Élections au Mexique : deux candidates en lice pour la présidence, un « grand changement » dans ce pays jugé machiste

Près de 100 millions d'électeurs sont appelés aux urnes ce dimanche au Mexique pour désigner selon toute vraisemblance la première présidente dans l'histoire du pays. Claudia Sheinbaum, candidate de la gauche au pouvoir, et Xochitl Galvez, pour l'opposition, sont en effet les mieux placées dans les sondages. La première est largement favorite pour prendre les rênes d'un pays qui vit un bon moment économique mais reste gangrené par la narco-violence.
Claudia Sheinbaum, ex-maire de Mexico et scientifique, devance dans les sondages Xochitl Galvez, cheffe d'entreprise issue d'un milieu modeste.
Claudia Sheinbaum, ex-maire de Mexico et scientifique, devance dans les sondages Xochitl Galvez, cheffe d'entreprise issue d'un milieu modeste. (Crédits : Henry Romero)

En attendant de savoir qui succèdera à Andres Manuel López Obrador, le président sortant du Mexique, lors du scrutin qui aura lieu ce dimanche, une chose est quasi sûre : ce sera une femme. La candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, 61 ans, part favorite pour devenir la première présidente d'un pays où les féministes dénoncent un machisme structurel et culturel. Ex-maire de Mexico, scientifique, elle devance dans les sondages la candidate de l'opposition, Xochitl Galvez, 61 ans aussi et cheffe d'entreprise issue d'un milieu modeste.

Une femme présidente sera « un grand changement », d'après Guadalupe Correa-Cabrera, professeur à l'université américaine George Mason. « Ce sera une inspiration pour les femmes dans tous les secteurs », ajoute-t-elle.

Claudia Sheinbaum, dont la victoire ne ferait aucun doute, terminera sa campagne mercredi à Mexico, en promettant de poursuivre les politiques sociales du très populaire président sortant et de son Mouvement pour la Régénération nationale (Morena). En à peine dix ans, le parti a réussi à s'enraciner dans le pays puisqu'en plus de la présidence, il a conquis la majorité au Congrès et au Sénat, ainsi que dans une vingtaine d'États sur 32 dans ce pays à la fois présidentialiste et fédéral. Le président López Obrador part en plus sur un bon bilan social puisque 8,9 millions de personnes sont sorties de la pauvreté pendant son mandat, qui a démarré en 2018, bien que 36,3% des 129 millions de Mexicains y sont encore confrontés, selon des données officielles.

Loin derrière les deux favorites, le candidat centriste Jorge Alvarez Maynez, 38 ans, fait figure d'outsider pour cette élection à un tour. Sa campagne a d'ailleurs été endeuillée par l'effondrement d'un écran géant lors d'un meeting à Monterrey mercredi dernier, qui a fait neuf morts et des dizaines de blessés.

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Un scrutin aux multiples inconnues

Reste que ce scrutin n'est qu'un enjeu parmi d'autres des plus grandes élections jamais organisées au Mexique. Outre la présidentielle, c'est le renouvellement du Congrès et du Sénat qui va aussi avoir lieu, celui de neuf gouverneurs sur 32 états ainsi que d'une myriade d'élus locaux. En tout, 20.000 postes sont à pourvoir lors de ces scrutins, entachés par l'assassinat d'une trentaine de candidats à des élections locales dans des régions où le crime organisé veut choisir ses candidats.

Malgré l'implantation du mouvement Morena ces dernières années, il a perdu la majorité absolue au Congrès et six des 16 districts de Mexico lors des élections intermédiaires de 2021. Si bien que le doute plane sur la couleur politique de la future majorité du Congrès et du Sénat et si la présidente profitera d'une majorité simple ou élargie. De quoi lui mettre des bâtons dans les roues dès le début de son mandat, qui commencera le 1er octobre.

