Les préjugés racistes sur les mariages reculent sans faire de bruit

LA CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. Malgré la présidence de Donald Trump, qui avait divisé les Américains, les préjugés raciaux tendent à s'estomper comme l'atteste l'écrasante approbation des mariages mixtes, selon l'enquête menée par l'institut Gallup.
Robert Jules
Le couple d'acteurs Jodie Turner-Smith (britannique) et Joshua Jackson (canadien).
Le couple d'acteurs Jodie Turner-Smith (britannique) et Joshua Jackson (canadien). (Crédits : Reuters)

Si l'on se fie aux débats en cours, notamment politiques, on peut penser que le racisme, sous toutes ses formes discriminatoires, reste plus que jamais d'actualité.

Or, les enquêtes menées sur le sujet montrent des tendances contraires. A l'exemple de celle publiée le mois dernier par l'institut Gallup, qui porte sur l'appréciation des Américains (États-Unis) sur les mariages interraciaux (entre Blancs et Noirs). Ils sont désormais 94% à les approuver. C'est d'autant plus spectaculaire que lorsque cette enquête a été lancée en  1958, ils n'étaient que... 4% à les approuver.

Gallup

Cette tendance s'est notamment accélérée à partir de 1995, où l'on a basculé dans une approbation majoritaire, passant de 48% à 64% en 1997. Cette année-là, Bill Clinton présidait le pays, et le PIB progressait de 4%. Or, le dynamisme économique favorise la tolérance au sein de la société.

Une des plus grandes transformations de l'opinion publique

Pour Gallup, cette évolution des mentalités représente une des plus grandes transformations de l'opinion publique aux Etats-Unis. L'institut rappelle d'ailleurs que ce n'est qu'en 1967 que la Cour suprême des Etats-Unis a légalisé le mariage interacial à l'échelle fédérale.

Dans le détail, l'enquête montre que dès 1969 les personnes non-blanches approuvaient en majorité (à 56%) ces mariages mixtes. Il faudra en revanche attendre 1997 pour qu'une majorité (61%) d'adultes blancs banalisent leur célébration.

L'approche générationnelle indique que la baisse la plus importante se trouve chez les plus âgés (50 ans et plus). Ils étaient 27% en 1991 à approuver ces mariages, ils sont 91% en 2021, les générations se succédant devenant de plus en plus tolérantes.

De même, si les Américains vivant dans le Sud des Etats-Unis étaient davantage soumis aux préjugés raciaux que ceux vivant dans l'Est, le Midwest et l'Ouest, au fil des décennies, ces préventions ont disparu. Ainsi, ils n'étaient que 33% dans le Sud à approuver les mariages mixtes en 1991, trente ans plus tard, ils sont désormais 93%.

Les déclarations à l'emporte-pièce de Donald Trump

Si l'on a pu percevoir durant la présidence de Donald Trump et ses déclarations à l'emporte-pièce que les Etats-Unis se divisaient en matière de racisme, les tendances de fond montrent que les phénomènes sont plus complexes. Les générations qui se succèdent montrent un abandon de certains préjugés, par rapport aux précédentes. L'institut se demande d'ailleurs si les 6% refusant le mariage inter-racial seront toujours là lors de la prochaine enquête.

Cette tendance se retrouve également sur le choix de la présidence. Si dans les années 1950, le vote pour un candidat noir n'était pas populaire, il y a pratiquement une unanimité aujourd'hui pour considérer qu'il ne s'agit plus d'un critère. La présidence de Barak Obama a probablement participé à cette décrispation.

Pour autant, depuis 2013, les Américains sont de moins en moins nombreux - même s'ils restent majoritaires - à penser que les lois anti-raciales se sont améliorées, avec un part passée de 89% en 2011 (chiffre le plus élevé depuis 1994) à 59% en 2020 (65% pour les personnes blanches, et 52% pour les personnes noires).

