Pétrole et méthane : les Italiens se prononcent sur la durée des extractions en mer

Un référendum est organisé dimanche sur l'abrogation d'une loi permettant de de renouveler les concessions des plateformes d'extraction de méthane et de pétrole situées dans les eaux territoriales italiennes. Très précise, la question a fini par prendre une portée symbolique et politique.
Giulietta Gamberini
Pour les environnementalistes, il s'agit surtout, en retirant progressivement les concessions, d'avancer davantage et concrètement sur le chemin de la transition énergétique, alors que les plate-formes incarnent le vieux modèle fait de lobbies, dépendance économique, pollution...

Oui ou non? Pour la 67e fois depuis 1974, les Italiens sont appelés ce dimanche à trancher de façon manichéenne sur un point précis de leur législation, dans le cadre d'un type de consultation prévu par la Constitution italienne de 1946: le référendum abrogatif. Et une fois de plus, la consultation a pris une valeur politique, dépassant largement la question directement posée aux citoyens.

L'enjeu immédiat, en l'espèce, est de caractère environnemental. Les 51 millions d'électeurs sont interrogés sur l'opportunité de supprimer la possibilité de renouveler les concessions des plateformes d'extraction de méthane et de pétrole déjà actives et situées dans les eaux territoriales italiennes, à savoir dans les 22,2 kilomètres (12 milles) de la côte. Si le "oui" gagne, les activités d'extraction s'arrêteront lors de l'expiration des concessions (entre 2016 et 2034), même si le gisement n'est pas épuisé. En cas de victoire du "non", un prolongement de l'activité (d'abord de 10, puis de 5 ans) pourra être demandé.

Les exploitations situées à une distance supérieure de la côte ne sont pas concernées par la question spécifiquement posée. Pas plus, d'ailleurs, que d'éventuelles nouvelles perforations, déjà interdites dans les eaux territoriales. Des 69 concessions exploitant 110 plates-formes au large des côtes italiennes, 44, avec 99 plates-formes, sont ainsi concernées, dont 25 extraient du méthane, une du pétrole, quatre les deux. 14 d'entre elles ne sont plus productives, analyse Il Sole 24 Ore.  En 2015, elles ont fourni 1,93 milliards de mètres cubes de gaz et 0,54 millions de tonnes de pétrole: respectivement, 28,1 % et 10 % de la production nationale, ajoute le quotidien économique.

Un pas vers la transition énergétique

La caractère restreint de l'objet de la consultation - dû aux processus législatif et d'autorisation du référendum, qui l'ont vidé au fur et à mesure d'une grande partie de son contenu initial - a fini par lui conférer une portée surtout symbolique. L'exploitation des plate-formes a en effet en elle-même un impact limité sur l'environnement, y compris en mer: les émissions de gaz à effet de serre dépendent surtout du raffinage et de l'utilisation des combustibles, plutôt que de leur extraction. Les ONG environnementales partisanes du "oui" insistent donc surtout sur le danger d'accidents qui pourraient, eux, avoir des répercussions extrêmement graves. En Italie, jusqu'à présent, il y a en a eu deux importants dans l'industrie pétrolière (autour de Plaisance en Emilie-Romagne en 1950 et de Novare, en Piémont, en 1994), mais aucun en mer.

Pour les environnementalistes, il s'agit aussi, en retirant progressivement les concessions, d'avancer davantage et concrètement sur le chemin de la transition énergétique, alors que les plate-formes incarnent le vieux modèle fait de lobbies, dépendance économique, pollution... Tout en produisant très peu de combustibles, l'extraction de méthane et de pétrole nuit d'ailleurs à d'autres sources de richesse qui mériteraient d'être valorisées localement, telles que le tourisme (qui contribue chaque année à 10% du PIB) et la pêche (2,5% du PIB), font-ils valoir.

Un dépendance énergétique accrue

Les opposants au référendum (qui comptent dans leurs rangs le Président du Conseil des ministres Matteo Renzi et l'ancien Président de la République Giorgio Napolitano) ont eux aussi essentiellement recours à des arguments symboliques et politiques. Dans un contexte mondialisé, fermer les plate-formes italiennes ne relèverait que d'une logique égoïste et myope, de leur point de vue. Le risque d'accidents et les émissions ne seraient en effet que transférés ailleurs, dans des pays où les normes de sécurité sont bien moins sévères et les technologies moins avancées.

