Japon : le yen plonge encore et atteint son plus bas face au dollar depuis 1990

Ce mercredi, la monnaie japonaise a plongé à un nouveau plus bas niveau face au dollar depuis 1990, accentuant du même coup les spéculations quant à une possible intervention du gouvernement japonais. Les marchés sont perplexes.
Dans la nuit de mardi à mercredi, le Yen est tombé à 151,97 yens pour un dollar. Un plus bas depuis près de 34 ans.
Dans la nuit de mardi à mercredi, le Yen est tombé à 151,97 yens pour un dollar. Un plus bas depuis près de 34 ans. (Crédits : Shohei Miyano)

[Article publié le mercredi 27 mars 2024 à 07h57 et mis à jour à 12h50] Les déboires de la monnaie nationale japonaise continuent. Ce mercredi, le yen a brièvement chuté à un nouveau plus bas niveau face au dollar depuis 1990. Accentuant du même coup les spéculations quant à une possible intervention du gouvernement japonais, qui a exprimé cette semaine plusieurs avertissements en ce sens.

La monnaie japonaise est ainsi tombée vers 02h41 GMT (03h41 en France) à 151,97 yens pour un dollar. Un plus bas depuis près de 34 ans, dépassant son précédent palier de 151,95 yens pour un dollar atteint en octobre 2022. Pour rappel, le dollar avait aussi déjà frôlé la barre des 152 yens en novembre dernier. Le gouvernement japonais était intervenu en septembre-octobre 2022 sur le marché des changes pour soutenir la monnaie nationale.

Le yen s'est cependant de nouveau apprécié par la suite. La devise nippone s'est ainsi brutalement renforcée après 09h00 GMT (10 heures en France) : un dollar valait 151,21 yens vers 09h30 GMT.

Le ministre japonais des Finances Shunichi Suzuki a indiqué mercredi « suivre l'évolution du marché avec un fort sentiment d'urgence » et a promis que le gouvernement agirait « résolument » si nécessaire. « Le yen s'est envolé à la suite de ces commentaires, les investisseurs évaluant le risque très réel d'une intervention », affirme James Harte, de TickMill.

Une rare réunion trilatérale a même été organisée entre le ministère japonais des Finances, la Banque du Japon (BoJ) et le gendarme financier japonais (FSA). Cette réunion « a lieu en ce moment » au ministère des Finances à Tokyo et porte sur les « récents développements sur les marchés financiers », a confirmé à l'AFP un porte-parole de la BoJ.

Monnaie fébrile

Les oscillations du yen se sont accentuées depuis l'annonce la semaine dernière par la Banque du Japon (BoJ) de la fin de sa politique de taux d'intérêt négatifs, qui était en place depuis 2016.

Ce début d'une normalisation monétaire au Japon n'est cependant pas parvenu à relever la devise nippone, car les annonces de la BoJ, qui a promis de poursuivre une politique monétaire accommodante, avaient été largement anticipées par les marchés, et sont jugées encore trop timides par certains investisseurs. Le yen avait ainsi chuté au lendemain de cette annonce à son plus bas niveau face à l'euro depuis 2008.

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Pour rappel, ces dernières années, la Banque du Japon (BoJ) n'a pas suivi le chemin classique de l'Europe ou encore des Etats-Unis concernant sa politique monétaire. La BoJ n'a fait aucune hausse successive de ses taux, a contrario de la Fed et de la BCE. En gardant un taux directeur ultra-accommodant, la banque centrale japonaise veut soutenir l'économie nippone qui reste fragile, et est aidée par une inflation plus faible que dans la plupart des autres pays riches

Les marchés dans l'attente

« Les marchés testent les interventions verbales de ces derniers jours pour voir s'il y a davantage de substance que de simples mots », ont souligné des économistes de la banque néerlandaise ING dans une note publiée mercredi matin.

Alvin Tan, stratégiste devises chez Royal Bank of Canada, estime que les « préoccupations » liées à une éventuelle intervention du Japon limitent temporairement la chute du yen, mais que le risque d'une nouvelle dépréciation subsiste en raison de facteurs persistants tels que « le désavantage considérable du yen en termes de rendement » par rapport à des placements en dollar.

« Désormais, on s'attend à ce que la BoJ ait le doigt sur la gâchette pour acheter des yens, ce qui serait l'une des dernières options de la banque centrale japonaise pour essayer de soutenir sa monnaie », explique Kathleen Brooks. Selon l'analyste, « pour avoir un effet durable, (la banque) devra acheter des yens en masse et continuer à le faire pendant un certain temps ».

Le Japon évite de justesse une récession technique en 2023

Malgré cette passe difficile pour sa monnaie nationale, le pays du Soleil Levant a évité une récession technique fin 2023. Son produit intérieur brut (PIB) au quatrième trimestre a en effet été révisé ce lundi en hausse, à 0,1% en termes réels sur un trimestre, contre -0,1% lors de la première estimation mi-février.

Dans le détail, cette révision s'explique par des investissements non résidentiels des entreprises privées bien plus robustes qu'initialement annoncé (+2% contre -0,1% au départ), selon de nouveaux chiffres publiés par le gouvernement. Sur l'ensemble de l'année dernière, la croissance économique du pays est cependant restée inchangée (+1,9%, après +1% en 2022). Le PIB japonais s'était contracté de 0,8% au troisième trimestre.

Lire aussiInflation, chute du Yen... Le Japon évite de justesse la récession

Par ailleurs, le PIB nippon a été rétrogradé en 2023 au quatrième rang mondial, ayant été dépassé par l'Allemagne. Au Japon, les médias locaux ont abondamment commenté la perte par le pays de son troisième rang économique mondial. Car au-delà de l'impact exceptionnel de la chute du yen, de puissants facteurs fondamentaux négatifs sont aussi à l'œuvre. À l'instar du déclin démographique accéléré de l'archipel et la faiblesse chronique de sa productivité.

« Le petit rebond au dernier trimestre a permis d'éviter l'épouvantail de la « récession technique », défini par deux trimestres consécutifs de contraction du PIB. Mais cela ne change pas le fait que l'économie japonaise se porte mal », avait réagi lundi 11 mars Stefan Angrick dans une note de Moody's.

Qui plus est, la consommation des ménages est en panne au Japon, à cause de l'effet combiné de l'inflation et du yen faible, couplé à la politique monétaire du pays. Au quatrième trimestre, cette composante clé du PIB est restée négative (-0,3%, chiffre inchangé). Et le début de cette année s'annonce difficile, la consommation des ménages ayant connu en janvier sa pire chute depuis trois ans (-6,3% sur un an). Il s'agit du onzième mois consécutif de baisse de cet indicateur.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 27/03/2024 à 8:17
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Excellent documentaire sur arte sur le Japon et les yakuzas, à savoir un pays tenu par la mafia, comme tous les autres mais qui a fait semblant de faire le ménage or avec 25% de la finance internationale mêlée à l'activité criminelle il est bien évid...

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