L'ancien directeur du FBI affirme que Trump a fait pression sur lui

L'ancien patron du FBI James Comey doit être entendu ce jeudi devant la commission du Renseignement du Sénat sur le rôle joué par la Russie lors de la campagne électorale de l'an dernier aux Etats-Unis. Ce témoignage risque d'être très accablant pour Trump et son équipe, sans cesse déstabilisés par les révélations.
Grégoire Normand
Les relations entre Trump et Comey ont souvent été compliquées. Même avant d'être élu, Trump avait critiqué le patron du FBI pour sa décision de ne pas engager de poursuite contre Hillary Clinton pour avoir utilisé sa messagerie électronique privée et non la messagerie sécurisée du département d'Etat lorsqu'elle dirigeait la diplomatie américaine.

C'est un témoignage à hauts risques pour Donald Trump. L'ancien directeur du FBI James Comey a affirmé, dans une déclaration publiée par la commission du renseignement du Sénat ce jeudi 8 juin, que le président américain avait fait pression sur lui pour qu'il abandonne l'enquête sur Michael Flynn. Cet ancien conseiller à la sécurité nationale est accusé d'avoir menti au vice-président américain Mike Pence et à sa propre administration à propos de ses liens avec la Russie.

> Lire aussi: Trump : son ex-conseiller Michael Flynn a touché des milliers de dollars de la Russie

Dissiper les doutes

Dans sa déposition écrite, James Comey évoque notamment un dîner avec Trump le 27 janvier, soit une semaine jour pour jour après l'investiture du nouveau président. Lors de ce repas,

"Le président a commencé par me demander si je voulais rester directeur du FBI. Ce que j'ai trouvé étrange parce qu'il m'avait déjà dit à deux reprises lors de deux conversations précédentes qu'il espérait que je reste et je lui ai assuré que j'en avais l'intention. Il m'a dit que beaucoup de personnes voulaient mon poste."

James Comey a par la suite expliqué qu'il a alors redouté que Trump ne tente de créer "une sorte de relation clientéliste" entre eux. "Cela m'a beaucoup préoccupé, compte tenu du statut traditionnellement indépendant du FBI à l'égard de l'exécutif", poursuit-il.

Comey évoque aussi une conversation téléphonique en date du 30 mars, à l'initiative du président, au cours de laquelle Trump, dit-il, décrit l'enquête russe comme "un nuage" réduisant sa capacité à agir au nom du pays. Il a également ajouté à propos du milliardaire: "Il a dit qu'il n'avait rien à voir avec la Russie, qu'il n'avait jamais fréquenté de prostituées en Russie et qu'il avait toujours considéré qu'il était sur écoute lorsqu'il était en Russie. Il a demandé ce que nous pouvions faire pour 'dissiper ce nuage'".

Au total, l'ancien procureur affirme avoir eu neuf conversations avec Trump avant d'être limogé, trois en tête à tête et six au téléphone au cour des quatre premiers mois de l'année. A titre de comparaison, il dit n'avoir parlé en personne à Barack Obama qu'à deux reprises, une fois en 2015 pour discuter de la politique de maintien de l'ordre, puis une deuxième et dernière fois, fin 2016, "pour lui dire au revoir".

> Lire aussi: Limogeage du directeur du FBI : cinq dates pour comprendre l'affaire

Pressions sur la communauté du renseignement

Alors que Trump a essayé de faire pression sur James Comey, d'autres témoignages des plus grands responsables du renseignement américain pourraient sérieusement déstabiliser le président. En effet, le Washington Post rapportait, à la fin du mois de mai, que l'ancien présentateur de télé-réalité avait demandé aux responsables de la communauté du renseignement de l'aider à repousser une enquête menée par le FBI sur une possible collusion entre des membres de son équipe de campagne et la Russie.

Le quotidien rapportait mardi que Dan Coats, le directeur du renseignement nommé par Trump, avait dit à des confrères en mars que le président américain lui avait demandé d'intervenir auprès de James Comey, alors directeur du FBI, pour que le bureau fédéral lâche du lest à Michael Flynn, ancien conseiller présidentiel à la sécurité, dans le cadre de cette enquête. De telles déclarations venant des proches de Trump pourraient s'avérer déterminantes pour la suite de l'enquête sur la Russie. En effet, si les proches de Trump commencent à le lâcher, les pressions pour qu'il parte pourraient fortement s'accroître. Mais pour l'instant aucun témoignage officiel n'a été recueilli. Le directeur de l'agence nationale de la sécurité (NSA), l'amiral Mike Rogers, et Dan Coats ont expliqué devant la commission du renseignement du Sénat que les conversations qu'ils ont eues avec le dirigeant américain étaient confidentielles.

Un témoignage attendu par les élus

L'audition de James Comey est très attendue par les élus du Congrès aussi bien dans la majorité républicaine que dans l'opposition démocrate. Interrogé par Reuters, le sénateur démocrate Ron Wyden se sent "très troublé par le fait que la loyauté était la condition exigée de Comey pour qu'il conserve son poste, ce qui, pour reprendre les termes de Comey, revient à une 'relation de favoritisme'. C'est un autre moyen pour le président d'entraver l'enquête".

De son côté, la sénatrice républicaine Susan Collins a indiqué "vouloir en savoir plus sur les entretiens du président avec M. Comey concernant l'enquête contre Michael Flynn. Les mots exacts, le ton du président, le contexte de la conversation peuvent faire une grande différence".

Une obstruction de la justice discutée

A l'heure qu'il est, le débat sur une tentative d'obstruction de la justice par Donald Trump est loin d'être tranché aux Etats-Unis. Pour Jeffrey Toobin, juriste interrogé par CNN la réponse est claire. "Il y a une enquête sur les plus proches associés de Trump, son ancien conseiller à la sécurité, l'une des personnes les plus importantes au sein du gouvernement. Il a été viré. Il fait l'objet d'une enquête et le président a convoqué le directeur du FBI et lui dit,'s'il te plaît, arrête ton enquête' [...] Si ça n'est pas une obstruction de justice, je ne sais pas ce que c'est". D'autres spécialistes interrogés par la chaîne américaine ont émis plus de doutes sur ce type d'accusation. Et même, si Donald Trump était coupable de faire obstruction à la justice de son pays, la procédure de destitution aurait peu de chances d'aboutir en raison notamment de la majorité républicaine du Congrès.

> Lire aussi: Pourquoi une destitution de Trump serait longue et complexe

(Avec agences)

Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 08/06/2017 à 23:01
Signaler
Quelle horreur, un Président élu au suffrage universel qui prétend imposer son autorité et sa légitimité à un haut fonctionnaire ! Vraiment, la démocratie fait parfois faire n'importe quoi...

à écrit le 08/06/2017 à 13:40
Signaler
Il faudrait un statut de la fonction publique qui rende très compliqué le licenciement d'un fonctionnaire. Ainsi il pourrait faire son travail avec plus d'indépendance. Il parait qu'il existe un pays ou ils l'ont fait! Quelle brillante idée pour é...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.