La dépendance énergétique de l'Italie passerait de 76% à 81%. A moyen terme, le pays ne ferait alors qu'augmenter ses importations d'hydrocarbures, en alourdissant le bilan carbone lié au transport des combustibles et en augmentant le nombre de pétrolières dans ses mers. En 15 ans, 11 milliards d'euros supplémentaires finiraient dans les poches des - plus ou moins démocratiques et stables- fournisseurs de l'Italie, selon Il Sole 24 Ore: la Russie, les pays du Moyen-Orient membres de l'Opec, l'Algérie et la Lybie.

La valeur des revenus redistribués en chute

Comme toujours en cas de transition, la question d'éventuelles suppressions d'emplois rentre aussi dans le débat. D'une part, Matteo Renzi met en garde: une victoire du "oui" risquerait de faire perdre leur travail à 11.000 personnes. De l'autre, les environnementalistes répliquent que cette perte serait compensée par l'essor des énergies renouvelables.

Quant à la question des revenus empochés par les administrations publiques grâce à l'activité d'extraction (royalties pour les régions et impôts pour l'Etat), les partisans du "oui" soulignent leur caractère dérisoire, ceux du non remarquent qu'il s'agit néanmoins de richesses reversées à la collectivité. Environ 60% de la valeur des combustibles extraits seraient notamment redistribués sous diverses formes, mais la valeur de ce pourcentage varie en fonction des cours des matières premières, qui depuis 2014 ont brutalement chuté.

Une seule question

Au-delà de la portée symbolique sur la question de la transition énergétique, le référendum de dimanche est aussi entaché par une autre question qui transcende son contenu: celle de l'opportunité de soumettre à l'opinion publique des points aussi précis de politiques générales. Tel qu'il est conçu par la Constitution italienne, le référendum abrogatif le permet. Et depuis 1974, nombreuses ont été les consultations sur des sujets si pointus qu'ils ont souvent été mal compris par la population.

Le référendum de dimanche - le premier depuis juin 2011 - présente d'ailleurs en ce sens deux caractères inédits. Non seulement il est le premier à avoir été demandé par neuf régions, le seuil des 500.000 signatures requis pour les référendums d'initiative populaire n'ayant pas été atteint. Il représente aussi l'un des rares cas de mobilisation de tant de ressources pour une seule question, puisque d'habitude plusieurs référendums sont concentrés le même jour. Parmi ces référendums, il est même le seul ne portant pas sur des sujets électoraux, de travail ou du droit de la famille.

L'abstention au centre du débat

Si l'Italie est très incertaine sur le contenu du vote, elle est en revanche véritablement déchirée quant à la nécessité ou pas d'aller aux urnes dimanche. En cas de participation de moins de 50% des électeurs, la consultation sera en effet invalidée: cela a déjà été le sort de 27 référendums. La tentation est donc forte pour les partisans du "non" d'appeler leurs électeurs à s'abstenir.

Matteo Renzi n'a d'ailleurs pas hésité à le faire. Il y a un précédent. En 1991, le socialiste Bettino Craxi, ancien chef du gouvernement de 1982 à 1987, avait invité les Italiens à "aller à la plage" au lieu de voter pour une réforme historique du système électoral - celui qui détermina le passage de la première à la deuxième République et devait mettre fin à la carrière politique de Bettino Craxi. A l'époque, néanmoins, Craxi n'était plus chef du gouvernement, alors que Matteo Renzi l'est encore. Giorgio Napolitano a également encouragé les électeurs à rester chez eux.

Ces positions vident encore davantage de sens la tenue de la consultation, et laissent une fois de plus seule face à son dilemme une tranche entière de la population: celle des partisans du "non", ou d'une utilisation plus économe des référendums, qui verraient toutefois dans l'abstentionnisme un danger pour la démocratie.

Giulietta Gamberini
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