Grèves, inflation, hôpitaux… les crises s'empilent et empirent au Royaume-Uni

Les difficultés pleuvent sur le Royaume-Uni, et la colère sociale gronde. Acculé, le gouvernement hérite d'une situation calamiteuse sans se donner de marges de manœuvre financières.
Des ambulanciers en grève manifestent à Londres.
Des ambulanciers en grève manifestent à Londres. (Crédits : Reuters)

2022 fut d'abord une année de crise politique au Royaume-Uni. Après les incartades de Boris Johnson, lâché par ses ministres en juillet, et l'impéritie de Liz Truss, partie en octobre après moins de deux mois au pouvoir, les Britanniques ont retrouvé un gouvernement stable avec à sa tête Rishi Sunak.

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Mais il s'agit bien de leur seul motif de satisfaction. Car le marasme économique et ses conséquences sociales terribles ne s'en sont pas allés avec la nouvelle année. Selon Goldman Sachs, le pays s'apprête à plonger dans la récession en 2023 à -1,4%, pire performance des pays du G7. Les choses risquent encore d'empirer avant de s'améliorer. Décryptage.

Coût de la vie

L'inflation en Grande-Bretagne bat un record de quarante ans, culminant à un rythme annuel de 10,7%, proche des 10,2% de la zone euro. Mais en l'absence d'une protection sociale équivalente à celle du Vieux Continent, la hausse des prix a immédiatement rogné le budget de millions de ménages, dont une partie bascule dans la pauvreté - dans la moitié des foyers, on saute des repas. Car, plus forte encore que l'inflation générale, l'inflation alimentaire s'accélère à +16,5% sur un an.

Les Britanniques, dont 14 millions vivaient déjà sous le seuil de pauvreté avant la double crise du Covid et de l'inflation, se ruent dans les banques alimentaires. Certains employeurs, comme les hôpitaux, montent leur propre stock de produits de première nécessité à destination des salariés précaires.

De même, la flambée des prix de l'électricité et du gaz contraint 3 millions de foyers à ne plus chauffer leur domicile. Le phénomène prend de telles proportions que 4.300 « banques de chaleur » ont ouvert cet hiver, à savoir des églises, mairies, salles des fêtes et autres lieux publics chauffés ouverts à tous.

Grèves et manifestations

C'est suffisamment rare pour être souligné, le Royaume-Uni est agité depuis six mois par un mouvement social qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Des postiers aux cheminots en passant par les infirmières et les opérateurs télécoms, les grèves sont telles que le pays s'en trouve paralysé pendant des journées entières, à l'image du métro de Londres en juin et en novembre.

Les secteurs en manque d'effectifs en souffrent un peu plus. Le gouvernement a dû appeler à la rescousse 1.200 militaires pour remplacer les policiers aux frontières et les ambulanciers grévistes à Noël.

La grogne ne retombe pas en ce début d'année. Des préavis de grève ont été déposés pour le mois de janvier, dans le rail, chez les infirmières et les ambulanciers. En pleine crise du coût de la vie, les revendications portent sur des augmentations de salaire pour supporter la flambée du coût de la vie.

Brutal retour à l'austérité budgétaire

Rishi Sunak et ses ministres ne paraissent pas disposés à les satisfaire. Le Premier ministre a promis de ne pas céder aux grévistes et à des demandes de salaires qualifiées de « déraisonnables » dans une interview au Daily Mail en décembre.

« Le gouvernement ne veut pas entendre parler de hausses de salaires. Il ne propose rien de nouveau, de concret pour répondre aux grévistes. Il fait même l'inverse et propose de durcir le droit de grève », rapporte Aurélien Antoine, spécialiste du Royaume-Uni et président de l'Observatoire du Brexit.

Si les rémunérations devaient augmenter, Downing Street dit craindre une boucle salaire-prix qui alimenterait l'inflation. Rishi Sunak entend par ailleurs donner des gages de sérieux budgétaire après le plan anti-inflation de sa devancière Liz Truss - un programme non financé qui avait provoqué des attaques des marchés sur la dette britannique et fait bondir ses taux d'intérêt.