En conséquence, 61% des Américains (53% des Blancs et 82% des Noirs) estiment qu'il faut de nouvelles législations pour réduire la discrimination à l'égard des Afro-américains. Une tendance repartie à la hausse entre 2011 et 2014, et qui s'est accentuée sous la présidence de Donald Trump, avec notamment la prise de conscience initiée par le mouvement "Black Lives Matter", et le meurtre filmé en direct de George Floyd, asphyxié sous le genou d'un policier, Dereck Chauvin, qui sera condamné à 22,5 années de prison.

Euromix, un projet d'enquête européen

Quant à l'Europe, il n'existe pas d'enquête de ce type sur le sujet. L'Union européenne a lancé un projet intitulé Euromix, doté de 2 millions d'euros, qui a débuté en 2017 et est prévu de s'achever en 2023. Son objectif est d'étudier à travers la notion de "mélange"  les réglementations en matière de mariages mixtes dans les pays de l'Union européenne. Contrairement à l'idée qu'il n'y a pas eu en Europe de lois discriminatoires comme ce fut le cas aux Etats-Unis, la recherche en cours montre au contraire que ces réglementations ont bien cherché à dissuader ou prévenir de tels mariages.

En attendant les résultats de cette enquête, il existe des données pour la France issues de l'Institut national d'études démographiques (Ined). En 2020, un mariage sur sept était mixte (que l'Ined définit comme le mariage entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère). En 1950, ces mariages représentaient 6% de l'ensemble, en 2018, cette part s'élevait à 15%.

En 2015, dans 37% des cas de ces mariages, le partenaire étranger possédait une nationalité de l'Afrique du Nord, 22% venaient d'un pays de l'UE et 14% de l'Afrique subsaharienne.

Les mariages mixtes, rappellent les chercheurs d'Euromix, sont un indicateur du degré d'intégration sociale des immigrants, ainsi qu'un facteur potentiel de changement social et culturel. A l'heure, où les débats se focalisent sur la peur de l'immigration et la crainte d'un "grand remplacement", ces données montrent que sans bruit les préjugés raciaux reculent année après année.

Robert Jules
Commentaires 6
à écrit le 02/10/2021 à 18:17
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En 2018, les mariages mixtes représentent 15 % des mariages célébrés en France, ils représentaient 6 % en 1950 ,ce qui est logique puisqu'il y avait moins d'immigré. Parmi les 234 700 mariages conclus en 2018, 34 600 d'entre eux ont uni une personne ...

le 02/10/2021 à 22:24
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Votre postulat de départ est doublement faux : 1. Si le % d’union mixte vs le nombre total de mariage augmente, c’est d’abord parce que les unions « franco-françaises » sont en forte baisses !! (300 000 dans les années 50, avec un pic à près de 400 ...

le 02/10/2021 à 22:25
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Votre postulat de départ est doublement faux : 1. Si le % d’union mixte vs le nombre total de mariage augmente, c’est d’abord parce que les unions « franco-françaises » sont en forte baisses !! (300 000 dans les années 50, avec un pic à près de 400 ...

le 03/10/2021 à 8:42
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"Votre « logique » sous-tend que ces mariages se font entre des français/es et des immigré/es qui seraient déjà présents sur le territoire français". Ma "logique" sont les chiffres de l'Ined qui ne fait pas le distingo entre ceux mariés en France...

à écrit le 02/10/2021 à 15:12
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Ce qui pose problème pour les mariages en France n'est pas la différence de "race" (concept d'ailleurs qui n'est pas applicable aux humains) mais de réligion. Les adeptes d'une certaine religion ne peuvent marier que sous condition de conversion et d...

à écrit le 02/10/2021 à 12:49
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Immigration et racisme sont différents, les marchands anti-immigration ce délecte de cet argument pour en faire une sémantique qui les distingue tout en les amalgamant pour les moins éclairés des gens, riches ou pauvres d'ailleurs la profonde bêtise ...

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