La géopolitique va-t-elle contrarier les plans de croissance de Renault ? Le groupe automobile français fait probablement partie des entreprises les plus surveillées par les investisseurs sur les répercussions des décisions de Vladimir Poutine de reconnaître l'indépendance du Donbass (Est de l'Ukraine) et d'y dépêcher des troupes militaires. Le titre a baissé de près de 3,76% ce mardi au lendemain des annonces du président russe, après avoir déjà chuté hier de 3,96%. Peu dépendant du marché russe, Stellantis par exemple a vu son cours légèrement augmenter de 0,17% ce mardi.
L'Alliance Renault-Nissan contrôle un tiers du marché russe
Car depuis l'absorption d'Avtovaz en 2019 (63% du capital), onze après sa première prise de participation, Renault compte comme l'un des premiers acteurs du marché automobile russe. Entre sa filiale, sa propre marque et son allié Nissan, la firme de Boulogne-Billancourt contrôle pas moins d'un tiers des parts de marché de ce qui reste le deuxième marché automobile d'Europe, après l'Allemagne, avec 1,7 million de voitures (un marché très volatil qui peut monter à plus de 2,2 millions de voiture en fonction de la conjoncture macroéconomique).
Renault a beaucoup investi sur le marché russe... Autant en ressources internes (logistique, cadres, pièces, technologies...) qu'en investissements sonnants et trébuchants (plusieurs milliards d'euros). La montée de Renault dans le capital d'Avtovaz a été un long cheminement de l'entente entre Carlos Ghosn, à l'époque PDG du groupe, et Vladimir Poutine qui recherchait un partenaire pour relancer Avtovaz. Le PDG déchu aimait à raconter qu'il avait convaincu le maître du Kremlin de lui confier le destin de Lada, plutôt qu'au groupe Daimler (Mercedes, Smart), lui promettant de respecter l'identité russe de la célèbre marque, comme il l'avait fait avec Nissan. Aujourd'hui, Avtovaz c'est 400.000 voitures vendues, 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et 250 millions d'euros de bénéfice opérationnel.
Un laboratoire pour pays émergents
Pour Renault, le marché russe est un véritable laboratoire pour ses activités dans les pays émergents, mais pas seulement. C'est pour le marché russe que le groupe avait développé l'Arkana, ce SUV coupé qui vient de débarquer triomphalement en Europe (sous une autre plateforme). Renault a surtout commercialisé des produits Dacia sous sa propre marque. Mais le groupe français a surtout relancé la marque Lada, la marque nationale, avec une nouvelle gamme. Le groupe a investi plusieurs milliards d'euros pour moderniser les usines Avtovaz et dessiner de nouveaux modèles comme la Vesta ou la Niva, le célèbre 4X4 russe. Preuve de l'attachement populaire à Lada, c'est Vladimir Poutine en personne qui avait levé le voile sur la Vesta en octobre 2015 en paradant à son volant. Et le groupe français s'apprête d'ailleurs à y lancer trois nouveaux modèles pour consolider son offensive commerciale.
La production locale est sécurisée, dit Renault
Mais la situation géopolitique inquiète les marchés. Luca de Meo, le directeur général de Renault, s'est voulu rassurant lors de la présentation des résultats financiers. Il a jugé que les activités en Russie ne seraient pas impactées grâce à un très fort taux d'approvisionnement local. Autrement dit, en cas d'embargo, les usines continueront de tourner. Cette réponse résout la problématique industrielle, mais d'autres questions se posent. Plusieurs pays ont ainsi menacé de couper la Russie de plusieurs devises internationales comme la Livre ou le Dollar. L'Union européenne n'a pas encore statué sur l'arsenal de sanctions qu'elle compte mettre en œuvre comme l'accès à l'Euro, ou au système de transactions financières SWIFT. Mais, si l'une de ces mesures était mise en œuvre, il sera difficile pour Renault Russie de fonctionner en étant coupé du système financier international.
Plusieurs scénarios catastrophe
Mais il y a plus catastrophique encore avec un scénario de type iranien qui avait contraint Renault de se retirer de ce marché, sous peine de poursuites internationales. Enfin, il est impossible de ne pas envisager des représailles côté russe qui consisteraient à exproprier Renault de sa filiale Lada, considéré comme un enjeu de souveraineté nationale. Entre l'Iran et la Russie, la géopolitique commence à coûter cher à Renault...
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