Faire pression sur Pékin tout en préservant la stabilité des relations sino-américaines, le défi d'Anthony Blinken en Chine

Pour sa deuxième visite en Chine en moins d'un an, le chef de la diplomatie américaine a prévu d'aborder des dossiers chauds comme Taïwan ou le soutien de Pékin envers Moscou. Mais Anthony Blinken doit aussi apaiser les tensions avec la deuxième économie mondiale. Une équation qui pourrait être compliquée à résoudre.
Pour la première étape de son voyage, le chef de la diplomatie américaine a atterri à Shanghai, une des capitales économiques de la Chine.
Pour la première étape de son voyage, le chef de la diplomatie américaine a atterri à Shanghai, une des capitales économiques de la Chine. (Crédits : Benoit Tessier)

Une nouvelle visite stratégique démarre pour le secrétaire d'Etat américain. Ce mercredi, Antony Blinken est arrivé en Chine pour sa deuxième visite dans le pays en moins d'un an. Objectif affiché : augmenter la pression sur Pékin sur différents dossiers, notamment le soutien chinois à la Russie et Taïwan. Une discussion délicate qui doit aller de pair avec la recherche d'une plus grande stabilité vis-à-vis de la deuxième économie mondiale.

Pour la première étape de son voyage, le chef de la diplomatie américaine a atterri à Shanghai, ville où il doit rencontrer des étudiants et des chefs d'entreprise, l'objectif étant de faire état des liens chaleureux entre Américains et Chinois. À noter : ce passage d'un d'un secrétaire d'Etat dans l'une des capitales économiques du pays est le premier depuis Hillary Clinton en 2010. Ensuite, Antony Blinken s'envolera vendredi pour Pékin où il aura des entretiens avec les dirigeants chinois.

Plusieurs dossiers chauds, dont le soutien de Pékin à Moscou

Dans son programme, le secrétaire d'Etat américain a prévu d'aborder un certain nombre de dossiers chauds. Notamment le soutien militaire que la Chine apporte à son allié russe. Si Pékin ne fournit pas directement d'armes à Moscou, Washington l'a néanmoins accusé ces dernières semaines de lui procurer des matériaux et des technologies à double usage qui facilitent son effort de réarmement, le plus important depuis l'époque soviétique.

« La Chine ne peut pas jouer sur les deux tableaux. (...) Si la Chine veut avoir d'un côté des relations amicales avec l'Europe et d'autres pays, elle ne peut pas alimenter d'un autre côté ce qui est la plus grande menace contre la sécurité européenne depuis la fin de la guerre froide », avait d'ailleurs déclaré Anthony Blinken vendredi dernier, à l'issue d'une réunion du G7 à Capri, en Italie.

Quant au sujet de Taïwan, il devrait également faire l'objet de discussions. La Chine considère l'île comme l'une de ses provinces, bien qu'elle n'exerce aucune souveraineté sur ce territoire insulaire de 23 millions d'habitants et ses îles adjacentes, et veut en prendre le contrôle un jour, par la force si nécessaire. Or, Pékin reproche aux États-Unis de s'immiscer dans ses relations avec Taïwan. Car, si les Américains ne réclament pas son indépendance, ils lui fournissent un appui militaire et s'opposent à tout changement du statu quo par la force.

Pratiques commerciales et cession de TikTok

Autre sujet délicat à aborder : le haut diplomate devrait aussi faire part des préoccupations américaines sur les pratiques commerciales de la Chine, que Washington juge anticoncurrentielles. Une question essentielle pour le président Joe Biden en cette année électorale.

Lire aussiIntelligence artificielle : les États-Unis veulent la peau du dragon chinois

Enfin, ce voyage intervient en plein milieu d'une autre source de friction entre les deux pays : il s'agit de la nouvelle loi votée mardi par le Congrès américain, exigeant que la très populaire application TikTok soit cédée par sa société mère chinoise ByteDance, sous peine d'être exclue du marché américain.

Interrogé sur le sujet ce mercredi, le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, s'est contenté de renvoyer à « la position de principe de la Chine » dans ce dossier. Pour rappel, en mars, la Chine avait invité Washington à « respecter les règles de l'économie de marché » et fait savoir qu'elle prendrait « toutes les mesures nécessaires pour préserver ses droits et intérêts légitimes ».

Apaiser les tensions

Si certaines discussions risquent d'être épineuses, le voyage diplomatique d'Antony Blinken vise tout de même à apaiser les tensions avec la deuxième économie mondiale. D'ailleurs, celles-ci se sont nettement atténuées depuis la visite du chef de la diplomatie américaine en juin 2023.

Preuve de la réussite de ce dernier déplacement : il avait été suivi par une rencontre entre le président américain Joe Biden et le président chinois Xi Jinping à San Francisco en novembre dernier. Avec pour débouché une reprise des contacts entre leurs deux armées et une coopération dans la lutte contre la fabrication du fentanyl.

