« Cette crise nous oblige à bousculer la façon dont les choses se font », avait déclaré, en pleine deuxième vague de l'épidémie en décembre, Volkan Bozkir, le président de l'Assemblée générale des Nations Unies. Une opinion que partage la majorité des citoyens des pays occidentaux. Dans le détail, plus de quatre Anglais sur dix estiment en effet que leur système économique mérite d'être sérieusement revu, d'après une étude menée par le groupe de réflexion américain Pew Research Center. 45% des Allemands et 40% des Américains sont du même avis. Toutefois, c'est en France que la volonté de changement est la plus forte : près de 58% des Français appellent à des transformations importantes.
En cause : la pandémie a frappé les économies de plein fouet. En 2020, le PIB américain a chuté de 3,5%, selon les données publiées fin mars par le Bureau d'Analyse Economique (BEA). En Union européenne, il a plongé de 6,4%, selon Eurostat. Face à ces récessions inédites, 12% des Français et 10% des Anglais pensent que leur système économique doit être « complètement réformé », ajoute l'enquête.
La formation et l'État-providence
Transformer, oui, mais comment ? Face au choc de la crise, en particulier sur le marché du travail, c'est l'emploi qui est au cœur des préoccupations, souligne l'enquête. En effet, en France et en Allemagne, plus de 6 citoyens sur 10 estiment que le gouvernement devrait proposer plus de formation professionnelle et qualifiante. En Angleterre et en Allemagne, c'est plus de 7 salariés sur 10.
Renforcer leur rôle de l'État-providence leur paraît important. Ainsi, 55% des Allemands et 48% des Français appellent leur gouvernement à construire plus de logements. Par ailleurs, 52% des Anglais et 44% des Américains pensent qu'il faut augmenter les aides publiques à destination des plus pauvres, ajoute l'étude. Car la crise a aussi frappé les économies avancées : en 2020, les classes moyennes y ont gagné 16 millions de personnes qui ont vu leur niveau de vie baisser, d'après une autre enquête du Pew Research Center publiée en mars.
Le revenu universel de base, un sujet clivant
Et la majorité des citoyens se sentent concernés par ces préoccupations, quelle que soit leur conviction politique. Ainsi, en France, 77% des citoyens se disant de gauche appellent à des réformes économiques, soit à peine 8 points de plus que ceux de droite (69%), note l'étude. En Allemagne aussi l'écart est limité : 57% contre 44%, soit 13 points de différence.
Toutefois, ils sont beaucoup plus partagés sur des sujets plus clivants comme la taxation des riches ou le revenu universel. Pour ces questions, la volonté de réforme est bien plus marquée dans les catégories de revenus les plus basses. Ainsi, 45% des Allemands aux faibles revenus pensent qu'il est très important d'augmenter la taxation des plus aisés, contre 26% des Allemands à hauts revenus, soit 19 points de moins, fait valoir le rapport. L'écart se creuse encore plus au sujet du revenu universel : en effet, si 51% des Américains aux faibles revenus soutiennent fortement l'idée d'un revenu universel de base, seulement 16% des plus aisés jugent cette mesure très importante, soit 35 points de différence.
Au-delà de leur nationalité, de leur conviction politique ou de leur revenu, un dernier sujet fait complètement diverger leur opinion : la régulation de l'économie par l'État. En effet, 74% des Américains de gauche jugent qu'il est bon que le gouvernement intervienne, contre 25% de ceux de droite, soit un écart de 49 points. À l'inverse, la majorité des Anglais sont d'accord pour dire que c'est une bonne chose, quelle que soit leur appartenance politique.
L'étude du Pew Research Center s'appuie sur des enquêtes téléphoniques réalisées auprès de 4.069 adultes aux États-Unis, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, entre le 10 novembre et le 23 décembre 2020.