Le G7 demande à la Chine de mettre la pression sur la Russie pour qu'elle cesser la guerre en Ukraine

A Hiroshima, ravagée par une bombe atomique américaine en 1945, les dirigeants ont appelé samedi la Chine à « faire pression sur la Russie pour qu'elle cesse son agression » contre l'Ukraine et « retire immédiatement, totalement et sans conditions ses troupes », alors que Pékin reste un allié proche de Moscou et n'a jamais condamné l'invasion russe.
Le G7 se tient à Hiroshima au Japon
Le G7 se tient à Hiroshima au Japon (Crédits : Reuters)

Alors que le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine effectuera une visite en Chine les 23 et 24 mai avec au menu « la coopération sino-russe dans les domaines économique et commercial », les dirigeants du G7 ont appelé, ce samedi à Hiroshima, la Chine à « faire pression sur la Russie pour qu'elle cesse son agression » contre l'Ukraine. Cette déclaration intervient alors que mi-mars, le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine avaient loué l'entrée dans une « nouvelle ère » de leur relation « spéciale », à l'issue d'un sommet à Moscou. Pour rappel, depuis près de 15 mois de conflit en Ukraine, la Chine n'a jamais publiquement condamné l'intervention militaire de Moscou même si elle appelle régulièrement au respect de la souveraineté des Etats. Se présentant comme partie neutre dans le conflit, Pékin entend jouer un rôle de médiateur. Or, aux yeux de certaines capitales européennes, la position chinoise est disqualifiée en raison de ses liens économiques et diplomatiques avec Moscou.  Cette semaine, la  Chine a envoyé un émissaire en Europe en vue d'« un règlement politique de la crise ukrainienne ». Après l'Ukraine mardi et mercredi, Li Hui est allé en Pologne vendredi avant de se rendre en France, Allemagne et Russie. Âgé de 70 ans, Li Hui est le diplomate chinois au rang le plus élevé à se rendre en Ukraine depuis l'invasion à grande échelle du territoire ukrainien par les troupes russes fin février 2022.

Fin avril, le président chinois Xi Jinping s'était entretenu par téléphone, avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, une première depuis le début du conflit. La Chine avait publié fin février sa position en 12 points sur la crise ukrainienne, dans laquelle elle exhortait notamment à respecter l'intégrité territoriale de tous les pays - sous-entendu Ukraine comprise.

La Chine au menu du G7

Alors que les tensions sont extrêmement fortes entre les Etats-Unis et la Chine, le G7 a par ailleurs affirmé vouloir des relations « constructives et stables » avec Pékin.

« Nous sommes prêts à bâtir des relations constructives et stables avec la Chine », ont affirmé dans leur communiqué les chefs d'Etat et de gouvernement des sept démocraties les plus industrialisées, dont les Etats-Unis, le Japon et la France, en évoquant « l'importance de dialoguer franchement » avec les autorités chinoises.

A ce titre, ils réaffirment leur « opposition » à toute « militarisation » chinoise en Asie-Pacifique. Outre la guerre en Ukraine et le renforcement des sanctions contre la Russie, le G7 consacre une large part de ses discussions à la Chine, et en particulier aux moyens de se protéger d'un éventuel chantage économique de Pékin, en diversifiant la production et les chaînes d'approvisionnement, alors que le gouvernement chinois s'est montré disposé à recourir à des entraves au commerce, à des fins diplomatiques. Les dirigeants des pays du G7 ont prévenu samedi que toute tentative de « coercition économique » aurait « des conséquences », visant implicitement les pratiques de la Chine mais sans la nommer.

« Nous exprimons notre vive inquiétude au sujet de la coercition économique » qui nuit non seulement au commerce international mais « porte également atteinte à l'ordre international fondé sur le respect de la souveraineté et de l'État de droit et, en fin de compte, compromet la sécurité et la stabilité mondiale », ont-ajouté les dirigeants du G7.

