Sénégal : le nouveau président veut renégocier les contrats miniers et pétroliers, accusés de léser le pays

Le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, souhaite renégocier certains contrats miniers, pétroliers et gaziers, pour qu'ils bénéficient davantage aux populations locales. Une option cependant considérée comme « risquée » pour l'investissement et qui installerait une zone d'ombre dans le partenariat futur avec les compagnies, selon des acteurs du secteur.
Le président nouvellement élu au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye.
Le président nouvellement élu au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye. (Crédits : Luc Gnago)

Renégocier les contrats miniers, pétroliers et gaziers. C'est l'un des chantiers prioritaires du nouveau président, élu le 24 mars avec 54,28% des voix au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, qui a annoncé parmi ses premières mesures un « audit du secteur ».

En effet, le démarrage de l'exploitation des hydrocarbures est attendu cette année au Sénégal qui dispose aussi de mines d'or, de phosphates et de zircon. Les revenus combinés de deux des principaux gisements gaziers et pétroliers sont estimés à une moyenne annuelle de 700 milliards de francs CFA (soit plus d'un milliard d'euros) sur une période de trente ans, selon Petrosen, la société pétrolière publique sénégalaise.

Le pays ouest-africain, parmi les 25 les moins développés au monde, mise donc sur ces ressources pour faire un bond économique, mais les nouvelles autorités sénégalaises estiment que les contrats signés par l'ancien pouvoir, sont « très défavorables » au Sénégal. Une affirmation qui a toujours été démentie par l'ex-pouvoir et la plupart des experts du secteur qui considèrent cette option comme « risquée ». Le mentor du président, Ousmane Sonko, qu'il a nommé Premier ministre, s'en était même pris pendant la campagne à « certains intellectuels complexés (qui font) croire qu'il est impossible de renégocier » ces contrats.

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Craintes sur les renégociations

Entre la possibilité de renégocier les contrats ou non, deux visions s'affrontent. Dans un entretien accordé à Bloomberg le 19 mars, l'ex-président Macky Sall (2012-2024) a notamment estimé que les contrats « peuvent être améliorés mais franchement penser qu'on peut changer les contrats déjà signés avec les compagnies n'est pas possible. Ce serait désastreux pour le Sénégal ». Selon l'ex-pouvoir, jusqu'à 60% des revenus de la future exploitation du gaz et du pétrole irait à l'Etat sénégalais.

De son côté, le groupe australien Woodside Energy, qui opère dans le champ pétrolier de Sangomar (centre-ouest) affirme respecter « le droit des États à déterminer les cadres juridiques et réglementaires qui régissent l'exploitation du pétrole et du gaz », témoigne à l'AFP Christine Forster, une porte-parole.  Mais, selon elle, les meilleurs résultats sont avec les Etats « qui travaillent en partenariat avec l'industrie, respectent la sacralité des contrats et créent une certitude en matière d'investissement ».

Pour l'expert pétrolier Ibrahima Bachir Dramé, ancien responsable de Petrosen, « il n'existe pas de manière explicite des clauses qui prévoient des renégociations dans les contrats pétroliers » mais « des clauses qui réglementent les litiges éventuels ». Citant l'exemple du gisement de gaz naturel Grand tortue/Ahmeyim (GTA), à la frontière avec la Mauritanie, développé par le britannique BP avec l'américain Kosmos Energy, la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH) et Petrosen, dont le début d'exploitation est prévu d'ici la fin de l'année, il rappelle les limites de la renégociation : « il faut inéluctablement prendre en compte la partie mauritanienne », souligne-t-il.

Pour certains gisements moins avancés, comme celui du gazier de Yakaar-Teranga, la renégociation « est plus simple parce que c'est en phase de développement. Il n'y a pas encore eu de gros investissements », explique l'expert. Si renégociation il y a, elle doit être bien préparée pour éviter de fortes amendes, souligne-t-il, rappelant qu'en cas de litige, « les compagnies pétrolières font recours aux tribunaux internationaux ».

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L'exemple des pays d'Amérique latine

A l'inverse, l'économiste international et spécialiste de développement industriel Papa Demba Thiam assure que « la plupart des contrats miniers ou d'hydrocarbures sont renégociés » dans le monde, et cite l'exemple de la zone Amérique latine-Caraïbes où selon lui, « 40 à 92% des contrats » sont « renégociés sur une période allant de 1 à 8 ans » après leur signature.

« On brandit l'épouvantail des risques en disant que le pays qui le fait ne sera pas considéré comme sûr et ça va faire fuir les investisseurs. C'est une forme de chantage politique et moral sur les pays sous-développés », estime-t-il.

Au Sénégal, la Constitution déclare que « les ressources naturelles appartiennent au peuple et doivent lui profiter ». Depuis 2021, avec le covid et la guerre en Ukraine, « toutes les conditions sont réunies pour justifier une renégociation de ces contrats », ajoute Papa Demba Thiam.

Interrogée, une source au Fonds monétaire international (FMI) a assuré à l'AFP que les autorités sénégalaises l'ont assuré que le pays allait « respecter ses engagements internationaux ». « Elles veulent s'assurer que les contrats signés sont conformes aux codes miniers et pétroliers. On ne prend pas ça comme une chasse aux sorcières ».

