Retraites : une concertation..., mais sur quels points ?

Le Président a tranché : pour réaliser la réforme des retraites, il passera par un projet de loi spécifique. Avec le risque d'une dissolution, comme l'exécutif n'a pas de majorité absolue à l'Assemblée. Emmanuel Macron a présenté hier soir ses intentions lors d'un diner avec les représentants de la majorité. Avant la présentation de ce texte, probablement en début d'année, le président promet une concertation avec les partenaires sociaux de quelques mois. Reste à savoir sur quels éléments ? Quels sont les points qui peuvent être discutés ? Revue de détails.
Fanny Guinochet
Le chef de l'Etat a tranché : il fera la réforme de retraite via un projet de loi
Le chef de l'Etat a tranché : il fera la réforme de retraite via un projet de loi (Crédits : STEPHANE MAHE)

On a beaucoup parlé de la méthode, mais qu'en est-il du fond ? C'est un peu la question que tout le monde se pose ce jeudi matin, alors que le Président a enfin fait savoir la façon dont il compte lancer la réforme des retraites.

Le choix de la concertation

Ce sera un projet de loi global, précédé « d'un nouveau cycle de concertation ». « Le choix du dialogue », selon Elisabeth Borne, avec les organisations patronales et syndicales, mais aussi les groupes parlementaires. Mais si les mots ont un sens, les syndicats ont bien noté qu'il leur était proposé de « concerter » et non de « négocier ». La nuance est importante, une concertation réduit les chances de pouvoir peser sur le texte.

Après de nombreuses tergiversations, l'idée de recourir à un amendement dans le PLFSS a finalement fait long feu. Au sein de la macronie, cette option avait divisé les troupes. Trop brutale, trop éloignée de la nouvelle méthode tant vantée par le président, trop risquée politiquement .... Emmanuel Macron a préféré temporiser, en revenant à un outil classique. « Une voie médiane », plaide un ministre.

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Aller vite

L'objectif du président, pourtant, est de ne pas perdre de temps. Il souhaite obtenir un vote avant la fin de l'hiver, probablement en janvier, pour une mise en application de la réforme à l'été 2023. Sans majorité absolue, il prend le risque d'une motion de censure et d'une dissolution de l'Assemblée. Un risque calculé puisque selon son entourage, « même si les oppositions montrent les muscles, comme c'est le jeu habituel, personne n'a intérêt à repasser devant les électeurs". Et de détailler : « après l'affaire Quatennes puis Bayou, la NUPES est dans un trou d'air, les LR sont affaiblis et englués dans leur congrès, Marine Le Pen est très heureuse d'avoir 89 députés et ne voudrait pas prendre le risque d'en perdre ... »

Une fois ce cadre posé, quid de la réforme en elle-même ? « Au fond, on est loin d'avoir le détails », assure Geoffroy Roux de Bézieux, le leader du Medef. Emmanuel Macron a pointé les grands chapitres qu'il compte voir aborder dans la concertation que son gouvernement va proposer aux partenaires sociaux et parlementaires. Ces derniers devraient bientôt recevoir une lettre d'intention.

Le recul de l'âge jusqu'à 65 ans

Le premier point à l'ordre du jour concerne le recul progressif de l'âge de départ à la retraite. Pendant sa campagne, Emmanuel Macron a affiché la couleur : passer de 62 ans d'âge légal à 65. Puis, il a assoupli quelque peu sa position, assurant que « 65 ans n'était plus un totem ».

Ce curseur est toutefois revenu hier, alors que le chef de l'Etat dévoilait ses intentions aux principaux ministres intéressés. Et Elisabeth Borne a précisé, ce jeudi matin, à l'AFP que la réforme devrait bien prévoir un « report progressif de l'âge de départ de 4 mois par an, aboutissant à 65 ans en 2031 ».

Pas sûr toutefois qu'en la matière, l'échange ne soit très nourri : tous les syndicats de salariés - CFDT en tête-  ont d'emblée fait valoir qu'ils étaient contre un décalage de l'âge. Il n'empêche, l'Elysée y tient. Et pour cause, « c'est le plus simple, c'est compréhensible par tout le monde et c'est ce qui rapporte le plus aux finances », argue un conseiller du Palais. A Bercy, les calculettes ont déjà commencé à tourner. Un décalage de 62 à 64 ans ferait gagner à la France jusqu'à 0,2 point de PIB.

