Retraites : très forte mobilisation, le gouvernement sous pression

La mobilisation contre la réforme des retraites a été très forte. Selon le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, « plus de 2 millions » de personnes ont manifesté ce jeudi en France, alors que le ministère de l'Intérieur fait état de 1,2 million de personnes. Les grèves ont été suivies dans les secteurs touchés par la suppression des régimes spéciaux, dont l'énergie (40% des travailleurs concernés par la mesure chez Engie, 44,5% de l'effectif total chez EDF). Dans la fonction publique, en particulier chez les enseignants, les grévistes étaient également nombreux. Tout comme les manifestants dans les rues des grandes et moyennes villes du pays. Les huit principaux syndicats français se sont accordés sur une nouvelle date de mobilisation contre la réforme des retraites, le 31 janvier.
Les syndicats espéraient une mobilisation massive des grévistes ce jeudi 19 janvier, et leur espérance ont été plus que comblées au vu des chiffres annoncés. (Photo: manifestation ce jeudi 19 janiver à Toulouse contre la réforme des retraites et son recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans)
Les syndicats espéraient une mobilisation massive des grévistes ce jeudi 19 janvier, et leur espérance ont été plus que comblées au vu des chiffres annoncés. (Photo: manifestation ce jeudi 19 janiver à Toulouse contre la réforme des retraites et son recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans) (Crédits : Reuters)

La mobilisation est « au-delà de ce qu'on pensait ». À la mi-journée, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger se félicitait, déjà, du nombre de personnes à avoir cessé le travail, ce jeudi, pour protester contre la réforme des retraites. Au total, quelque 400.000 personnes ont manifesté à Paris dans l'après-midi, selon les syndicats, contre 80.000 selon les autorités. En fin d'après-midi, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez a annoncé « plus de deux millions » de personnes en France, alors que le ministère de l'Intérieur fait état de 1,2 million de personnes.

Plus de 200 manifestations ont eu lieu à Paris et en régions, très majoritairement dans le calme, pour faire reculer le gouvernement sur son projet de porter l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Quelques heurts, tensions ou dégradations ont été signalés à Paris, Lyon et Rennes.

Les huit principaux syndicats français se sont accordés sur une nouvelle date de mobilisation contre la réforme des retraites, le 31 janvier,

Pas de quoi déstabiliser, pour l'heure, le gouvernement ni Emmanuel Macron. En Espagne, avec onze de ses ministres, pour un sommet avec le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, le président de la République a dit espérer que les manifestations se feront « sans trop de désagrément » pour les Français, et « évidemment sans débordements, ni violences, ni dégradations ». La réforme des retraites a été « démocratiquement présentée, validée » et elle est « surtout juste et responsable », a-t-il également déclaré depuis Barcelone, ajoutant que l'exécutif poursuivra sa réforme « avec respect, esprit de dialogue, mais détermination et esprit de responsabilité ».

Cette dernière, présentée le 10 janvier par la Première ministre, prévoit notamment le relèvement de l'âge de départ à la retraite à 64 ans, contre 62 ans actuellement. Le projet comprend également l'accélération d'une mesure déjà prévue par la réforme Touraine de 2014 à savoir le décalage à 43 ans du nombre d'années cotisées requises pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein. Enfin, la réforme des retraites prévoit la suppression des régimes spéciaux. De quoi largement mobiliser ceux qui en bénéficient aujourd'hui, notamment une partie des travailleurs de la RATP ainsi que ceux du secteur de l'énergie.

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Un service largement perturbé dans les transports

Comme prévu, le trafic était très perturbé sur les métros comme sur les RER en région parisienne. La grève était, également, très suivie dans les transports notamment du côté de la SNCF. Le taux de grévistes y était de 46,3%, dont 77,4% des conducteurs de trains de voyageurs, selon des sources syndicales. En conséquence, le trafic régional était quasiment arrêté.

Par ailleurs, au port de Calais, dans le nord de la France, il n'y avait aucun trafic en raison d'une grève des officiers de port prévue jusqu'à 17 heures, a indiqué la communication du port.

Forte mobilisation dans l'énergie

Chez Engie, quelque 40% des effectifs au statut des électriciens et gaziers étaient en grève contre le projet de réforme des retraites, a indiqué l'énergéticien français. On compte 24.000 collaborateurs du groupe Engie, soit 55% des effectifs totaux pour la France, à être au statut des industries électriques et gazières et à bénéficier d'un régime spécial de retraites. Pour les autres salariés français du groupe, de droit privé, le taux de grévistes était de 7%. En dépit de ce mouvement social, « on n'anticipe pas de conséquences pour les clients », a précisé la direction d'Engie à l'AFP.

