
« Avec un patronat comme nous avons en ce moment, nous ne sommes pas aidés ! », s'agace un ministre à Bercy. Et il n'est pas le seul à le penser au sein du gouvernement ou même de la majorité Renaissance. Et pour cause : sur le sujet de la réforme des retraites, qui sera présentée ce mardi 10 janvier par le gouvernement, les prises de positions patronales sont rares et plutôt mesurées. Un paradoxe si l'on songe que, dans le passé, les employeurs ont souvent poussé le gouvernement à faire une réforme des retraites dans le but de rapporter de l'argent aux finances publiques.
Les patrons ont la tête ailleurs
Mais, leurs préoccupations ont changé ces derniers mois. Leur souci premier reste aujourd'hui la question de l'énergie. Comment payer la facture d'électricité qui n'en finit pas de s'envoler ? C'est, selon un membre de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ce qui les occupe 24 heures sur 24. Certes, le gouvernement a mis en place des aides : un système d'amortisseur, un guichet, et dernièrement un plafonnement des prix du mégawattheure à 280 euros pour les toutes petites entreprises, celles de moins de 10 salariés....
Mais cela ne suffit pas toujours, selon la CPME, qui demande au gouvernement de prendre en compte aussi les PME. Olivia Grégoire, la ministre du Commerce, leur a opposé ce lundi 9 janvier une fin de non-recevoir. La situation sur le plan des coûts de l'énergie est tellement tendue, que des entreprises préfèrent réduire ou arrêter leur production quelques mois et placer leurs salariés en chômage technique.
Autre grand sujet qui absorbe toute leur attention, les pénuries de main-d'œuvre. Malgré la situation géopolitique et un environnement économique incertain, le chômage se réduit dans la zone euro eb général, et en France en particulier. Et beaucoup ont du mal à trouver de la main-d'œuvre. De nombreux secteurs - restauration, hôtellerie, transports, santé ; etc- sont en difficulté à cause du manque de personnel.
Ils s'inquiètent de la situation sociale du pays
« Etant donné le climat ambiant, on redoute un retour des Gilets jaunes, ou des mouvements de ce type... », confie un membre important du Medef. Tous craignent des manifestations dans l'Hexagone avec des explosions de violence. « Ça pèserait alors sur le business et l'image de la France », poursuit ce cacique patronal. Tous ont en tête aussi les blocages fin 2019, et les grèves contre la réforme des retraites de la SNCF, de la RATP etc - à l'époque, Emmanuel Macron souhaitait instaurer un système universel par points- ... Pendant plus d'un mois, le pays a tourné au ralenti.
Cette crainte de l'agitation sociale est d'autant forte en ce début d'année que la plupart des entrepreneurs sentent une tension dans leurs entreprises. « En 2022, la conflictualité a augmenté, confirme le chercheur Rémi Bourguignon, spécialiste des sujets sociaux. Non pas autour de la réforme des retraites, mais au sujet des salaires. On a vu des secteurs habituellement très calmes, comme la banque et l'assurance, se mobiliser ». Avec l'inflation, et la hausse des prix des produits du quotidien, les employés se tournent vers leurs employeurs pour obtenir des augmentations.
Ils craignent de nouvelles obligations
Enfin, les patrons ne sont pas très sereins sur l'équation budgétaire du gouvernement. Certes, la réforme des retraites doit non seulement rapporter, selon Gabriel Attal, le ministre des comptes publics, 12 milliards d'euros supplémentaires en recettes fiscales et sociales supplémentaires d'ici à 2027, mais aussi permettre d'éviter 500 milliards d'euros de dette supplémentaire sur vingt-cinq ans.
« Mais combien coûteront les contreparties comme la retraite minimum à 1.200 euros, ou encore les mesures de pénibilité ? », s'inquiètent encore les employeurs. En matière de pénibilité, justement, ils craignent le retour de critères qu'ils avaient réussis, à force de lobbying, à faire retirer...
Par ailleurs, ils sont vent debout contre l'index senior que veut leur imposer le gouvernement, afin de les inciter à garder les quinquagénaires dans l'emploi. Pour la plupart, et même si les plus petites entreprises ne devraient pas être concernées, cet index sera une contrainte inutile et supplémentaire.
... ainsi qu'une hausse des cotisations patronales ....
Enfin, ils voient d'un mauvais œil les réflexions du gouvernement autour des cotisations patronales. Selon nos informations, l'exécutif regarde comment ponctionner légèrement plus les employeurs pour remplir les caisses de retraite. Il travaille aussi sur une piste pour piocher dans la branche accident du travail et maladie professionnelle qui se porte mieux que celle des retraites.
La prise de parole, ce lundi matin 9 janvier, de François Bayrou a encore accentué leurs inquiétudes. Le président du Modem, allié de la majorité, plaide, dans les Echos, « pour une mise à contribution des entreprises à la réforme des retraites sous la forme d'une très légère augmentation des cotisations patronales. ». Et ce, au nom « d'une juste répartition des efforts », vis-à-vis des salariés, à qui le gouvernement va demander de travailler plus longtemps.
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