Ce lundi 28 février, l'usine Renault en Russie - la seule en nom propre - n'a pas ouvert ses portes. Les chaînes de production sont restées à l'arrêt. Motif : le manque de pièces venues de l'extérieur, et les problèmes logistiques. Premiers résultats tangibles des sanctions économiques. Le constructeur français minimise, et explique qu'il s'agit d'une petite unité de production, où sont fabriquées à peine 90.000 véhicules par an, - alors que via sa holding locale avec Avtovaz, Renault produit plus de 300 000 Lada- . Il n'empêche, le coup est rude pour la marque au losange. Surtout qu'aucune date de réouverture n'est prévue. Pour l'instant, elle évite de se prononcer mais il va de soi qu'elle pourrait reconsidérer sa présence dans ce pays. La Russie est le deuxième marché du groupe Renault dans le monde derrière l'Europe. Et le 18 février, Luca de Meo, le directeur général du groupe expliquait "suivre de très très près la situation, la marque ayant de nombreux intérêts dans l'évolution du marché".
Comme Renault, plus de 35 sociétés françaises du CAC sont présentes en Russie. Ce qui fait de l'Hexagone le deuxième investisseur étranger en Russie et le premier employeur étranger, avec 160 000 collaborateurs.
Les premiers effets de la guerre se font déjà sentir
Toutes ces sociétés cherchent actuellement la meilleure façon de faire face aux événements. La plupart, depuis l'annexion de la Crimée en 2014, ont construit des écosystèmes très locaux, en travaillant via des filiales locales, avec des fournisseurs sur place, et orientant leur production quasiment exclusivement vers la clientèle nationale. De quoi leur permettre d'éviter, au moins dans un premier temps, d'être trop violemment confrontées aux embargos. C'est notamment le cas de Leroy Merlin, devenu le premier distributeur de meubles dans le pays, avec une centaine de boutiques, ou encore d'Auchan qui compte plus de 240 magasins en Russie.
Reste que si l'économie russe est étouffée, ces entreprises le seront aussi, par effet domino. Et la situation peut vite se dégrader. Les suspensions de vols décidées ce week-end vont changer la donne.
"La Russie risque de vite basculer dans une économie de guerre. Les gens vont procéder à des achats de précautions, modifier leur consommation", assure, sous couvert d'anonymat, un responsable d'une enseigne présente en Russie. Déjà ce lundi matin, face aux sanctions financières prises par les occidentaux, les files d'attente se sont créées devant les distributeurs bancaires... Les Russes voulant retirer leur argent.
Ce lundi, d'ailleurs, la plupart de ces sociétés françaises savent d'ailleurs qu'elles vont devoir faire face à ces sanctions financières, et notamment l'exclusion, depuis ce week-end, de nombreux établissements bancaires russes du système de paiement international "Swift". La société Générale, par exemple, très implantée en Russie via la Rosbank va être directement affectée.
Une gestion des ressources humaines très sensibles
Mais, le plus sensible pour ces fleurons nationaux est sans conteste la gestion humaine. Certes, toutes assurent ne pas faire de politique, s'en tenir au "business", et sont très vigilantes aux positions qu'elles prennent. La majorité de leurs équipes sont souvent locales, mais elles doivent composer avec des soutiens mais aussi des opposants à Poutine, dans un climat de non dits...
Aussi, plus encore qu'auparavant, elles limitent leur prise de parole dans les médias et sont très précautionneuses dans leur communication interne.
"Très vite, le pouvoir de Poutine nous a demandé la liste très précise de nos ressortissants sur place ", raconte, là encore sous couvert d'anonymat, un représentant d'une entreprise implantée en Russie.
Aussi, la façon dont les sociétés étrangères réagissent aux événements est scrutée, le moindre signe de soutien à l'Ukraine pouvant créer un incident diplomatique.... "Par exemple, le simple fait d'organiser le rapatriement de nos expatriés est vécu comme un signe d'opposition à Vladimir Poutine", confie un chef d'entreprise sur place.
Pour les aider à faire face à cette guerre, une réunion au quai d'Orsay est prévue ce mardi 1er mars. En attendant, nombre de ces fleurons français connaissent des difficultés en Bourse. Renault a vu sa capitalisation fondre d'un quart depuis la mi-février, la Société Générale voit aussi son titre sanctionné ce lundi.
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