L'homme de la « rupture »

Le président Faye se présente comme l'homme de la « rupture », du rétablissement d'une « souveraineté » nationale bradée selon lui à l'étranger, et d'un « panafricanisme de gauche ». Il s'engage « à gouverner avec humilité, dans la transparence, à combattre la corruption » à tous les niveaux, a-t-il déclaré fin mars lors de sa première apparition publique depuis l'élection. Il a énoncé « la réconciliation nationale », la « refondation » des institutions et « l'allègement sensible du coût de la vie » comme ses « chantiers prioritaires ».

Mais il s'est aussi employé à rassurer les partenaires étrangers qui ont suivi attentivement l'élection. Le Sénégal « restera le pays ami et l'allié sûr et fiable de tout partenaire qui s'engagera avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive », a-t-il déclaré.

Commentaires 19
à écrit le 29/04/2024 à 14:29
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Il suffit de voir comment les USA respectent les contrats et les investissements étrangers, et pas seulement au niveau légal (crises internet, crise des supbrimes, rupture des accords de Bretton wodds, guerre du soja dans les années 70), pour se conv...

à écrit le 24/04/2024 à 11:29
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Il faut informnler juste et vrai. Si le senegal beneficiait de 60% des revenus de son petrole, il n y aurait aucune necessité ou justification de vouloir revoir ces contrats. Il faut pas se fier de la parole de corrompus pour orienter le debat.

à écrit le 23/04/2024 à 22:31
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Le Sénégal ne fait pas partie des 25 pays les plus pauvres du monde ,faut revoir vos copies quand même !

à écrit le 23/04/2024 à 12:14
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En deux mots le nouveau président sénégalais s est couché, beaucoup d espoirs seront déçus !!!! La où les souverainetés des dettes où des énergies devraient être la priorité pas uniquement au Sénégal, mais aussi en France, sans souveraineté totale, l...

à écrit le 23/04/2024 à 11:41
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Bonjour il nais jamais trop tard pour bien faire tout les pays africains Caraïbes et qui ont une population noir majoritairement doit décider de sa souveraineté et pas par quelqu'un d'autre ci non c'est de l'exploitation modernes désolé c'est la réal...

à écrit le 23/04/2024 à 7:28
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Le discours sur les prétendus pillages de l’Afrique, et uniquement par la France et l’Occident, on le connaît trop bien. C’est un discours d’irresponsabilité. Je réponds : il y a des tribunaux internationaux, vous ne pouvez pas accuser ainsi sans l...

le 24/04/2024 à 15:47
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poser la question, c'est déjà savoir la réponse...

à écrit le 23/04/2024 à 6:52
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Bonjour, non ils veux juste une partie plus grosse des richesses de sont pays... histoire de pouvoir acheté des châteaux et autres... D'ailleurs les retro concession ons connaît bien le principes.. Bien sur ils ne faut pas le dire...

à écrit le 22/04/2024 à 20:35
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Il faut laisser produire ce champ 1 ou 2 ans pour savoir ce qu’il a dans le ventre. Ce sera le moment de renégocier avec des réserves mieux connues. Sinon il y a un risque de voir d’entrée les investissements minimisés.

à écrit le 22/04/2024 à 20:12
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Ce monsieur a bien raison ,l 'Occident ne vit que de pillages !

le 22/04/2024 à 22:02
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Grandhi : De nombreuses mines sont aujourd'hui exploitées par les russes et les chinois au Mali ,Niger, Burkina , RDC , Somalie , ce ne sont plus les occidentaux .Et vous pouvez aussi allez voir les voitures de grand luxe qui stationnent dans les ga...

le 23/04/2024 à 6:54
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Quel surprise...

à écrit le 22/04/2024 à 18:31
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🙄🙄🙄🙄 houaiiii nous allons voir , pour l'instant je n'y crois pas, il fera comme les autres chefs d'état africain ,

à écrit le 22/04/2024 à 17:49
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c'est un faux pb, de nombreuses boites laissent en local 50%, alors que l'etat est desargente et ne dispose pas des competences, c'est cense pallier a ca.....bon, apres ca tombe dans une poche ou une autre, c'est un autre pb....donc coincer le kiki d...

à écrit le 22/04/2024 à 11:39
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C'est terminé la fête ! pour le coup que disait bruno lemaire ! plus rien de gratuit ! ben voila !!! c'est la fin de laFrance Afrique, du coup cela se voit car le sénégal est un gros pays ! et puis lorsque macky sall a enfermé ses opposants, y compri...

le 22/04/2024 à 13:31
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Euhhh.. apparemment, vous n'avez pas lu l'article et surtout, vous vous trompez de cible. L'article parle de l'exploitation des matières premières et dans l'article, il s'agit d'une entreprise australienne pour l'exploitation du petrole ! Qu'il y ait...

le 22/04/2024 à 13:59
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@Jason bourne, l'agent secret qui devrait avoir étcouté en anglais le discours du nouveau président ! il ne fait pas de doute que c'est la fi de la fête, et historiquement savoir que ce fut le pays clef pour la prédation des autres états ! En ce mom...

le 22/04/2024 à 14:00
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Justement, TotalEnergies n'est pas présent au Sénégal. Ce sera peut-être l'occasion d'y mettre un bout d'orteil. Mais bon, ça reste peanuts à côté de l'Angola ou du Mozambique.

le 22/04/2024 à 18:35
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Où voyez vous des sociétés françaises d'exploitation d'hydrocarbures dans l'article ? Faut arrêter avec les obsessions anti France ça devient ridicule

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