Automobile : comment le Japon veut devenir la nouvelle force dans l'électrique

Grande puissance automobile mondiale, le Japon est à la traîne dans le secteur des voitures électriques. Longtemps focalisé sur l'hybride et l'hydrogène, l'archipel n'a pas souhaité développer cette filière. Mais l'évolution du marché mondial a fait changé d'avis le pays. Le Japon investit désormais massivement dans la production de batteries électriques et souhaite devenir le pionnier de la future technologie de batteries. Plusieurs obstacles restent cependant à franchir. Décryptage.
L'automobile pèse 10% du PIB japonais. C'est autant qu'en Allemagne.
L'automobile pèse 10% du PIB japonais. C'est autant qu'en Allemagne. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)

La Chine, les Etats-Unis, et bientôt le Japon ? Dans la concurrence sur le marché de la voiture électrique, ce dernier pourrait s'imposer plus vite qu'attendu. Car si le Japon est jusqu'alors resté en retrait sur cette technologie, la faute à une industrie automobile fortement orientée vers le thermique et l'hybride, les annonces récentes du gouvernement laissent à penser que l'archipel compte bien rattraper son retard. En juin dernier, Toyota et d'autres sociétés japonaises recevaient 118 milliards de yens de subventions, soit 764 millions d'euros afin de développer les batteries électriques dans le pays.

Un peu plus tôt, en avril, Honda et d'autres sociétés avaient déjà reçu un milliard d'euros pour un projet similaire. L'augmentation de la vente des voitures électriques n'est que de 1,7% au Japon cette année, soit largement derrière l'Europe avec ses 11%. Mais le pays rêve de créer une rupture technologique majeure, comme sur les véhicules hybrides.

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Toyota vise 1,5 million de véhicules électriques pour 2026

En chef de file sur ce domaine : le groupe Toyota. L'entreprise japonaise, numéro un mondial sur le marché de l'automobile, a annoncé un objectif de 1,5 million de véhicules 100% électriques pour 2026. Un projet ambitieux pour le groupe avec ses 25.000 unités vendues l'année dernière, bien loin derrière l'Américain Tesla et le chinois BYD, qui ont écoulé respectivement 1,3 million et 900.000 voitures électriques en 2022. Pour rattraper son retard, Toyota a dévoilé son plan d'action à 2030 cette semaine.

Le géant Japonais a prévu de rehausser de 50% ses dépenses en R&D, en particulier pour le développement des batteries électriques. Toyota espère développer rapidement les batteries solides, réputées pour présenter plus d'autonomie et un temps de chargement de seulement 10 minutes, mais dont la technologie n'est pas encore au point.

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D'ici là, le constructeur nippon compte améliorer les technologies sur les batteries liquides lithium-ions avec deux projets de giga-usines au Japon et aux Etats-Unis. Objectif final : atteindre un prix comparable entre les voitures thermiques et les voitures électriques d'ici 2030 avec une réduction des coûts de production de 40% sur la batterie et de 50% dans les usines de fabrication de voitures.

« Cette baisse sera possible grâce à la technologie mieux maîtrisée sur les batteries et grâce à l'intelligence artificielle dans les usines de fabrication », a expliqué Frank Marotte, président et directeur général de Toyota France.

Le Japon, grande force technologique

Pour être aussi ambitieux, le groupe sait qu'il a des ressources. D'abord, Toyota a été le pionnier de la voiture hybride. Une technologie qui va lui servir pour développer l'électrique à grande vitesse d'après Frank Marotte :

« Nous avons approfondi les rendements des batteries et leur compacité avec l'hybride. Cette technologie a aussi été l'occasion de comprendre comment optimiser l'autonomie des voitures avec la gestion de l'énergie au roulage ainsi qu'au freinage. Nos voitures ont un aérodynamisme en forme de goutte d'eau qui tombe permettant ainsi de limiter les dépenses en énergie.  »

De son côté, le constructeur Nissan compte s'appuyer sur les innovations de Renault pour développer cette filière. Le groupe a annoncé une prise de participation dans la filiale électrique « Ampere » de la marque au losange l'année prochaine. Pour aider les constructeurs à développer massivement cette industrie et à combler leur retard, le gouvernement japonais sera particulièrement présent.

« Les Japonais sont capables de rattraper leur retard, ils ont une approche industrielle très complète et un Etat qui aide beaucoup. La force de cette industrie est de prendre une technologie existante et d'apporter des innovations fortes dessus », précise un analyste financier du secteur.

Car l'industrie automobile pèse très lourd dans le pays. Elle représentait 10% du PIB en 2019, soit environ la même part qu'en Allemagne. Mais un premier problème se pose : le Japon aura-t-il suffisamment d'électricité pour alimenter son parc ? Pour l'heure, l'archipel dépend fortement des énergies fossiles importées. En août dernier, coup de théâtre, le Premier ministre japonais prévoit le redémarrage de plusieurs centrales nucléaires, après 10 ans d'arrêt suite à la catastrophe de Fukushima. Le Japon mise également sur les énergies renouvelables. Ces dernières doivent couvrir 50% à 60% des sources d'énergie du pays d'ici 2050.

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Plusieurs obstacles restent à franchir

L'énergie ne sera pas le seul obstacle à cette quête d'électrification de l'automobile. Le Japon possède un marché très spécifique, où les petites voitures appelées « kei cars » sont légion. Apparus après la Seconde Guerre mondiale, ces petits modèles permettent aux Japonais de se déplacer facilement à l'intérieur des villes et sont surtout très attractifs, souvent en dessous de 10.000 euros. Il faudra donc composer avec cet attrait des véhicules peu chers dans un contexte où les voitures électriques sont 30% plus coûteuses que leur équivalent thermique.

En outre, si l'Etat investit dans le développement d'un réseau de bornes de recharges afin d'accélérer cette transformation, les constructeurs japonais souffrent de systèmes de chargement différents de ceux utilisés communément dans le monde. En effet, leurs prises appelées Chademo sont peu puissantes et le temps de chargement très long. Elles ont été remplacées peu à peu par d'autres systèmes dans les voitures européennes et américaines, empêchant les modèles japonais électriques de s'imposer sur le marché international.

Enfin, le Japon devra composer avec un manque de métaux présents sur son territoire en s'associant rapidement avec des mines dans divers pays du monde, s'il veut maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur. L'archipel est d'autant plus pressé de transformer son parc automobile qu'il a annoncé une neutralité carbone pour 2050 et l'interdiction de la vente des voitures thermiques en 2030. Pas d'annonces en revanche sur un futur 100% électrique comme c'est le cas en Europe. Pour Koji Yamamoto, président de J.D. Power Japan, « atteindre le 100% électrique semble être difficile, il va falloir garder une part d'hybride pour baisser les émissions de carbone au plus vite ».

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Commentaires 2
à écrit le 09/07/2023 à 1:43
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Quand on roule en japonaise, il est très difficile d'en revenir. Leur logique industrielle est très attachante.

à écrit le 08/07/2023 à 9:28
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La qualité des voitures japonaises n'est plus à démontrer, celle des bagnoles allemandes l'est encore par contre.

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