COP28 : Al-Jaber, le président qui veut convaincre les producteurs d’or noir

Le président de la COP28 Ahmed Al-Jaber souhaite accélérer l’investissement dans les énergies renouvelables.
Robert Jules
Ministre émirati de l’Industrie et PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company, Ahmed Al-Jaber présidera la COP28.
Ministre émirati de l’Industrie et PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company, Ahmed Al-Jaber présidera la COP28. (Crédits : © UESLEI MARCELINO/REUTERS)

Lorsque Ahmed Al-Jaber a été désigné en janvier pour présider la COP28 aux Émirats arabes unis (EAU), l'égérie de la lutte contre le dérèglement climatique, Greta Thunberg, avait jugé la nomination « complètement ridicule ». Pour nombre d'ONG, cela revenait à confier la garde du poulailler au renard. Paradoxalement, il se pourrait que l'événement qui débute ce 30 novembre à Dubaï soit un moment de vérité pour l'industrie pétrolière et gazière.

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La combustion des hydrocarbures liée à l'activité humaine est l'un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES), qui sont responsables du dérèglement climatique. L'année 2023 devrait battre le record de températures de 2022, marquée par des pluies diluviennes et des inondations destructrices, des sécheresses qui ont provoqué des incendies gigantesques, des ouragans... L'objectif d'un maintien d'une hausse de la température sous 1,5 degré pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 s'éloigne chaque jour.

L'homme idéal ?

Ahmed Al-Jaber sera donc jugé à l'aune de l'accord qu'il obtiendra. Nommé en 2016 par le président émirati à la tête de l'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), sixième exportateur mondial, il est bien placé pour connaître tous les paramètres de l'équation des hydrocarbures. Né il y a cinquante ans à Umm al-Qaywayn, l'un des sept émirats qui composent les EAU, cet ingénieur formé aux États-Unis et au Royaume-Uni occupe également la fonction de ministre de l'Industrie et de la Technologie. Depuis 2020, ce pragmatique représente son pays pour les questions climatiques internationales.

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Son ascension commence en 2014 lorsqu'il prend la direction de Masdar, une entreprise fondée en 2006 spécialisée dans les énergies renouvelables, l'hydrogène vert, etc. Présente dans une quarantaine de pays, elle a investi dans des projets pesant 30 milliards de dollars. Elle compte comme actionnaires ADNOC, le fonds souverain émirati Mubadala et Taqa, la compagnie d'énergie nationale. Localement, les Émirats réduisent leur utilisation de gaz pour produire de l'électricité. Ils ont lancé un projet de barrage hydroélectrique à Hatta, dans la région montagneuse frontalière avec Oman. Depuis 2020, une centrale nucléaire construite par l'entreprise sud-coréenne Kepco et située à Barakah, à Abu Dhabi, est opérationnelle.

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Ahmed Al-Jaber est donc l'homme idéal pour convaincre un secteur pétrolier et gazier mondial de la nécessité d'accélérer la transition énergétique. Jeudi, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) pointait dans un rapport intitulé « The oil and gas industry in net zero transition » que l'investissement mondial du secteur pétrolier et gazier dans les énergies renouvelables s'élevait à... 1 %, dont 60 % étaient imputables à quatre entreprises sur les milliers que compte le secteur. « Pour le moment, cette industrie n'est qu'une force marginale dans la transition mondiale vers un système d'énergie propre », tacle l'AIE. Selon ses calculs, cette industrie a pourtant engrangé en moyenne annuelle 3 500 milliards de dollars entre 2018 et 2022.

La COP28, un atout pour les Emirats

Une telle manne pourrait aider à atteindre l'objectif de tripler les capacités mondiales des énergies renouvelables d'ici à 2030, sur lequel Al-Jaber vise un accord international. C'est une condition nécessaire pour faire baisser la demande en hydrocarbures. Car aujourd'hui ces derniers représentent plus de 80 % de l'énergie primaire consommée à travers la planète (pétrole 30 %, charbon 27 %, gaz naturel 22 %), contre 7,5 % pour les énergies renouvelables. Toutefois, la tendance est à l'énergie propre. En 2022, 60 % des nouvelles capacités installées provenaient des énergies renouvelables.

Pour les Émirats, le succès de la COP28 serait un atout pour mettre en avant la diversification de leur économie

Un volet majeur de la COP28 porte d'ailleurs sur le fonds d'aide aux pays pauvres, théoriquement abondé par les pays riches, pour faciliter leur transition énergétique en leur donnant accès aux technologies vertes et à leurs financements. Il vise notamment à réduire l'utilisation du charbon, mais aussi à remédier aux injustices subies par ces pays, souvent les plus vulnérables face au changement climatique. En Afrique, aujourd'hui, 700 000 personnes n'ont pas accès à l'électricité. Si les montants de ce fonds ne sont pas à la hauteur des enjeux, comment interdire à ces populations l'utilisation des hydrocarbures pour assurer leur développement alors que le continent africain est riche en ressources pétrolières et gazières ?

Enfin, pour les Émirats, le succès de la COP28 serait un atout pour mettre en avant la stratégie de diversification de leur économie, encore trop dépendante de revenus des hydrocarbures, qui représentent 80 % du budget public. « Un accord sur le climat amplifierait le statut mondial des Émirats dans la transition énergétique, explique un expert, bon connaisseur des arcanes politiques du pays. Ils veulent exister entre l'Arabie saoudite et le Qatar, qui, malgré sa taille, a réussi son pari avec la Coupe du monde de football. Ce soft power compte également »

13,1 millions de barils de pétrole par jour en août 2023. Record de production mensuelle des États-Unis.

17,1 millions de barils de pétrole par jour en septembre 2023. Record de la demande mensuelle chinoise.

102,8 millions de barils de pétrole par jour en 2024. Record de la demande annuelle mondiale, selon les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie.

Robert Jules
Commentaire 1
à écrit le 26/11/2023 à 10:50
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"Greta Thunberg, avait jugé la nomination « complètement ridicule » Et elle a entièrement raison c'est juste qu'elle ne voit pas le cynisme de notre monde et l'obscurantisme de nos mégas riches qui le possèdent et le détruisent en ronflant. Nous somm...

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