Ce n'est « pas un G7 antichinois » (Elysée)

Le G7 est particulièrement préoccupé par sa vulnérabilité dans des secteurs stratégiques tels que les minerais essentiels, les semi-conducteurs et les batteries électriques. Ces derniers mois, Washington a mené une intense campagne visant à restreindre l'accès de la Chine aux outils avancés de fabrication de semi-conducteurs, en invoquant des préoccupations de sécurité nationale et en poussant le Japon et les Pays-Bas à prendre des mesures similaires. Les pays européens, en particulier la France et l'Allemagne, tiennent néanmoins à s'assurer que l'élimination des risques ne signifie pas la rupture des liens avec la Chine, l'un des plus grands marchés du monde. Paris veut notamment faire entendre sa petite musique sur le positionnement à l'égard de Pékin, appelant les Européens à ne pas s'aligner sur une approche de confrontation caressée par Washington.

Ce n'est « pas un G7 antichinois », a insisté l'Elysée en amont du sommet, en souhaitant « un message positif » de coopération « à condition que nous négociions ensemble ».

Arrivé vendredi au Japon, Emmanuel Macron a déclaré que « ce G7 ne sera pas un G7 de la confrontation, ce sera un G7 de la coopération et de l'exigence à l'égard de la Chine ».

Par ailleurs, le ministre chinois du Commerce se rendra la semaine prochaine à Washington pour rencontrer la secrétaire américaine au Commerce Gina Raimondo et l'ambassadrice américaine au Commerce Katherine Tai à Washington.

Le renforcement de l'arsenal nucléaire chinois est une « préoccupation pour la stabilité mondiale » (G7)

L'extension rapide de l'arsenal nucléaire chinois est une « préoccupation pour la stabilité mondiale et régionale », ont déclaré vendredi les dirigeants du G7 à l'issue de discussions sur le désarmement nucléaire dans la ville japonaise de Hiroshima. Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), la Chine compte un arsenal de 350 têtes nucléaires - loin derrière la Russie (4.477) et les Etats-Unis (3.708). Mais Pékin pourrait en avoir 1.500 d'ici 2035, prédit un rapport du ministère américain de la Défense paru en novembre.

« L'accélération du développement de l'arsenal nucléaire de la Chine, sans transparence ni dialogue significatif, est préoccupante pour la stabilité mondiale et régionale », ont déclaré les dirigeants du G7 dans un communiqué.

Après son premier essai nucléaire en 1964, la Chine s'est contentée de maintenir un arsenal modeste et s'est engagée à ne jamais utiliser une arme atomique en premier, assurant qu'elle n'y aurait recours que si elle-même en était la cible.

Pendant la dernière décennie, le président Xi Jinping a cependant encouragé une vaste modernisation de l'armée, qui est passée notamment par l'amélioration de ses capacités nucléaires.

Les chefs d'Etat et de gouvernement des sept plus grandes démocraties industrialisées, qui ont rendu hommage vendredi aux quelque 140.000 victimes de la bombe atomique américaine du 6 août 1945 à Hiroshima, ont aussi condamné la "rhétorique nucléaire irresponsable" de la Russie, jugeant dangereux et inacceptable" son projet d'implantation d'armes nucléaires au Belarus.

Dénonçant également la prolifération nucléaire, ils ont également mis en garde la Corée du Nord contre les « actions provocatrices » et exhorté l'Iran à « cesser l'escalade nucléaire ».

C'est la première fois qu'un sommet du G7 donne lieu à une déclaration des dirigeants axée sur le désarmement nucléaire, fruit des efforts du Premier ministre japonais Fumio Kishida, dont les racines politiques et familiales sont à Hiroshima.

Les dirigeants ont réitéré leur engagement à parvenir à un monde sans armes nucléaires « avec une sécurité non diminuée pour tous », allusion à la difficulté de réaliser des progrès en matière de désarmement nucléaire dans le climat actuel de sécurité mondiale.

