Nucléaire : la Russie menace d'arrêter de vendre son uranium enrichi aux Etats-Unis

Si la pétrole et le gaz russes sont au cœur de la problématique des sanctions des pays démocratiques contre la Russie, l’uranium enrichi fait également partie de l’équation. Contrôlant en effet 35% de l'offre mondiale, la Russie menace de cesser ses exportations en réponse aux sanctions occidentales. Dans le même temps, des sénateurs américains demandent l'arrêt des importations russes qui alimentent les centrales nucléaires aux Etats-Unis. En attendant, les prix du "yellowcake" ont flambé de 30% depuis le début du conflit et ont doublé en un an. Décryptage
Robert Jules
Un employé de Kazatomprom au Kazakhstan contrôle le niveau de radioactivité de l'oxide d'uranium à East Mynkuduk PV-19, un mine d'uranium dans le sud du pays. La compagnie russe Rosatom en joint-venture avec Kazatomprom exploite la filière au Kazakhstan. Des sénateurs américains veulent bannir les importations en provenance des deux pays.
Un employé de Kazatomprom au Kazakhstan contrôle le niveau de radioactivité de l'oxide d'uranium à East Mynkuduk PV-19, un mine d'uranium dans le sud du pays. La compagnie russe Rosatom en joint-venture avec Kazatomprom exploite la filière au Kazakhstan. Des sénateurs américains veulent bannir les importations en provenance des deux pays. (Crédits : Reuters)

Contrairement à l'Europe qui en est très dépendante des hydrocarbures importés de Russie, les Etats-Unis ont décidé de cesser les importations de pétrole russe. En revanche, ils se sont bien gardés de le faire pour l'uranium enrichi qui alimente leurs centrales nucléaires. La Russie contrôle en effet 35% de l'offre mondiale d'uranium enrichi. La menace d'une interdiction d'exporter a fait flamber le prix de 30% depuis le début du conflit. Sur un an, la hausse avoisine 100%, avec un record de 11 ans battu début mars, la livre d'uranium enrichi (U3O8) dépassant les 60 dollars sur le marché à terme.

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prix de l'uranium

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L'intérêt national menacé aux Etats-Unis

Paradoxalement, la menace d'embargo est double. D'une part, aux Etats-Unis, le sénateur républicain John Barrasso du Wyoming a déposé la semaine dernière un projet de loi pour interdire les importations russes d'uranium, justifié par le fait que les revenus financent la guerre contre l'Ukraine. Le sénateur rappelle dans un communiqué que "les importations de la Russie et de ses alliés, le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, représentent près de la moitié de l'uranium (plus exactement, 46 % de leurs besoins en 2020, selon l'US Energy Information Administration) alimentant les centrales nucléaires des États-Unis. Ce niveau élevé de dépendance à l'uranium étranger menaçait notre intérêt national et notre sécurité nationale avant que la Russie n'envahisse l'Ukraine, maintenant c'est tout simplement inacceptable". Il appelle à relancer la production locale, d'autant plus que le Wyoming, l'Etat où il est élu, exploite de l'uranium. En 2018, la production minière y était de 635.000 livres (294,3 tonnes) de  U3O8.

Car même si un accord commercial limitait les achats russes pour les besoins des centrales atomiques aux Etats-Unis, il ne serait pas aisé de remplacer rapidement le yellowcake russe. Sur ce point, les Etats-Unis sont dans une certaine mesure dans la situation de l'Allemagne et sa dépendance au gaz russe. L'offre mondiale du combustible utilisé dans les centrales nucléaires est en effet fournie par peu de pays.

Le Kazakhstan, principal producteur de minerai

Mais, de son côté, Moscou agite aussi la menace de cesser les ventes d'uranium aux États-Unis en réponse aux sanctions imposées par les Etats-Unis et l'Europe. En début de semaine, le vice-Premier ministre, Alexander Novak, interrogé sur ce point, a précisé: "Cette question est aussi à l'ordre du jour, elle est en train d'être étudiée".

