partenaires sociaux. En face, les syndicats interrogés par La Tribune sont déterminés à poursuivre la mobilisation et durcir les actions dans certains secteurs stratégiques.
Grégoire Normand
Les syndicats ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier prochain.
Les syndicats ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier prochain. (Crédits : Reuters)

Après une première journée de forte mobilisation sur tout le territoire jeudi 19 janvier, tous les regards sont tournés vers la suite du mouvement social. Les syndicats ont annoncé une nouvelle journée de grève le 31 janvier prochain pour contester la réforme des retraites du gouvernement.« Cette réforme est inacceptable et va à l'encontre des intérêts de la population », ont redit les huit centrales syndicales jeudi soir devant la presse.

« Le recul de l'âge de la retraite n'a aucune légitimité. Nous sommes déterminés à continuer les actions jusqu'au 31 janvier dans les entrées de villes, les ronds-points, les supermarchés. Il est important de maintenir la pression sur le gouvernement jusqu'aux débats parlementaires. Beaucoup de reconductions de grève sont annoncées dans les entreprises », a réagi Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chez Force ouvrière (FO), interrogée par La Tribune.

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En déplacement en Espagne jeudi 19 janvier, le président de la République Emmanuel Macron a affirmé sa détermination à passer son texte coûte que coûte. « Il faut que les choses soient dites au moment où les choix démocratiques sont faits. Et à l'élection présidentielle qui s'est tenue somme toute il n'y a que quelques mois, et aux élections législatives qui ne se sont tenues y compris qu'il y a quelques mois, les choses ont été dites clairement ».

Ce week-end, l'exécutif doit peaufiner les derniers détails de sa réforme avant le conseil des ministres prévu lundi. La première ministre Elisabeth Borne doit notamment présenter la très attendue étude d'impact qui doit accompagner le texte de loi décrié. La cheffe du gouvernement a laissé entendre que des aménagements étaient possibles lorsque d'autres ministres comme Bruno Le Maire ont voulu se montrer inflexibles.

«Nous avons fait le choix de présenter un texte équilibré et juste dès le départ. La rançon de ce choix est que nous devons nous tenir aux mesures présentées »,  a-t-il expliqué lors d'une récente réunion avec des journalistes. En attendant, voici les quelques points chauds susceptibles d'évoluer dans les jours à venir et lors des prochains débats parlementaires.

1-Emploi des seniors : un index à géométrie variable

L'un des points de crispation sur lequel le gouvernement est prêt à bouger concerne l'emploi des seniors. L'objectif affiché par l'exécutif est d'augmenter la participation des seniors au marché du travail. Béatrice Clicq souligne « qu'une personne sur deux arrivant à la retraite n'est plus en emploi lorsqu'elle liquide ses droits. Quel est le sens de décaler l'âge de départ à la retraite ? Cette mesure risque d'augmenter la précarité. La question est plutôt de savoir comment maintenir les seniors sur le marché du travail jusqu'à 62 ans. Cela permettrait de résoudre une partie de l'équation financière par la hausse des cotisations. Surtout, il est faux d'affirmer que le système des retraites est en danger financièrement ».

L'exécutif a proposé dans un premier temps de mettre en place un index dans les entreprises de plus de 50 salariés avant de reculer et de restreindre cet outil aux entreprises de plus de 300 salariés. Lors de la présentation de la réforme devant la presse le mardi 10 janvier dernier, la cheffe du gouvernement a annoncé que les entreprises de plus 1.000 salariés seraient concernées en 2023 et celles de plus de 300 salariés en 2024.

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L'objectif est de rendre ce sujet obligatoire dans les négociations à l'intérieur des entreprises. « On a introduit cette condition supplémentaire, qui est vraiment pour montrer qu'on ne s'arrête pas à 'on publie un index', mais derrière, il y a des vraies actions et une discussion au sein de l'entreprise pour pouvoir faire progresser ce sujet d'emploi des seniors, » affirme l'entourage d'Elisabeth Borne. La publication de l'index deviendrait obligatoire. « S'il n'est pas publié, il y a une sanction, une pénalité », ajoute Matignon. Cette proposition avait largement agacé dans les milieux patronaux. Déjà en 2018, lorsque l'ancienne ministre du Travail Muriel Pénicaud avait proposé un index de l'égalité pour favoriser la parité en entreprises, quelques organisations patronales avaient réclamé plus de souplesse.

Dans les organisations syndicales, cette proposition de l'index des seniors interroge. « Cet index n'est pas contraignant. La seule contrainte concerne les entreprises de plus de 1.000 salariés. Pour les autres entreprises, elles sont incitées à publier cet index mais elles ne seront pas pénalisées », regrette Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), en charge des négociations sur les retraites.

Du côté de Force Ouvrière, Béatrice Clicq salue « le fait que cet index permette de remettre le travail des seniors dans les entreprises sur la table ». En revanche, elle reste « sceptique » sur l'efficacité d'un tel outil. « L'index de l'égalité a été vendu comme un moyen de rétablir l'égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises. Or, les écarts n'ont pas diminué, » dit-elle.