Pour faire oublier cet épisode calamiteux, le nouveau Premier ministre a, dès sa prise de fonction, opéré un brutal retour à l'austérité. Son premier budget a consacré des économies de l'ordre de 55 milliards d'euros, répartis entre hausse d'impôts et coupe des dépenses publiques. Le plafonnement des factures d'énergie a été ramené à six mois au lieu de deux ans. Privé de marges de manœuvre financières, l'État ne semble pas prêt à amortir le choc énergétique et inflationniste comme le font la France et l'Allemagne pour leur population et leurs entreprises.

Un système de santé à bout de souffle

Le NHS (National Health Service) offre l'illustration la plus frappante des difficultés que traverse le Royaume-Uni. Selon les médecins urgentistes britanniques, 300 à 500 personnes décèdent chaque semaine à cause des retards et de l'engorgement de leurs services. Derrière ces statistiques s'accumulent les récits stupéfiants de patients forcés d'attendre plusieurs jours avant d'être pris en charge.

Les syndicats de médecins dénoncent les conséquences de choix politiques passés. Ils exhortent le gouvernement à augmenter leurs moyens, notamment pour remédier au manque de personnel soignant, criant depuis la pandémie, qui avait déjà profondément ébranlé le système hospitalier. La grève du syndicat des infirmières, débutée en décembre et reconduite en janvier, une première en un siècle pour obtenir une augmentation de 20% de leurs salaires que leur refuse le gouvernement, recueille le soutien de la majorité des Britanniques. Mais pas du gouvernement, jugeant ces demandes « inabordables » à écouter le ministre de la Santé de sa majesté.

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Sous pression, Rishi Sunak s'est engagé ce mercredi à réduire les files d'attente aux urgences, sans décliner plus précisément les moyens qu'il compte y allouer. Les cures d'austérité successives des gouvernements conservateurs, au pouvoir depuis douze ans, sont pointées du doigt dans la dégradation du NHS et plus largement des services publics.

« 2023 sera dans la lignée de 2022. Comme les autres démocraties européennes, mais un degré plus fort, le Royaume-Uni traverse une crise systémique. C'est la conséquence du refus d'augmenter le coût du travail et du sous-investissement dans les services publics et les infrastructures, à l'exception peut-être de l'énergie puisque les Britanniques ont continué de parier sur le nucléaire et l'éolien avant beaucoup d'autres pays. C'est une crise qui précède le Brexit, lequel n'agit que comme un facteur aggravant », soulève Aurélien Antoine de l'Observatoire du Brexit.

Commentaires 8
à écrit le 06/01/2023 à 10:32
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Voilà qui nous rappelle les heures sombres du Thatchérisme, pour les nostalgiques de la "Sorcière".

à écrit le 05/01/2023 à 13:18
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Rien de mieux que de parler du calvaire des autres pour calmer notre mécontentement !! Jusqu'à nous faire croire qu'il regrette leur Brexit ! Mais on est pas dupe ! ;-)

à écrit le 05/01/2023 à 11:49
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Comme d'habitude, la paille et la poutre dans l'oeil du voisin britannique. RDV fin janvier pour avoir aussi ce titre ronflant.....en France.

à écrit le 05/01/2023 à 10:54
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Le Brexit ne serait il pas aussi un peu responsable des malheurs de UK?

à écrit le 05/01/2023 à 3:46
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Eux aussi on cru aux belles promesses américaines, pour couper la branche énergétique sur laquelle ils étaient assis et ceci comme les europeens sans avoir prévu d'échelle pour assurer la descente ! On est tombé de haut on a rien vu venir. Heureuseme...

à écrit le 05/01/2023 à 3:41
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Que ceux qui se rejouissent de ce qui se passe en UK songent aux consequences outre Manche. La France est un exportateur majeur vers l'Angleterre, la stagflation dans laquelle vous baignez va empirer de ce fait. 2023 ca va saigner.

à écrit le 04/01/2023 à 20:09
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oui, c'est tres complique actuellement, meme pour les expats; y a du collapse dns l'air

à écrit le 04/01/2023 à 19:35
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Le site Deagel avait sûrement éxagéré dans ses prévisions, mais il y avait aussi une part de vérité. L'énergie, c'est la clé de tout : Quand il n'y en a plus, l'économie s'effondre. En plus de ça, l'immigration constante amène toujours plus de bouche...

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