Les principaux producteurs de minerai d'uranium sont le Kazakhstan, dont les extractions équivalent à elles seules à celles des trois autres producteurs principaux: le Canada, l'Australie et la Namibie, selon le rapport rédigé conjointement par l'Agence de l'énergie nucléaire et l'Agence internationale de l'énergie nucléaire: "Uranium 2020, resources, production and demand". La Russie se situe loin derrière avec 7%, sauf qu'elle possède une partie de la production du Kazakhstan via une joint-venture entre le producteur local Kazatomprom et le géant du nucléaire russe Rosatom. Surtout, la Russie possède près de la moitié des capacités mondiales de traitement - un processus complexe - et d'enrichissement de l'uranium, qui en plusieurs étapes  transforme le métal lourd en combustible pour alimenter les réacteurs nucléaires.

Si les centrales nucléaires ont suffisamment de stocks d'uranium pour tenir plusieurs mois, leurs opérateurs doivent planifier l'approvisionnement plusieurs années à l'avance. Mais, comme d'autres matières premières, la sécurisation de cet approvisionnement en minerai est crucial. L'enjeu est loin d'être négligeable, l'énergie nucléaire fournit environ 20 % de la production d'électricité aux États-Unis et 10 % à l'échelle mondiale, selon la World Nuclear Association.

Outre la Russie, les autres pays qui enrichissent l'uranium sont la France et le Canada ainsi que la Chine. Mais cette dernière n'alimente pas que ses propres réacteurs et n'est donc pas exportatrice.

Le retour en grâce de l'énergie nucléaire

Depuis la catastrophe au Japon de la centrale de Fukushima en 2011, dû à un tsunami, l'énergie nucléaire a fait l'objet d'un rejet de l'opinion publique et de la contestation d'Ongs comme Greenpeace et de partis politiques écologistes qui avait notamment conduit l'Allemagne et sa chancelière Angela Merkel à écarter définitivement cette option pour alimenter en énergie le pays. Mais la nécessité de réduire rapidement les émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique et aujourd'hui, comme le montre le conflit en Ukraine, de cesser la dépendance à l'égard du gaz, du pétrole et du charbon russes, ont remis l'énergie atomique sur le devant de la scène. Le mois dernier, le président français, Emmanuel Macron, évoquait "une renaissance du nucléaire" pour la France, ​​qui se traduirait par la construction de 14 nouveaux réacteurs EPR2, dont huit posés en option sur le plus long terme, ainsi que du maintien du parc actuel le plus longtemps possible, soit soixante ans au moins après la construction des centrales existantes.

Robert Jules
Commentaires 27
à écrit le 27/03/2022 à 3:56
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C'est balo la France qui refuse d'exploiter son gaz de schiste va encore payer plus cher pour l'atome ultra-déficitaire...

le 31/12/2022 à 21:13
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Les polonais avaient un fort espoir à ce sujet ayant (potentiellement, parait-il) des quantités énormes de gaz, mais les entreprises venues pour ça sont reparties, gaz pas exploitable (la géologie des sols est assez autonome, elle ne veut pas être ge...

à écrit le 25/03/2022 à 17:44
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Faudrait que les Russes sachent ce qu'ils veulent ! Un coup ils menacent de nous livrer des bombes à l'uranium sur la tête, et un autre ils menacent de ne pas nous livrer d'uranium. C'est rassurant, ou pas ? :)

le 26/03/2022 à 10:46
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et pendant ce temps personne ne boycott l'Arabie saoudite qui guerroie au yemen les bon et les mechants son dicte par m biden pour interets personnel

à écrit le 25/03/2022 à 14:28
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"Mais cette dernière n'alimente pas que ses propres réacteurs et n'est donc pas exportatrice", phrase contradictoire:ou bien la Chine n'alimente pas seulement ses réacteurs et elle exporte; ou bien elle n'alimente QUE ses réacteurs et donc elle n'exp...

le 20/12/2022 à 20:34
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J'ai choisi de supprimer le "pas".

à écrit le 25/03/2022 à 14:09
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Plus de gaz, russe, plus de Pétrole russe, plus d'Uranium russe;plus de blé. J'aurais préféré encore que la Russe nous dénazifie nous aussi en France....

le 25/03/2022 à 17:39
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@SNOWDEN: Cela montre que la Russie était plus intégrée à l'économie mondiale qu'on ne le pensait. La place qu'elle occupe est certainement beaucoup moins importante que celle qu'elle aurait du avoir; elle n'a pas su montrer l'habileté de la Chine po...

le 25/03/2022 à 17:41
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Ça va peut-être pas tarder... ;) Les valeurs de la Russie c'est famille et vodka. Que demander de plus ?