« Pour parvenir au monde que nous espérons, il faut un effort mondial qui nous conduise de la dure réalité à l'idéal, aussi étroit que soit le chemin est étroit », ont déclaré les chefs d'Etat et de gouvernement, sans proposer d'engagements concrets.

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France possèdent des milliers d'ogives nucléaires, et les autres membres du G7, y compris le Japon, sont couverts par le « parapluie nucléaire » américain.

La Chine et l'Asie centrale doivent « exploiter pleinement » les possibilités de coopération (Xi Jinping)

Le dirigeant chinois Xi Jinping a appelé vendredi son pays et l'Asie centrale à « exploiter pleinement » les possibilités de coopération en matière de commerce, d'économie et de capacité industrielle.

S'adressant aux chefs d'Etat de cinq républiques ex-soviétiques réunis lors d'un sommet inédit, Xi Jinping les a exhortés à « exploiter pleinement les possibilités de coopération traditionnelle en matière d'économie, de commerce, de capacité industrielle, d'énergie et de transport », selon un extrait du discours fourni par l'agence de presse Chine Nouvelle. Il a également souligné la nécessité de développer « de nouveaux moteurs de croissance (...) tels que la finance, l'agriculture, la réduction de la pauvreté, la baisse des émissions de carbone, la santé et l'innovation numérique ».

Le président chinois accueille cette semaine la toute première édition d'un « sommet Chine-Asie centrale » depuis l'établissement des relations diplomatiques en 1992 entre le géant asiatique et ces républiques (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan) après la chute de l'URSS.

Xi Jinping a ajouté que la région et la Chine devaient « prendre la tête » de ce projet et « approfondir la confiance mutuelle stratégique » afin de « maintenir une amitié éternelle ». Pékin s'efforcera de développer les liaisons de transport avec la région et d'accélérer l'expansion du gazoduc reliant l'Asie centrale à la Chine.

Xi Jinping a également promis 26 milliards de yuans (3,7 milliards de dollars) de soutien à la région. Dans le but de « maintenir une amitié éternelle », Xi Jinping a annoncé que les dirigeants se rencontreraient à nouveau au Kazakhstan en 2025.

« La Chine tente de convaincre les pays d'Asie centrale qu'un monde multipolaire est en train de naître », a déclaré à l'AFP Niva Yau, chercheuse du Global China Hub de l'Atlantic Council. Elle a relevé « l'unité » en Asie centrale « en faveur de liens étroits avec la Chine ».

Le numéro 1 chinois a également souligné la nécessité d'élargir la coopération en matière de sécurité pour lutter contre ce que Pékin appelle les « trois maux » de la région: le séparatisme, le terrorisme et l'extrémisme.

La Chine estime que son commerce avec Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan a atteint l'an passé les 70 milliards de dollars (64 milliards d'euros) et grimpé sur un an de 22% lors du premier trimestre 2023. L'Asie centrale occupe une place majeure dans l'initiative chinoise des « Nouvelles routes de la soie », également connue sous le nom « La Ceinture et la Route ».

Anciennement membres de l'Empire russe puis de l'Union soviétique, ces nations conservent des liens économiques, linguistiques et diplomatiques privilégiés avec Moscou. Mais avec la guerre en Ukraine, l'influence russe s'est émoussée.

(AFP)

Commentaires 3
à écrit le 21/05/2023 à 17:47
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D'un côté l'occident fabrique plein d'armes et les vend comme des petits pains, wolensky en est notre meilleur vrp de la peur dans le monde, d'un autre côté on veut impliquer la Chine dans le conflit mais elle ne veut pas, car elle voit le piège, une...

à écrit le 21/05/2023 à 10:48
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 20/05/2023 à 12:18
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"Mais Pékin pourrait en avoir 1.500 d'ici 2035, prédit un rapport du ministère américain de la Défense paru en novembre." C'est peu par rapport au 3708 des États-Unis en fin de compte ,et la, cela ne pose pas de problème pour la stabilité mondiale...

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