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2- Le minimum de pension à 1.200 euros : des conditions restrictives

Afin de faire accepter le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans et l'accélération de la durée de cotisation, le gouvernement a promis de revaloriser les petites pensions. « Avec la réforme, la pension de retraite pour une carrière complètement cotisée au SMIC ne pourra être inférieure à 85 % du SMIC net, soit environ 1 200 euros brut par mois. C'est plus de 200 euros de plus que le minimum vieillesse », explique le dossier de presse préparé par Matignon.

Il est prévu que « le minimum de pension augmentera de 100 euros par mois pour une carrière complète ». Là encore, les membres du gouvernement ont laissé entendre qu'il serait possible de faire évoluer cette proposition dont les modalités restent à préciser. Les conditions pour accéder à ce minimum de pension sont jugées « restrictives » par la plupart des syndicats. « Le minimum de 85% était déjà prévu par la loi de 2003. Ce n'est pas une nouveauté », indique Béatrice Clicq. « Ce qui n'est pas clair est la notion de carrière complète. Or, beaucoup de femmes ont eu des carrières hachées. La mesure présentée par le gouvernement les pénaliserait en premier lieu, » ajoute-t-elle.

Enfin, elle explique que pour toucher ce minimum de pension, « il faut avoir fait une carrière complète au SMIC. Si un salarié obtient des hausses de salaires durant sa carrière, la personne pourra toucher une retraite inférieure au 85% du SMIC brut », précise-t-elle. Au final, « peu de personnes toucheront ce minimum de 1.200 euros par mois compte tenu des critères, » abonde Pascale Coton.

3- Egalité entre les hommes et les femmes, « la grande oubliée de la réforme  »

Lors de la présentation de la réforme, la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne et les autres ministres envoyés sur le front ont tous insisté sur « la justice » et « l'équilibre » des mesures. Le dossier de presse parle « d'un projet de justice qui protège les personnes qui ont des carrières longues et difficiles ». Il s'agit de « corriger des carrières hachées par des mesures favorables pour les retraites des femmes ». Selon l'Insee, les hommes touchent une pension de 1.674 euros en moyenne contre 1.272 euros pour les femmes, soit un écart de 24%. Le versement des pensions de réversion permet de diminuer les inégalités des pensions de droit direct (40%) mais le fossé demeure important.

Pour tenter de combler ces écarts, la réforme prévoit notamment que « les périodes validées au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer, souvent en raison du congé parental, seront désormais prises en compte dans le dispositif de carrières longues ». « Cette mesure ne concernerait que 3.000 personnes », précise Béatrice Clicq.

Concernant les aidants familiaux, une assurance vieillesse doit être mise en œuvre pour les hommes et les femmes, souvent plus nombreuses à occuper ce rôle. « Il y aura une majoration de 8 trimestres cotisés mais on ne connaît pas encore les critères », regrette la responsable syndicale. Enfin sur l'annulation de la décote à 67 ans, « ce n'est pas une avancée, c'est juste le maintien d'un droit. La grande cause de l'égalité entre les hommes et les femmes [annoncée par Emmanuel Macron en 2017] est la grande oubliée de la réforme », déplore Béatrice Clicq.  A la CFTC, « ce sont avant tout les jeunes et les femmes qui trinquent dans cette réforme », avance Pascale Coton. Les semaines qui viennent s'annoncent brûlantes.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 21/01/2023 à 9:48
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J'ai connu durant mon experience au levant un plongeur eleveur de perles, tahitien. Un homme charmant, travailleur et mari d'une delicieuse vahinee et ses deux bambins. Ce dernier etait employe d'une entreprise francaise a Tahiti donc paye et assure ...

à écrit le 20/01/2023 à 19:47
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LE VERITABLE OBJECTIF DU GOUVERNEMENT A ETE DEVOILE MALADROITEMENT PAR LE MINISTRE DE L ECONOMIE IL Y A1 MOIS SUR FRANCE INFO -INFO FACILEMENT VERIFIABLE , SUPPRIMER LA VAE AUX GROSSES BOITES ENCORE UN CADEAU AUX ACTIONNAIRES TEXANS OU CHINOIS..."Br...

à écrit le 20/01/2023 à 19:14
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j' ai bossée 40 ans à écouter et servir les clients derrirereun guichet , dans le bruit, les insultes , les menaces , lescourants d air , la poussiere ....que mme borne aille un peu travailler dans ces conditions et on verra si elle triaine ses fesse...

le 20/01/2023 à 20:19
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Le problème n'est pas le caractère désagréable du travail effectué, mais le financement de votre salaire de remplacement pour le temps qu'il vous reste à vivre. Être assis sur une chaise derrière un bureau ou un guichet ne constitue tout de même pas...

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