à écrit le 25/03/2022 à 12:53
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Enfin une bonne nouvelle pour Orano!!

à écrit le 25/03/2022 à 12:52
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Enfin une bonne nouvelle pour Orano!!

à écrit le 25/03/2022 à 11:21
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Légende sous la photo : "contrôle le niveau de radioactivité de l'oxide d'uranium" oxyde

à écrit le 25/03/2022 à 11:06
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Les USA comme d’hab donnent des lecons, provoquent des guerres partout ds le monde , nous obligent à refuser l’énergie Russe, mais eux continuent à le faire avec l’Uranium ! Biden et sa clique est un serpent ! Le but des USA est que l’on dépendent de...

le 25/03/2022 à 12:19
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Comme il est tout à fait acceptable que: -les USA soutiennent militairement l'Ukraine mais pas que la Chine soutienne la Russie... -Que les USA soient seuls juges de décider ce qu'est une démocratie et une dictature partout dans le monde... Il me ...

le 25/03/2022 à 12:37
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Bien dit, ce que peu de gens voient!

à écrit le 25/03/2022 à 10:53
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Poutine ferait mieux de s'occuper de son économie si ridiculement faible plutôt que de se comporter en dictateur sanguinaire . Une guerre surréaliste, la jeunesse russe ou ukrainienne à d'autres projets que de réaliser le fantasme de grandeur d'un se...

le 25/03/2022 à 13:02
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Vaut mieux un petit "chez soi" qu'un grand chez les autres!

le 20/12/2022 à 20:42
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En l’occurrence, il s’agirait plutôt "d'un grand chez soi que d'un petit chez les autres".

à écrit le 25/03/2022 à 10:17
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Sales gosses! Une dispute dans une cour de récréation où nous sommes les spectateurs impuissants. Une cour de récréation où ces gamins n'auraient aucun scrupule à faire sauter la terre et à sauter avec elle. Si existe cet ETRE qui a nom en toutes les...

à écrit le 25/03/2022 à 9:34
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D'après les médias, c'est toujours la division du travail du bon et mauvais flic! C'est toujours le même qui "menace"!

à écrit le 25/03/2022 à 9:15
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Les US ne sont jamais ennemis de leurs intérêts. C'est une donnée qu'il faut toujours avoir présente à l'esprit quant à leurs décisions géo stratégiques. L' UE a 2 ans pour bâtir une composante militaire crédible.

le 25/03/2022 à 10:23
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L Europe va sortir de sa zone de confort et prendre conscience du vrai prix de la sécurité et de se faire respecter … l aspect salutaire de cette crise après celle du covid est la prise de conscience que le monde n est pas celui des bisounours et qu...

à écrit le 25/03/2022 à 9:01
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Nos amis américains, qui poussent tant l'Europe à abandonner le gaz et le pétrole russes et leurs usines et entreprises en Russie, n'ont pas encore refusé d'acheter de l'uranium enrichi à la Russie ? Cela ne saurait tarder, alors ? Ou bien...

le 25/03/2022 à 10:25
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Pour info il y a plus d entreprise us qui ont quitté la Russie que d entreprise européenne… l Europe n a qu à créer aussi ses champions au lieu d n’utiliser les autres .. par facilité et pour des raisons de coûts … le réveil est tardif douloureux ma...

le 25/03/2022 à 10:26
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Pour info il y a plus d entreprise us qui ont quitté la Russie que d entreprise européenne… l Europe n a qu à créer aussi ses champions au lieu d n’utiliser les autres .. par facilité et pour des raisons de coûts … le réveil est tardif douloureux ma...

le 25/03/2022 à 11:32
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@jafe: simplement on ne peut pas comparer des entreprises qui produisent sur place et extraient des matières premières avec celles qui vendent des bigmac ou autres. Les européens se font rouler dans la farine et sont dressés en ennemis contre les R...

à écrit le 25/03/2022 à 9:00
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Le sort s acharne

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