L'enjeu est aussi de savoir si la gauche va conserver son fief, la capitale du Mexique, qu'elle dirige depuis 25 ans - Claudia Sheinbaum en a notamment été maire de 2018 à 2023 et le président sortant Lopez Obrador dans les années 2000. « La perte de Mexico donnerait l'impression que Morena a été touchée » et « Claudia serait affaiblie d'entrée », affirme à l'AFP Jorge Zepeda Patterson, éditorialiste respecté.

Troisième interrogation : qui sera l'interlocuteur de la future présidente aux États-Unis, avec qui le Mexique entretient une relation bilatérale parmi les plus intenses au monde ? Il faudra attendre jusqu'au 4 novembre pour le savoir, date du « match retour » annoncé entre le président démocrate Joe Biden et l'ex-président républicain Donald Trump. « Je pense que nous aurons de bonnes relations, que cela soit avec Trump ou Biden. Ils ont besoin de nous. Nous avons besoin d'eux », a déclaré Claudia Sheinbaum à des journalistes étrangers dont l'AFP mi-mai. « Sheibaum a deux plans, un avec Biden, l'autre avec Trump », précise un membre de son équipe, l'ex-ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard.

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Derrière les plages et sites archéologiques, l'ombre du trafic

La prochaine présidente héritera en tout cas d'un pays tout en contraste. D'un côté, il attire les investisseurs. Riche en ressources naturelles dont le pétrole, le Mexique est aussi le premier producteur mondial d'avocats, ou « or vert ». Rien que pour le guacamole dégusté lors du Superbowl en 2023, le pays - principalement l'État du Michoacan dans l'ouest - a envoyé 100.000 tonnes d'avocats aux États-Unis. Le pays attire aussi les touristes : plus de 41 millions de visiteurs en 2023, dont plus de la moitié en provenance des États-Unis, séduits par ses plages ou ses richesses archéologiques. Le secteur représentait 8,5% du PIB en 2022, selon l'Institut national de statistiques (Inegi).

Ainsi, portée en plus par le retour des usines le long de la frontière avec son voisin américain et l'augmentation du salaire minimum, l'économie mexicaine devrait croître de 2,2% en 2024, d'après l'OCDE. « La solidité du marché de l'emploi renforcera la consommation », poursuit l'OCDE. « Les exportations soutiendront la croissance en 2025 (...) L'inflation continuera à descendre peu à peu vers les 3,1% en 2025 ». Seule incertitude économique lors du prochain mandat : une éventuelle réforme fiscale pour financer l'État-providence mis en place par le mouvement Morena. « Je pense qu'elle est inévitable », d'après l'éditorialiste Jorge Zepeda Patterson.

D'un autre côté, la réalité du Mexique est aussi celle d'une extrême violence par endroits. Avec un taux d'homicides de 23,3 pour 100.000 habitants l'année dernière d'après Insight Crime, le pays est l'un des plus violents au monde. Les trois quarts des homicides sont liés à des affrontements entre groupes criminels, selon le président López Obrador. Le pays accumule 450.000 homicides et 100.000 disparus depuis 2006 et le lancement d'une opération militaire contre les narco-trafiquants, qui n'a fait que balkaniser les cartels. En rupture avec le tout-répressif, le président sortant a choisi de s'attaquer aux causes de la délinquance, avec des programmes sociaux à destination des jeunes. Claudia Sheinbaum veut poursuivre cette politique, tout en luttant contre « l'impunité ». Si bien que, si elle arrive au pouvoir, « rien ne va changer pour les puissants cartels qui contrôlent de larges régions », estime la professeure Guadalupe Correa-Cabrera.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 27/05/2024 à 20:18
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Washington aura la main complète sur le Mexique. Les mexicains entre cartel de drogue et haute finance mondiale y trouveront ils leur compte ?

à écrit le 27/05/2024 à 18:55
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C'est dommage que Reagan soit mort, il faudrait le faire revivre pour lui dire que sa guerre contre la drogue il l'a perdu, il a prit même une véritable raclée le cow-boy. Le journaliste lanceur d'alerte protégé 24h/24 parce que sa tête est mise à pr...

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