A Chypre, les promesses d'Aphrodite enflamment le "Levant"

La découverte d'un gisement de gaz dans les eaux territoriales chypriotes, qui pourrait valoir quelque 600 milliards d'euros, suscite l'emballement dans la région et provoque des tensions diplomatiques. Entre Chypre et la Turquie, qui occupe le nord de l'île, mais aussi avec la Russie et Israël, très intéressés par le partage de ce « trésor ».
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Aphrodite fait des ravages dans le bassin du Levant. Celle qui suscite les fantasmes n'est non pas la célèbre déesse grecque de l'amour, mais une parcelle d'un vaste champ gazier baptisée du même nom, à une centaine de kilomètres des côtes chypriotes.

Ce « trésor », découvert en 2011 dans les profondeurs de la Méditerranée, est une lueur d'espoir pour les quelque 800000 habitants de l'île qui traversent une sombre crise financière depuis la mi-mars. Les évaluations du pétrolier américain Noble Energy, en charge de l'exploration de ce bloc, sont en effet très prometteuses. Les premières poches représenteraient entre 140 et 230 milliards de m3. Début juin, Noble Energy a lancé une campagne de forages destinés à mieux préciser le potentiel exact d'Aphrodite. Or cette parcelle n'est qu'un des treize blocs du champ gazier. L'ensemble pourrait valoir 600 milliards d'euros...

Dans les rues brûlantes de Nicosie, habitants, médias et politiques rêvent et s'enflamment dès qu'Aphrodite est évoquée, « surtout depuis que l'île a demandé l'aide financière de l'Europe en juin 2012, précise Prodromos Prodromou, économiste et député du parti Disy (droite, actuellement au pouvoir). Lors de la dernière élection présidentielle, par exemple [en février 2013, ndlr], les candidats ont mis le gaz au centre de leurs campagnes. Certains ont même suggéré que l'on ne se base que sur les revenus du gaz, sans demander l'aide européenne. »

Fiona Mullen, économiste, met toutefois en garde contre ce vent d'enthousiasme : « Le gaz, ce n'est pas pour demain matin ; il faudra au moins quinze ans avant que les recettes n'arrivent ! » De fait, les exportations de gaz chypriotes ne sont pas prévues avant au minimum 2018... Ce qui n'empêche pas les projets de germer déjà autour du gisement. En janvier dernier, les Chypriotes ont créé spécialement une compagnie d'État d'hydrocarbures pour gérer le gisement. En février, les groupes ENI (italien), Kogas (sud-coréen) et Total ont obtenu des licences, délivrées par Nicosie, pour l'exploration de cinq nouveaux blocs. D'autres demandes pour les zones restantes émanant de « grands groupes pétroliers sont à l'étude », selon Chypre.

À noter enfin que, mercredi 26 juin, Nicosie a signé un accord avec une coentreprise israélo-américaine (Noble Energy, Delek Drilling et Avner Oil Exploration) pour la création d'une usine de gaz naturel liquéfié, dans la ville de Vassilikos. Cet investissement colossal - le plus élevé de l'histoire de l'île -« permettra d'exporter du gaz naturel vers les marchés européen et mondial », s'enthousiasme le gouvernement chypriote. Car, pour l'Union européenne, le gaz chypriote est un enjeu crucial, afin de moins dépendre du gaz russe. Christos Stylianides, le porteparole de la présidence chypriote, ne s'en cache pas : Chypre veut « devenir un acteur clé dans la future distribution de gaz en Europe ».

Bataille du gaz engagée entre Nicosie et Ankara

Aphrodite suscite néanmoins des convoitises bien au-delà des côtes chypriotes, notamment chez son voisin turc qui revendique une partie du gisement. La Turquie occupe militairement la partie nord de Chypre depuis 1974, y a proclamé la RTCN (République turque de Chypre du Nord, non reconnue par la communauté internationale). Entre Nicosie et Ankara, la bataille du gaz s'est engagée à la fin 2011, lorsquela Turquie a envoyé son propre bateau d'exploration dans les eaux méditerranéennes. Fin 2012, Ankara avait menacé les groupes pétroliers étrangers souhaitant « collaborer » avec Chypre. Menaces mises à exécution en mars dernier : la Turquie a suspendu ses contrats avec ENI. Ersin Tatar, ministre des Finances de la RTCN, a prévenu : « Nous devons trouver un accord avant d'entamer toute exploration. Ou nous pourrions faire un recours devant la Cour internationale de justice... Et puis la zone pourrait devenir risquée... »

En mars dernier, la Turquie s'est dite prête à « discuter » avec les autorités chypriotes. Mais pour l'heure, Nicosie poursuit la campagne d'exploration, s'estimant « dans [son] droit indiscutable, avec le soutien de la communauté internationale », rappelle Christos Stylianides. Il précise toutefois : « Tous les Chypriotes [Grecs comme Turcs, ndlr] devront profiter des bénéfices du gaz , mais pour cela il faudra régler le problème chypriote. » Pour rappel, les discussions sur la partition de l'île sont enlisées depuis bientôt quarante ans...

Commentaires 7
à écrit le 10/08/2013 à 14:07
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tot ou tard explosera à nouveau la guerre.Israel veut aussi un morceau du gateau!!!

à écrit le 09/08/2013 à 18:27
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Les Turcs laissent passer les armes et les combattant d ' Al Qaeda en Syrie. Ces derniers viennent d ' egorger et decapiter 450 femmes et enfants Kurdes, alors ne faisons pas de cadeau a Erdogan!

le 09/08/2013 à 21:41
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450 femmes et enfants on est en plein délire, merci de préciser vos sources.

le 10/08/2013 à 5:59
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Jeanne Hachette , tu rejoins donc le point de vue de Bachard El Assad qui qualifie la résistance de terroristes c'est bon à savoir. Quand à tes chiffres je ne sais d'ou tu les tiens. Quand aux Kurdes de Syrie , malheuresement , ils sont restés les br...

le 10/08/2013 à 10:55
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Ne laissons pas faire les turcs et leurs visées expansionnistes. Chypre nord reste un territoire occupé illégalement. Comme plus tôt au 20e siècle les grecs y on été chassés et remplacés par des colons. Combien y avait-il de turcs en 1974 sur l'île? ...

à écrit le 09/08/2013 à 15:38
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La crise est gérée par des Français ? :-)

à écrit le 09/08/2013 à 14:49
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Voila une raison valable de ne pas faire rentré la Turquie dans l'europe tant qu'ils sont en contentieux avec Chypre et la Grece

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