« Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s'achève, mais l'invention collective d'une méthode refondée pour cinq années au service de notre pays, de notre jeunesse. » Au soir du second tour à l'élection présidentielle le 24 avril dernier, Emmanuel Macron avait promis un tournant dans sa manière de gouverner. Critiqué pour sa vision « jupitérienne » du pouvoir, le chef de l'Etat veut montrer qu'il a « changé ». Ce jeudi 8 septembre, le chef de l'Etat s'apprête à lancer en grande pompe le conseil national de la refondation (CNR), en référence au Conseil national de la Résistance né lors de la Seconde Guerre mondiale.
Cette allusion avait d'ailleurs suscité une vague d'interrogations dans les rangs des syndicats. « Il s'agit de revivifier notre démocratie et faire face à d'immenses défis. Il y a un besoin d'essayer de travailler autrement et d'adopter une nouvelle méthode pour construire avec tous les acteurs de meilleures solutions », assure l'entourage du Président.
Cette première réunion de jeudi, qui doit rassembler une cinquantaine de personnes, servira à donner « un cadrage » aux prochaines réunions. Le suivi du conseil national de la refondation sera assuré par le Haut-commissariat au plan. Cinq grands thèmes de discussion ont été listés : « le plein emploi, l'école, la santé, le bien-vieillir et la transition écologique ». Dans l'après-midi, la Première ministre Elisabeth Borne pilotera une réunion pour déterminer les chantiers et établir leur mise en œuvre dans la durée.
Un dialogue « sans filtre » promet l'Elysée
Pour cette première journée à Marcoussis dans l'Essonne, Emmanuel Macron a prévu d'attaquer par un propos introductif devant un parterre de ministres, élus locaux, associations et représentants de la société civile. Son intervention sera suivie de trois exposés. Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau doit faire une présentation de la situation économique de la France.
Viendra ensuite le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui fera un exposé sur l'état des finances publiques. Le dernier propos sur le défi climatique sera assuré par Corinne Le Quéré, la présidente du Haut Conseil pour le Climat. L'après-midi, la rencontre doit donner lieu à des échanges. « Dans cette journée, l'idée est d'avoir un dialogue direct, franc et sans filtre », promet l'Elysée.
« Ne pas se substituer aux institutions déjà existantes », assure l'Elysée
L'annonce de ce conseil national de la refondation a suscité de vives interrogations sur son utilité et sa légitimité. Beaucoup d'élus et de syndicats ont exprimé des réserves sur cette initiative depuis qu'Emmanuel Macron avait exprimé sa volonté de mettre en œuvre ce rendez-vous au printemps.
Il faut dire, lors du premier quinquennat Macron, le Grand débat organisé après la crise des gilets jaunes et la Convention citoyenne pour le Climat n'ont pas débouché sur des changements jugés majeurs dans le fonctionnement des institutions malgré les promesses du président.
Parmi les récentes craintes exprimées à propos du CNR, figure celle de remplacer des institutions existantes comme le Parlement, les syndicats ou le CESE (Le Conseil économique social et environnemental). Face à ces craintes, l'entourage du Président assure que « le parlement restera le parlement, le CESE restera le CESE et les partenaires sociaux s'occuperont toujours des négociations paritaires ».
Les partis d'opposition boudent
Cette volonté de vouloir rassembler les différentes forces d'opposition pourrait faire un flop. En effet, la liste des organisations prêtes à déserter cette réunion ne cesse de s'allonger. Sur le plan politique, plusieurs partis d'opposition ont déjà fait part de leur réticence à participer à ce rassemblement.
Après le Rassemblement national (RN) et les Républicains (LR), le parti de la France Insoumise (LFI) a confirmé qu'il ne participerait pas au conseil national de la refondation. Du côté du Parti socialiste (PS), Olivier Faure n'y voit « aucun intérêt » si « c'est pour revivre ce que nous avons vécu avec le Grand débat et la Convention citoyenne » et « si c'est pour contourner un Parlement qui n'est pas favorable » à Emmanuel Macron.
La CFDT participera, la CGT, FO et la CFE-CGC boycottent
Du côté des syndicats, les positions divergent. La secrétaire générale adjointe de la CFDT Marylise Léon a expliqué ce mardi 6 septembre que son syndicat participera au CNR. « Aujourd'hui, la période est trop grave pour déserter le terrain de l'implication. Dans le contexte économique et social anxiogène marqué par l'inflation et les risques liés à l'approvisionnement en énergie, il est de notre responsabilité de saisir chaque occasion de porter la voix des travailleuses et des travailleurs », a affirmé la responsable syndicale.
Du côté de la CGT, de Force Ouvrière ou de la CFE-CGC, les centrales ont décidé tout simplement de boycotter cette réunion de rentrée. « C'est le rendez-vous de ceux qui souhaitent avancer dans le dialogue. Il est paradoxal de dire que l'on n'a pas été assez écouté alors que le président leur a dit qu'il était prêt à les écouter. Nous serons assez nombreux. Je n'ai pas vu que la politique de la chaise vide permettait de faire avancer les dossiers », a réagi l'Elysée. Après les Dialogues de Bercy sur le budget 2023 proposés par le gouvernement et boudés par beaucoup d'organisations, une nouvelle désertion serait un camouflet pour le chef de l'Etat.
Les collectivités font volte-face
Vendredi dernier, Territoires Unis, qui rassemble les trois associations des maires, des départements et des régions, a annoncé qu'elles n'allaient pas participer à cet événement avant de faire machine arrière. « Nous irons parce que nous avons obtenu des réunions de travail régulières avec le président de la République pour échanger sur les problèmes spécifiques que nous rencontrons dans l'exercice de nos compétences », a expliqué lundi dans l'après-midi François Sauvadet, le président de l'Assemblée des départements de France (AdF), après une réunion à l'Elysée avec Emmanuel Macron.
« Territoires Unis a obtenu l'assurance d'être reçu à échéances régulières, au moins deux fois par an, par le Président de la République pour travailler sur les perspectives d'amélioration de la décentralisation et fixer un cap aux discussions d'ores et déjà engagées avec le gouvernement sous l'égide d'Elisabeth Borne, dans un esprit de construction commune et de confiance mutuelle, qu'il convient une nouvelle fois de saluer », ont expliqué les associations d'élus. Reste à voir si ce CNR va déboucher sur un nouveau dialogue entre les collectivités et le chef de l'Etat après un premier quinquennat explosif.