C'est un système d'impôts qui ne ressemble en rien à celui de la France. Au Japon, le domicile fiscal peut être librement choisi... tout en récompensant les contribuables les plus généreux, raconte le Wall Street Journal. Tout commence lorsque le gouvernement nippon décide, il y a plus de dix ans, de lutter contre l'érosion des recettes fiscales des villes rurales, en proie à la désertion des populations attirées par les grandes villes.
Pour y faire face, le pays du soleil levant met en place un mécanisme : chaque contribuable peut choisir de rediriger une partie de ses impôts locaux vers des communes où il n'habite pas. Et pour l'inciter à le faire, celui-ci reçoit en échange un cadeau de la part des villes rurales bénéficiaires.
Concrètement, le montant maximum déductible des impôts que les contribuables peuvent donner à une ville au cours d'une année est proportionnel à la taille de son assiette fiscale. Ainsi, ceux qui ont des salaires élevés peuvent donner plus à une ville et recevoir ainsi plus de cadeaux.
Le business de l'impôt local
Problème, alors que neuf millions de Japonais (sur 125 millions au total) optent pour ce système, les municipalités se lancent dans une véritable compétition aux cadeaux de remerciement pour cet impôt venu d'ailleurs, explique le quotidien économique. Au Japon, un véritable business s'est même développé au travers de douzaine de plateformes en ligne qui proposent des options de cadeaux. Des blogs ont même vu le jour où les participants évaluent les cadeaux, publiant des listes classées, des meilleures cerises ou du meilleur thon, offerts par la municipalité rurale.
Surtout, ces impôts locaux payés ici, et non sur le lieu de résidence des contribuables japonais, a tendance à créer un système fiscal inégalitaire entre les villes. Ainsi, la redistribution des recettes fiscales pénalise par exemple le quartier de Setagaya, à Tokyo, au profit de villes rurales qui cajolent le généreux citadin. En 2024, cette partie de la ville devrait ainsi enregistrer une perte de recettes fiscales de près de 70 millions de dollars en raison des déductions opérées dans le cadre du système d'imposition de la ville d'origine, rapporte le Wall Street Journal.
L'Etat ne veut pas compenser les pertes
Résultat, le ministère japonais de l'Intérieur tente de mettre un frein aux excès. « C'est juste devenu quelque chose qui ressemble à du shopping », a déclaré Yuta Akutsu, un fonctionnaire de la division des impôts municipaux du ministère cité par le WSJ. En attendant, les quartiers délaissés par l'impôt local au profit d'autres régions du Japon tirent la langue et craignent de ne plus pouvoir financer les services publics de base (collecte des déchets, entretien des routes...).
Au Japon, le système de récompenses contre un versement est très répandu. En l'absence de financements de l'Etat qui réduit actuellement fortement ses dépenses, le deuxième plus vieux musée du pays à Tokyo a ainsi prévu d'offrir des cadeaux à ces donateurs, à la suite d'une campagne participative qui lui permis de réunir 3,4 millions de dollars (3,1 millions d'euros) pour combler un déficit survenu avec la flambée des coûts de l'énergie.