Mer de Chine méridionale : les Philippines et les États-Unis débutent leurs exercices militaires annuels, la France participe

Environ 16.000 soldats philippins et américains ont entamé ce lundi des exercices militaires conjoints, près des potentielles zones de tension de la mer de Chine méridionale et Taïwan, dans un contexte d'affirmation croissante de Pékin dans la région. Jusqu'ici présente seulement comme pays observateur, la France va cette fois y prendre une part active.
Les garde-côtes philippins se joindront cette année pour la première fois aux exercices (photo d'illustration).
Les garde-côtes philippins se joindront cette année pour la première fois aux exercices (photo d'illustration). (Crédits : Philippine Coast Guard)

[Article publié le 22 avril 2024 à 9h52, mis à jour à 10h53] Comme chaque année, soldats philippins et américains vont mener ensemble des exercices militaires. Baptisés Balikatan - ou « épaules contre épaules » en tagalog, la langue locale - ils doivent démarrer ce lundi 22 avril et se dérouler dans le nord et l'ouest des Philippines, près des potentielles zones de tension de la mer de Chine méridionale et Taïwan. Prévus jusqu'au 10 mai, ils impliqueront environ 11.000 soldats américains et 5.000 soldats philippins, ainsi que des militaires australiens et français.

« Nous allons montrer au peuple philippin et au monde entier que nous nous sommes améliorés et que nous ne cesserons jamais de le faire », a déclaré le lieutenant-général William Jurney, commandant des forces du Corps des marines des États-Unis dans le Pacifique, lors de la cérémonie d'ouverture à Manille. Et d'ajouter : « Lorsque nous nous améliorons, les Philippines deviennent plus fortes, plus sûres et plus sécurisées ».

La France, qui avait participé précédemment à ces exercices annuels en tant que pays observateur, y prendra part pour la première fois activement. Elle déploiera la frégate Vendémiaire, basée en Nouvelle-Calédonie, mais celle-ci devrait quitter les exercices avant qu'ils n'atteignent une « phase de haute intensité », selon un communiqué de l'ambassade de France aux Philippines. La France disposera par ailleurs d'un attaché militaire dédié aux Philippines à partir de cet été, a précisé l'ambassade, dans le cadre du renforcement de l'engagement français en Asie-Pacifique.

Quatorze pays d'Asie et d'Europe se joindront à l'exercice en tant qu'observateurs.

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Exercices simulant la reprise d'îles

Pour la première fois, les exercices se dérouleront au-delà des eaux territoriales des Philippines, qui s'étendent à environ 22 kilomètres de la côte, a précisé le colonel philippin Michael Logico avant les exercices. Autre première, les garde-côtes philippins se joindront cette année aux exercices, après plusieurs confrontations ces derniers mois entre leurs navires et les garde-côtes chinois, qui font des patrouilles au large des côtes philippines.

Les exercices conjoints prévoient notamment une simulation de reprise d'une île par la force dans la province de Palawan, proche des îles Spratleys, que se disputent Pékin et Manille. Le même exercice aura lieu dans les provinces septentrionales de Cagayan et Batanes, toutes deux situées à moins de 300 kilomètres de Taïwan.

Comme l'année dernière, un navire sera coulé au large de la province septentrionale d'Ilocos Norte. D'autres entraînements porteront sur la guerre informationnelle, la sécurité maritime et la défense aérienne et antimissile intégrée.

Les États-Unis ont déployé des missiles guidés sol-air SM-6 aux Philippines pour Balikatan, mais le colonel Logico a précisé que ces armes ne seraient pas utilisées lors des exercices.

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Climat sous haute tension

Le début de ces exercices militaires est vu d'un mauvais œil par Pékin. Le ministère chinois des Affaires étrangères a ainsi accusé les États-Unis d'« attiser la confrontation militaire » et a demandé aux Philippines de « cesser de s'engager sur la mauvaise voie ». Le sujet a aussi été abordé ce lundi en ouverture d'un forum en Chine consacré au Pacifique, où sont présent des responsables de la marine de 29 pays, dont le chef de la marine russe et son homologue américain de la flotte du Pacifique. « La Chine s'est toujours engagée à résoudre les différends maritimes par le biais de consultations amicales directement avec les pays concernés », a déclaré le général Zhang Youxia, vice-président de la Commission militaire centrale, sans les nommer. « Toutefois, nous ne permettrons pas les abus arbitraires et n'accepterons pas les distorsions du droit international », a-t-il averti.

Le chef de l'armée philippine, le général Romeo Brawner, a de son côté estimé que Balikatan était pour Manille une « occasion extraordinaire d'approfondir notre collaboration avec nos amis, nos partenaires et nos alliés ».

« La coopération et la collaboration entre militaires jouent un rôle essentiel pour garantir une communauté mondiale plus sûre pour les générations à venir », a-t-il ajouté.

Il faut dire que ces exercices s'inscrivent cette année dans un climat particulièrement tendu entre les pays du Pacifique. La Chine revendique la souveraineté sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, axe essentiel pour le commerce international. Et considère également Taïwan comme faisant partie de son territoire. Depuis des mois, Pékin a d'ailleurs intensifié la pression militaire sur Taipei en recourant à ce que les experts qualifient d'interventions en « zone grise », c'est-à-dire des tactiques d'intimidation sans aller jusqu'à la guerre. Ainsi, des avions de guerre et des navires chinois assurent une présence quasi-quotidienne autour de l'île. Samedi dernier, 21 avions militaires chinois ont été détectés autour de Taïwan, le record ayant été enregistré en septembre dernier avec 103 avions en l'espace de seulement 24 heures.

La Chine n'est pas la seule à lorgner sur la mer de Chine méridionale, où des milliers de milliards de dollars de marchandises transitent chaque année - et où d'énormes gisements de pétrole et de gaz inexploités se trouveraient sous les fonds marins. Les Philippines, ainsi que le Vietnam, la Malaisie et Brunei, ont chacun des revendications qui se chevauchent sur certaines parties de la mer. Si bien que les États-Unis, qui n'ont aucune revendication territoriale mais y effectuent régulièrement des patrouilles, ont renforcé leurs alliances avec certains de ces pays. Dont Taïwan : samedi dernier également, la Chambre américaine des représentants a validé le déblocage d'une enveloppe d'environ 8 milliards de dollars pour tenir tête à la Chine sur le plan militaire en investissant dans les sous-marins, et venir en aide Taipei.

Les tensions entre ces pays sont légion mais elles ont atteint ces derniers mois des niveaux inégalés. Beaucoup craignent d'ailleurs qu'une simple erreur ou un accident ne déclenche un conflit militaire.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 22/04/2024 à 13:46
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