A ce sujet, l'administration Biden avait qualifié de succès l'accord conclu sur cette drogue de synthèse qui fait des ravages aux Etats-Unis. Selon un haut responsable du département d'Etat américain, depuis le sommet de novembre, la Chine semble avoir pris de premières mesures, que le secrétaire d'Etat américain demandera d'approfondir.

« Des mesures répressives plus régulières de la part de la Chine contre les entreprises de chimie chinoises et les fabricants (...) impliqués dans les chaînes d'approvisionnement illicites de fentanyl enverraient un signal fort de l'engagement de la Chine à s'attaquer à ce problème », a-t-il noté.

Autre signe que la relation entre les deux géants de l'économie mondiale : la visite, début avril de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen. Elle s'était rendue dans la ville industrielle de Canton avant de se rendre à Pékin.

Lire aussiBaisse des commandes, tensions avec la Chine : le bénéfice du géant des semi-conducteurs ASML dégringole au premier trimestre

Les relations sino-américaines se trouvent à un « stade différent de celui où nous étions il y a un an, lorsque les relations bilatérales étaient à un niveau historiquement bas », analyse, auprès de l'AFP, un haut responsable américain avant la visite d'Antony Blinken. « Nous pensons également, et nous l'avons clairement démontré, qu'une gestion responsable de la concurrence ne signifie pas que nous devons renoncer à prendre des mesures pour protéger les intérêts nationaux des Etats-Unis », a-t-il ajouté.

Malgré la bonne volonté américaine, des tensions profondes subsistent

Malgré toute cette bonne volonté, les pressions économiques américaines sur l'industrie chinoise n'ont jamais été aussi fortes. Dernier épisode en date : la semaine dernière, Washington a réclamé un relèvement des droits de douane sur l'acier et l'aluminium pour les entreprises chinoises, accusées de « tricher » car elles bénéficient d'abondantes subventions.

« Pékin considère ces contrôles croissants comme emblématiques des efforts déployés par les Etats-Unis pour limiter l'essor de la Chine », analyse pour l'AFP Ryan Hass, spécialiste de la Chine à la Brookings Institution.

Sur un autre front, celui de la défense, Washington renforce actuellement ses alliances en Asie. Le Japon envisage d'ailleurs de rejoindre l'alliance de défense AUKUS (Australie, Royaume-Uni et Etats-Unis), tandis que les Etats-Unis mènent des exercices avec les Philippines en mer de Chine méridionale, une zone sous haute tension. Au-delà des embargos sur les technologies, ces alliances militaires en Asie sont un grand sujet de mécontentement pour la Chine.

La Chine attentive à l'issue des élections présidentielles américaines

Joe Biden affrontera dans quelques mois pour l'élection présidentielle Donald Trump, qui s'était fait le champion d'une ligne dure à l'égard de la Chine. Yun Sun, chercheuse au Stimson Center établi à Washington, observe que les dirigeants chinois sont dans l'attente avant les élections américaines.

« Les Chinois comprennent qu'il est peu probable que l'administration Biden apporte de bonnes nouvelles sur le plan commercial, car cela ne correspond pas au programme électoral », a-t-elle déclaré. Pour les dirigeants chinois, cette année, « la priorité est de maintenir la stabilité des relations ». « Tant qu'il n'y aura pas de clarté sur la prochaine administration, je ne pense pas qu'ils voient de meilleure stratégie », a-t-elle ajouté.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 25/04/2024 à 15:09
Signaler
Mais quelle risible propagande Américaine: ce sont les Etats-Unis qui ne cessent de fomenter des tensions sur fond de propagande mensongère (il n'y aucun soutien militaire de la Chine à la Russie, il n'y aucun "génocide" en Chine, etc), c'est leur ag...

à écrit le 25/04/2024 à 9:33
Signaler
Je pense moi qu'il faudrait faire pression sur l état voyou Américain qui met le monde a feu et assange !

à écrit le 24/04/2024 à 21:54
Signaler
Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

le 25/04/2024 à 15:28
Signaler
Je ne cesse de voir spammer cette publicité / auto-promotion de "romans" aux relents propagandistes et diffamatoires, ex sur l' "opérateur chinois" -supputé être Huawei- et sa 5G: quelles "mauvaises intentions"? "Pour mieux connaitre la Chine" il ...

à écrit le 24/04/2024 à 16:28
Signaler
Le pays qui dans le même temps vend des armes a un gouvernement génocidaire et qui vient faire des leçons de morale a la terre entière !!!! Le biz fait que Nancy pelozi fait par ses actions en bourses de sociétés d'armements permet 'avoir une idée d...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.