Réindustrialisation, relocalisation, patriotisme, made in France ...la pandémie a remis sur le devant de la scène la souveraineté économique des Etats. Alors que la réindustrialisation est revendiquée par tous les candidats à la présidentielle, Emmanuel Macron, hérault de la "mondialisation heureuse", n'hésite plus à se mettre en scène depuis le début de l'été au milieu des usines. Au pic de la pandémie, le chef de l'Etat avait annoncé que "le monde d'après ne sera pas comme celui d'avant".
Il faut dire que la pandémie a jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de la France à l'égard des pays étrangers pour les masques, le gel hydroalcoolique et certains médicaments. En outre, la multiplication des catastrophes naturelles et les alertes des scientifiques sur le réchauffement climatique poussent les Etats à revoir leur modèle économique et accélérer leur transition énergétique. Après des années de désindustrialisation, le moment de la bifurcation est-il arrivé ? Rien n'est moins sûr. Un sondage réalisé par OpinionWay dans le cadre du Printemps de l'économie montre que les Français ont une position ambivalente sur ces enjeux de souveraineté.
Emmanuel Macron à l'usine Valéo située à Etaples près du Touquet. Crédits : Reuters.
Les Français ne sont pas prêts à payer plus cher
Le premier enseignement de ce baromètre est que les Français sont en grande majorité favorables (87%) à la réduction de la dépendance de la France et de l'Europe aux importations de produits stratégiques (santé, semi-conducteurs). Dans le jeu des puissances mondiales, l'Europe s'est retrouvée bien désarmée face à l'ampleur de la crise sanitaire. Les gouvernements du Vieux continent ont dû négocier âprement chacun de leur côté des stocks de masques à la Chine révélant l'extrême fragilité de la construction européenne. La France a continué de son côté à importer des montagnes de masques pour reconstituer des stocks largement décimés. On voit aussi les dégâts de notre dépendance économique en terme de semi-conducteurs dans l'automobile.
Si une large partie de l'opinion publique est d'accord pour réindustrialiser l'Europe, seulement 4 Français sur dix sont prêts à payer plus cher pour des produits importés. En effet, les économistes et les associations environnementales rappellent régulièrement que si la mondialisation a permis de faire baisser les prix pour le consommateur, la totalité des coûts notamment environnementaux n'est pas prise en compte dans la fixation du prix final (externalités négatives). A ce sujet, 51% des répondants indiquent qu'ils veulent bien payer plus cher des produits importés pour que leur prix reflète le coût qu'il font peser sur l'environnement dans les pays où ils sont produits (émissions de carbone, pollutions, atteintes à la biodiversité). Cela signifie qu'il existe tout de même une prise de conscience d'une partie de l'opinion publique. Mais d'une moitié seulement !
La fiscalité pour réduire la pollution : les Français partagés
Taxe carbone aux frontières, prélèvement spécifique sur les produits pétroliers... la fiscalité environnementale est un instrument largement utilisé par les gouvernements en Europe pour tenter de modifier les comportements des ménages et des entreprises. Sur ce point, les Français sont relativement partagés sur l'efficacité de cet outil pour réduire les émissions de CO2. Ainsi, 49% des Français considèrent que c'est un bon moyen. A l'inverse, 51% affirment que c'est un mauvais outil. La récente hausse des prix de l'énergie en Europe a ravivé les craintes sur le pouvoir d'achat des Français.
Face aux risques de mécontentement, le gouvernement a annoncé la mise en place d'un chèque énergie de 100 euros et un bouclier tarifaire mais ces propositions ne sont qu'une solution temporaire dans le contexte du réchauffement climatique planétaire. La fiscalité sur les produits pétroliers et notamment l'essence sans contrepartie pour les ménages les plus dépendants de la voiture ou dans les zones rurales peut mettre le feux aux poudres. La crise des gilets jaunes avait d'ailleurs démarré sur la hausse d'une taxe sur les carburants. Les résultats du baromètre rappellent que c'est un sujet socialement inflammable. En effet, si 60% des catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+) pensent que la fiscalité environnementale est un instrument efficace, 40% des classes inférieures estiment que c'est un mauvais levier.
(*) Méthode : Echantillon de 1.011 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L'échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d'âge, de catégorie socio-professionnelle, de taille de commune et de région de résidence, secteur d'activité, taille d'entreprise. L'échantillon a été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne les 8 et 9 septembre 2021.