Les prix du pétrole brut évoluent depuis la fin de la semaine dernière à leur plus haut niveau depuis la mi-novembre 2022. Le cours du baril de Brent était en léger repli mardi dans la matinée, évoluant autour de 88,5 dollars, après avoir atteint son meilleur cours depuis le 17 novembre 2022. Sur un mois, il s'apprécie de 4,4%, mais sur un an, il est toutefois inférieur de plus de 6%. Le cours de la référence américaine, le baril de WTI, était quasi stable, se situant au-dessus de 85,5 dollars, soit une hausse de plus de 5% en un mois.
Le marché intègre une fourchette de prix « entre 72 dollars et 88 dollars le baril », a indiqué Ben Luckock, patron de Trafigura, l'un des plus importants négociants mondiaux en pétrole, à l'occasion de la conférence Appec (Asia Pacific Petroleum Conference), la grande messe annuelle sur l'énergie en Asie, qui a débuté lundi à Singapour. Il a souligné que les tensions persistantes sur le marché « laissent vulnérables » les consommateurs à une hausse des prix.
Le passage au-dessus des 88 dollars est soutenu, d'abord, par la réduction de l'offre de 1 million de barils par jour (mb/j) décidée unilatéralement par l'Arabie saoudite et appliquée depuis juillet. Elle bénéficie aussi du ralentissement économique en Amérique du Nord et en Europe, ainsi que d'une reprise plus faible que prévu en Chine qui limitent la croissance de la demande mondiale.
Les incertitudes sur l'offre russe
Malgré l'appréciation des cours, le marché s'attend néanmoins à de nouvelles coupes dans la production. Jeudi, les « principaux paramètres » de l'accord de l'Opep+ sur la réduction de l'offre devraient être dévoilés, a annoncé Alexander Novak, le vice-Premier ministre russe. En juillet, ce responsable avait indiqué que son pays baisserait sa production de 500.000 b/j en août et de 300.000 b/j en septembre.
« Le problème de l'approvisionnement russe réside dans la crédibilité des engagements russes, étant donné qu'il est difficile de suivre les exportations de Moscou », a d'ailleurs pointé Ben Luckock.
Le pays est soumis à des sanctions des pays du G7 et de leurs alliés. Ces derniers limitent ses ventes internationales en imposant un plafond du prix de son baril à 60 dollars. Une situation qui, selon nombre d'experts, pousse Moscou à exporter des volumes via le transfert de cargaisons dans les eaux territoriales. Par ailleurs, malgré les sanctions, la Russie a vendu son brut, l'Oural, à un prix moyen de 74 dollars au mois d'août selon les données du ministère des Finances russe, alors qu'il s'affichait à un prix moyen de 56,58 dollars entre janvier et août 2023. La vente du brut russe au dessus du plafond de 60 dollars reflète la tension de l'offre par rapport à la demande. En juillet, selon les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la Russie a pompé 9,4 mb/j sur les 42,46 mb/j produits par l'Opep+.
Pour l'autre poids lourd du partenariat, l'Arabie saoudite, la question est de savoir si sa réduction de 1 mb/j sera reconduite en octobre et restera à ce niveau. En juillet, la production du royaume est tombée à 9 mb/j.
« Les Saoudiens vont probablement prolonger la réduction sur le mois d'octobre, car ils ne veulent pas qu'il y ait une nouvelle pression baissière sur le marché », indique Warren Patterson, expert des marchés des matières premières chez ING, qui considère que le marché pourra absorber le futur retour de ces barils « étant donné l'important déficit prévu pour le reste de l'année ».
La demande chinoise reste soutenue
Habituellement, la demande mondiale de pétrole augmente au dernier trimestre. Pour cette année, l'AIE anticipe une consommation moyenne de 103,1 mb/j, contre 102,84 mb/j au troisième trimestre. Une configuration de nature à faire monter les prix d'autant qu'au mois d'août la Chine a affiché des indicateurs en hausse. Parmi eux, l'indice PMI des directeurs d'achat est repassé au-dessus des 50 points signalant une reprise de l'activité, à 51 points. Le géant asiatique a importé sur les sept premiers mois de l'année 12,4% de plus de pétrole brut que sur la même période de 2022, notamment du brut russe à des prix attractifs. Il a consommé 16,25 mb/j au troisième trimestre, il devrait en consommer 16,62 mb/j au dernier trimestre, selon l'AIE.
De fait, en procédant à des réductions, l'Opep+ reprend la main sur le marché, car elle est la seule, du moins certains de ses membres, à pouvoir éventuellement augmenter rapidement son offre si c'est nécessaire avant la fin de l'année, grâce à ses capacités de production en réserve, estimées à 5,7 mb/j en juillet, par l'AIE.
« L'Opep+ dispose d'une marge de manœuvre importante pour produire beaucoup plus au deuxième semestre de l'année 2023, mais si les objectifs de production du bloc sont maintenus jusqu'à la fin de l'année, l'Opep+ pompera 2,2 mb/j en dessous des besoins pour son brut au troisième trimestre de l'année 2023 et 1,2 mb/j en dessous au quatrième trimestre, sur la base de nos prévisions actuelles pour la croissance de la demande et la production hors Opep+ », ont ainsi calculé les experts de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans leur rapport mensuel d'août.
« Toutefois, tandis que l'Opep poursuit la réduction de son offre, certains pays membres de l'organisation voient leur production se rapprocher de leurs plus hauts niveaux, l'Iran, la Libye et le Venezuela, qui sont exemptés de quotas », souligne Warren Patterson. Un élément qui est loin d'être négligeable. En juillet, selon l'AIE, ces trois pays ont produit près de 5 mb/j. Et d'après les calculs de l'agence Bloomberg, la baisse de l'offre saoudienne au mois d'août a été partiellement compensée par les hausses de l'Iran et du Nigeria.
Le niveau bas des stocks commerciaux aux Etats-Unis
Enfin, l'autre facteur qui favorise les perspectives haussières est celui du niveau des stocks pétroliers, en particulier aux Etats-Unis. La semaine dernière, l'Agence d'information sur l'Energie américaine (EIA) indiquait que durant la semaine se terminant le 25 août, les stocks commerciaux de pétrole (hors stocks de la réserve stratégique) avaient enregistré une baisse hebdomadaire de 10,8 millions de barils, soit 422,9 millions de barils, un volume qui se situe 3% en dessous du niveau moyen de ces cinq dernières années.