En parallèle sera discutée aussi une accélération de la réforme de 2014 de Marisol Touraine, concernant la durée de cotisation.

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Autre élément de la discussion, la pénibilité

La pénibilité... c'est l'élément que le gouvernement brandit pour faire passer la pilule. En échange de travailler plus longtemps pour une majorité des Français, la prise en compte de la dureté de certains métiers sera assurée. Et pour cause, la CFDT en a fait un point d'honneur. Et dans l'opinion publique, c'est un marqueur fort. Les Français sont attachés à protéger ceux qui sont les plus usés par leurs métiers.

Reste à définir les critères qui peuvent être discutés. Les précédentes négociations autour du compte pénibilité ont laissé de mauvais souvenirs notamment au sein du patronat. Geoffroy Roux de Bézieux, au Medef, s'en explique : « On n'est pas contre prendre en compte la pénibilité, bien entendu, mais on nous demandait de suivre une usine à gaz en observant des postures, de fliquer les salariés ... ça c'est non ». La question est de savoir si cette pénibilité sera reconnue à titre personnel ou à titre collectif est déterminante. Sachant que si la dernière option était retenue, ce serait, selon le patronat, la porte ouverte à la création de nouveaux régimes spéciaux.

Les régimes spéciaux

Ils ne devaient pas à l'origine faire partie de la concertation... mais finalement, impossible de passer outre. « Les Français du secteur privé à qui l'on demande des efforts ne comprendraient pas que l'on ne fasse rien côté régimes spéciaux », a laissé entendre Emmanuel Macron, lors du dîner. Sans compter que c'est un argument de poids pour obtenir les voix des députés LR, et le soutien du patronat.

Mais le risque social est fort. Le gouvernement peut-il faire face à d'importants blocages ?  Du coté de l'exécutif, on argue que ces régimes spéciaux sont de moins en moins nombreux. Avec la disparition du statut des cheminots pour les nouveaux entrants, le dispositif spécifique à la SNCF va progressivement s'éteindre. Reste celui de la RATP. Pas sûr toutefois que ces agents puissent paralyser la capitale. Les Français ont aussi appris avec le Covid à télétravailler et à privilégier d'autres mobilités, veut croire l'exécutif.

En réalité, le système qui inquiète le plus le gouvernement est celui des gaziers et électriciens, les IEG. En pleine crise énergétique, une importante grève des agents d'EDF ou d'envie compliquerait la situation de la France. « On a déjà besoin de toutes les équipes pour remettre en route les réacteurs à l'arrêt, on ne peut pas se permettre de perdre des semaines de travail d'EDF », plaide un ministre.

En la matière, l'exécutif fait le pari de l'opinion. Sous-entendu, si des coupures d'énergie touchaient les ménages et les entreprises à cause de débrayages, en plein hiver, dans un contexte de tensions dues à la guerre en Ukraine, ces mouvements seraient très peu populaires.

Enfin, quel que soit le secteur, dans une période où le pouvoir d'achat est la première priorité des Français, l'exécutif parie sur la nécessité pour les agents publics de ne pas perdre trop en salaires, et donc de limiter les journées d'action.

Un seuil minimal de pension à 1.100 euros

Voilà un point, au moins, sur lequel tout le monde promet d'être d'accord. La question est de savoir à quel moment ce relèvement des pensions devient effectif, réel. Car cette mesure amoindrira très vite les avantages financiers de la réforme.

La pension à 1.100 euros risque d'être la carotte en face de l'allongement de la durée de cotisation et/ou du report de l'âge. Le gouvernement espère avec ce seuil minimal attirer dans la discussion des organisations syndicales comme la CFDT. Les indépendants ou les agriculteurs - qui peuvent être aussi sources de blocage - sont aussi sensibles à cet argument.

