
La France n'a pas le monopole des grèves. Près de 500.000 travailleurs britanniques sont en grève ce mercredi, soit la mobilisation la plus forte depuis 2011 selon la fédération syndicale TUC. Parmi eux, près de 200.000 personnels du système éducatif ne se rendront pas au travail, entraînant la fermeture de près d'une école sur sept dans le pays et d'un établissement sur quatre dans la région de Londres.
La grogne des enseignants se conjugue à celle des employés d'université, des cheminots, entraînant le blocage de l'essentiel des trains ce mercredi, et de 100.000 fonctionnaires qui font aussi valoir leur droit de grève ce jour. Les infirmiers prévoient de les imiter le 6 février, les ambulanciers le 10 février et la police des frontières les 17 et 20 février. Tous formulent la même revendication : des hausses de salaire supérieures à l'inflation qui culmine à près de 10%.
Soutien de la population
Face à l'explosion du coût de la vie qui plonge des milliers de foyers dans la pauvreté, les syndicats arguent que les salaires réels dans la fonction publique ont fondu en termes de pouvoir d'achat. Les rémunérations des fonctionnaires n'ont crû que de 2,7% entre août et octobre quand elles grimpaient de 6,7% dans le privé, d'après l'Office national des statistiques (ONS).
Malgré les désagréments occasionnés, la population britannique déclare majoritairement approuver ce mouvement social et ses motivations : à 65% pour la grève des infirmières, à 62% pour les ambulanciers, 55% pour les pompiers et 49% pour les enseignants. La pression monte sur le gouvernement qui voit les grèves se multiplier et se durcir depuis le printemps dernier, avant même l'arrivée du Premier ministre Rishi Sunak aux affaires.
Lui et ses ministres repoussent pour l'instant en bloc les demandes d'augmentations salariales dans la fonction publique. « J'adorerais avoir une baguette magique et pouvoir tous vous payer plus » mais ce serait « la mauvaise chose à faire », a affirmé face à des infirmières Rishi Sunak qui considère qu'une hausse des salaires à la hauteur de l'inflation provoquerait « un cercle vicieux » qui alimenterait la hausse des prix. Comme lui, les membres du gouvernement opposent l'argument du sérieux budgétaire aux professeurs, professionnels de santé et autres policiers aux frontières.
« Le passage de Liz Truss a fait beaucoup de dégâts en très peu de temps. Il est évident qu'il y a une pression sur les finances et qu'il faut afficher une forme de crédibilité budgétaire. Mais il y a aussi des considérations politiques. Rishi Sunak entend réunir son électorat derrière lui, qui est plutôt hostile aux grèves », analyse l'universitaire spécialiste du Royaume-Uni Aurélien Antoine auprès de La Tribune. Le directeur de l'Observatoire du Brexit voit dans la crise qui frappe le Royaume-Uni l'impasse des politiques publiques menées depuis 40 ans, notamment par les conservateurs.
« Impact limité sur l'économie »
« Aujourd'hui une partie de la population ne supporte plus l'argument de la crise budgétaire pour justifier le sous-investissement dans les services publics. Ce qui interpelle, c'est que, même dans les années de croissance et de stabilité, les gouvernements ont continué à sous-investir dans les services publics », note Aurélien Antoine de l'Observatoire du Brexit.
De son côté, le gouvernement Sunak demeure sourd aux revendications et maintient son cap de l'austérité budgétaire. Il dénonce surtout la désorganisation de l'économie que provoque les grèves alors que 2023 s'annonce comme une année de récession de -0,6 %, équivalente à la pire performance des pays du G20. « Les grèves actuelles sont fortes mais restent ponctuelles. Il y a un impact limité sur l'économie mais pas de paralysie totale », tempère toutefois Aurélien Antoine. Qu'importe, un texte de loi déposé au Parlement vise ainsi à durcir les conditions de grève en imposant un service minimum plus important dans les secteurs publics.
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