Chez EDF, la participation des salariés à la grève s'élevait à mi-journée à 44,5% de l'effectif total, a indiqué la direction de l'énergéticien. Contrairement à celui d'Engie, ce chiffre est beaucoup plus important que lors des précédentes manifestations de ce type. Le taux de grévistes lors de la première et la plus suivie des journées de mobilisation contre le précédent projet de réforme des retraites s'élevait, en effet, à 36,5% à la mi-journée le 5 décembre 2019.

Avec pour conséquence des indisponibilités ou baisses de production de sept réacteurs: Paluel 2, 3 et 4, Belleville 1 et 2, Chinon 3 et Gravelines 5. La puissance disponible sur le parc nucléaire devait ainsi tomber à 63% à midi, contre 72% prévu par EDF, selon des données EDF analysées par l'AFP.

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Enfin, dans les raffineries, la mobilisation était, là aussi, largement suivie. La CGT TotalEnergies comptait entre 70% et 100% de grévistes, sur la plupart des sites du groupe. Selon un premier point de la CGT, il y avait 100% de grévistes dans les équipes du matin pour la bioraffinerie de La Mède, le dépôt de carburant de Flandres, près de Dunkerque, et l'usine pétrochimique de Carling (Moselle). La raffinerie de Donges (Loire-Atlantique) connaissait 95% de grévistes, et celle de Normandie 80%, alors que les équipes de la raffinerie de Feyzin (Rhône) étaient en grève à plus de 70%, selon la CGT.

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TotalEnergies s'est toutefois voulu rassurant. « Suite à l'appel à la grève, les expéditions de produits au départ des sites de TotalEnergies sont interrompues ce jour mais TotalEnergies continuera à assurer les approvisionnements de son réseau de station-service et ses clients », a confirmé la direction, indiquant qu'il n'y avait « pas de manque de carburants » dans ses stations. Ce jeudi matin, vers 9h30, seules 1,95% des stations étaient en pénurie d'au moins un carburant, selon des données publiques analysées par l'AFP. Lundi, elles étaient 3,75% à être concernées, en raison d'achats de précaution avant la journée de grève.

En outre, à Paris, Marc Bontemps, secrétaire général CGT de la production d'énergie en région parisienne, mettait en garde contre « un risque de tension » sur le chauffage parisien, compte tenu d'une grève dans les incinérateurs d'Ivry et Issy-les-Moulinaux.

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65% à 70% d'enseignants grévistes

Si les régimes spéciaux se sont donc largement mobilisés, ils ne sont pas les seuls. Les fonctionnaires ont également participé aux mouvements. Les 5,7 millions d'agents de la fonction publique sont, eux aussi, concernés par le décalage progressif de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans en 2030. En milieu de journée, près de trois fonctionnaires sur dix (28%) étaient en grève dans la fonction publique d'Etat, qui compte 2,5 millions d'agents, selon des chiffres communiqués par le ministère de la Fonction publique. Ce chiffre est toutefois en baisse de cinq points par rapport à 2019.

Dans la fonction publique territoriale, qui compte près de deux millions d'agents, le taux de grévistes s'élevait à 11,3%. Dans la fonction publique hospitalière (1,2 million d'agents), il atteignait 9,9%, soit seulement deux pourcentages supérieurs à ceux du 5 décembre 2019, premier jour de grève contre le premier projet de réforme des retraites.

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Parmi eux, les enseignants étaient particulièrement mobilisés. Le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, a annoncé un taux de 65% des professeurs de collèges et lycées grévistes, et le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, recense 70% d'enseignants grévistes.

Selon le ministère, la mobilisation nationale se traduisait par un taux d'enseignants grévistes de 42,35% dans le primaire et de 34,66% dans le secondaire (collèges et lycées), bien en deçà des chiffres des syndicats.

Du côté de la radio et télévision publiques, les programmes devaient être largement perturbés en raison d'appels à la grève à France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (France 24 et RFI). C'était également le cas pour la presse quotidienne régionale : aucune parution, ce jeudi, pour les journaux du groupe Nice-Matin et celle des journaux régionaux a également été perturbée en région Rhône-Alpes, comme le Dauphiné Libéré.