Politiquement, c'est aussi un argument qui peut faire mouche. « Qui par les temps qui courent, osera dire "non" à un texte qui sanctuarise les retraites à 1100 euros ? », plaide un ministre. A peine le lancement de la réforme annoncé, de nombreux groupes politiques, comme les RN ou la NUPES ont toutefois déjà signalé leur opposition.

Fanny Guinochet
Commentaires 13
à écrit le 01/10/2022 à 11:59
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La question est : "Pourquoi travailler plus?" Pour continuer dans une "politique de l'offre" et toute ses contradictions? Pour générer plus de publicité pour vendre plus? Pour "innover" sans qu'il y ait le moindre progrès, mais simplement pour d'autr...

à écrit le 30/09/2022 à 14:59
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il faut en premier aligner les regimes ET LES COTISATIONS Les grilles sont devenues tres injusteS (EGALITE DANS LA CONSTITUTION°?) à revenu égal il faut une cotisation égale pas comme le systeme MACRON prime ceci prime cela exonérées, toujours p...

à écrit le 30/09/2022 à 10:54
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Ah! Une Concertation! On va créer enfin une Caisse de Retraite pour les Fonctionnaires d'Etat et Autres Profiteurs des Générosités du Budget de l'Etat? Non? Alors, à quoi bon? Nos gouvernements et les bavards de l'Assemblée Nationale ne nous pas habi...

le 30/09/2022 à 13:20
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il faut interdire aux ou ex ministre et president des fonctions dans une entreprise a l'etrangé et revenir sur les loi promulgue par ces gens

à écrit le 30/09/2022 à 10:41
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Si nous en sommes là, c’est que chaque décision technique est personnifiée.. Qu’importe M.Macron, ou n’importe lequel de nos syndicalistes! Il va bien falloir remettre nos systèmes sociaux en équilibre, et il est difficile dans le contexte français (...

le 30/09/2022 à 13:14
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ce n'est pas en gouvernant avec la peur et l'infantilisation voir du en meme temps qu'une construction de bon sens et de compromis puisse deboucher sur une veritable reforme il y a aussi les insultes répété envers les francais qui ne sont pas d...

le 30/09/2022 à 14:37
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Puisque vous parlez de regarder en Europe ok. Regardons par exemple les taux de tva en Europe ( on pourra regarder les charges sociales ensuite si vous voulez.. ). Taux normal pour être bref mais le différentiel taux réduit est identique: Hongrie 27 ...

à écrit le 30/09/2022 à 8:31
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Le système de retraite est en déficit donc sans action à terme en faillite. L'espérance de vie augmentant régulièrement il y a 3 options ,recul de l'âge de départ, diminution des pensions , augmentation des cotisations, il va falloir choisir.

le 30/09/2022 à 9:23
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Les gouvernements nous imposent le "travailler plus". Or, nous pourrions très bien augmenter les cotisations et surtout supprimer les exonérations de charges pour les employeurs. Cela ferait des recettes supplémentaires. Il est aussi possible de taxe...

le 30/09/2022 à 10:26
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et pourquoi pas demander des efforts aux retraités actuels ? apres tout ceux ci sont quand meme bien responsable de la situation en ayant voté pour les nuisibles Mitterrand, Chirac et Sarkozy alors que ceux qui seront impacte par le recul d age etai...

le 30/09/2022 à 14:15
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Ou avez vous vu que notre système de retraite ( ou de chômage ou de soins etc.. ) était en faillite ? Vous ne reprenez que la propagande du gouvernement qui est... prospective.. envisagé... la les caisses sont pleines.. Cependant si le ( les ) gouver...

à écrit le 29/09/2022 à 22:17
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Ok Macron veut supprimer les régimes spéciaux … mais il s agit pas non plus de les rendre pire que dans le privé : ces régimes n ayant pas de retraite complémentaire comme dans le privé comment va t’il résoudre cette équation ? Que va t il faire pou...

à écrit le 29/09/2022 à 17:48
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On sent que tout va être fait pour instrumentaliser et démolir médiatiquement chaque membre de l'opposition pour ne pas lui permettre de se représenter lors d'une susceptible dissolution ! ;-)

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