Les Français nombreux dans la rue

Nombreux à cesser le travail, les Français étaient des centaines de milliers à manifester en régions. Du nord au sud, ils ont défilé dans la matinée avec toutefois quelques heurts ou dégradations signalés à Lyon et Rennes mais aussi à Paris où le cortège ne s'est élancé qu'à 14h30.

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Ils étaient plus de 13.000 manifestants à Pau, 8.000 à Châteauroux, ou encore 6.500 à Mulhouse, 10.000 à Chartres, 7.200 à Alès. Des chiffres dépassant ceux de 2019 dans de nombreuses villes moyennes, selon les chiffres des autorités. C'était notamment le cas à Angoulême, où la police a dénombré 9.000 participants, près du double de la première mobilisation contre la précédente réforme des retraites. La jauge du 5 décembre 2019 est aussi nettement dépassée dans d'autres préfectures du sud-ouest comme Périgueux (6.500), Agen (5.000) et Guéret (3.300).

réforme des retraites 19 janvier

[Des manifestants contre la réforme des retraites à Guingamp, en Bretagne, le 19 janvier 2023. Crédit : Emmanuelle Pays / Hans Lucas via Reuters Connect]

Dans les grandes villes, les chiffres étaient aussi souvent supérieurs à ceux du 5 décembre 2019, comme à Toulouse (36.000), Nantes (25.000) ou Lyon (23.000). Dans certaines, néanmoins, ils étaient légèrement inférieurs comme à Bordeaux (16.000) ou Montpellier (15.000).

Comme à l'accoutumée, les comptages des autorités diffèrent de ceux des syndicats, la plupart du temps du simple au double comme à Orléans (de 12.000 à 25.000), sauf à Marseille où l'écart varie de un à cinq (entre 26.000 et 140.000). Certaines estimations sont à l'inverse très proches, comme à Tours (entre 14.000 et 15.000).

Les syndicats prévoyaient au total 250 rassemblements dans toute la France, avec l'objectif affiché de réunir plus d'un million de personnes, quand les autorités tablaient sur une fourchette de 550.000 à 750.000.

Pour rappel, au démarrage de la contestation contre le précédent projet de réforme des retraites, la police avait compté 806.000 manifestants en France, la CGT 1,5 million.

« Je pense que le million va être dépassé », a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans le carré de tête de la manifestation à Paris, évoquant une mobilisation « réussie ».

« On est clairement sur une forte mobilisation, au-delà ce qu'on pensait », a abondé le numéro un de la CFDT, Laurent Berger.

A Abbeville dans la Somme, le député La France insoumise (LFI) François Ruffin s'est dit convaincu que « la bataille de l'opinion est déjà gagnée, 9 actifs sur 10 sont contre. On doit passer de "on a raison" à "on peut gagner, battre Macron sur cette réforme à 64 ans" ».

(Avec AFP)

Commentaires 9
à écrit le 19/01/2023 à 23:23
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Bravo les français, continuez comme ça. Bloquez le pays. On vous aime beaucoup vraiment! Vlad..

à écrit le 19/01/2023 à 22:13
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Le 31, je cesserai de nouveau de travailler et aussi longtemps qu'il le faudra. Commencer par supprimer l'aspa et l'AME et on peut conserver le système à partir de demain si le pouvoir le souhaite, sans compter que cela sera juste.

à écrit le 19/01/2023 à 20:12
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Ceux qui sont contre n'ont que à gagner les prochaines élections et revenir aux 60 ans. Ceux qui travaillent doivent se faire une retraite par capitalisation parce que le gauchisme finira l'argent

à écrit le 19/01/2023 à 19:45
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Posez la question aux Français au lieu de tourner autour du pot en magouillant ! ;-) C'est eux qui subiront la responsabilité future et non des gens de passage au gouvernement !

à écrit le 19/01/2023 à 19:44
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Posez la question aux Français au lieu de tourner autour du pot en magouillant ! ;-) C'est eux qui subirons la responsabilité future et non des gens de passage au gouvernement !

à écrit le 19/01/2023 à 18:39
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travailler pour les vieux, c'est dégoûtant

le 19/01/2023 à 21:36
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Alors pensez à la retraite par capitalisation

à écrit le 19/01/2023 à 18:32
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Positivons: un peu de marche à pied alors de nombre de stations sont fermées pour manque de neige est une excellente chose.Et c’est meilleur pour le climat..

à écrit le 19/01/2023 à 18:02
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Bon laissons faire la réforme, demain les partis qui sont contre en revenant au pouvoir n’auront qu’à faire le retour à 62 ans ou à 60 ans, c’est ça la démocratie

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