Syrie : "Les Américains ont renoncé à assurer la sécurité collective" (Jean-Yves Le Drian)

Jean-Yves Le Drian s'est montré très sévère sur l'attitude des Etats-Unis face à l'offensive turque au Nord-Est syrien. Dur mais juste...
Michel Cabirol
Le président Trump et le président Erdogan portent la responsabilité de ce qui est in fine une victoire des parrains d'Astana : Turcs, Russes et Iraniens, amenés à se partager le Nord-Est selon une forme qui reste à déterminer, a fait observer le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
"Le président Trump et le président Erdogan portent la responsabilité de ce qui est in fine une victoire des parrains d'Astana : Turcs, Russes et Iraniens, amenés à se partager le Nord-Est selon une forme qui reste à déterminer", a fait observer le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. (Crédits : HUSEYIN ALDEMIR)

Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jean-Yves Le Drian a tenu, la semaine dernière lors de son audition au Sénat, des propos peu diplomatiques vis-à-vis des États-Unis sur son attitude face à l'offensive turque au Kurdistan. "J'ai vécu, dans des fonctions différentes, deux renoncements américains, le 31 août 2013 [renoncement à un bombardement du régime syrien après une attaque chimique massive dans la banlieue de Damas, ndlr] et le 13 octobre 2019. À deux reprises, les Américains ont renoncé à assurer la sécurité collective. Cela pose la question du lien transatlantique", a jugé le ministre des Affaires étrangères. Cette offensive turque met la sécurité de la France et de l'Europe en jeu, a-t-il rappelé.

"Concernant le manque d'anticipation par les Européens et la France de cette évolution, il faut avoir conscience que nous avions reçu des assurances des États-Unis. Il y a eu un revirement soudain qu'il était difficile d'anticiper", a souligné Jean-Yves le Drian, qui était interrogé sur le manque d'anticipation de l'Europe .

Que s'est-il exactement passé ? Selon Jean-Yves Le Drian, le président Erdogan a averti au cours d'un entretien téléphonique le 6 octobre, le président Trump de ce qu'il comptait faire, à savoir engager une offensive dans le Nord-Est syrien. Le président turque lui a demandé son soutien. "Le président américain a indiqué qu'il n'approuvait pas cette offensive, mais qu'il ne s'opposerait pas à ses plans et, le lendemain, il a ordonné à une cinquantaine de soldats présents sur la zone de se retirer, laissant l'opportunité aux forces turques d'entrer sur le territoire syrien, trois jours plus tard, le 9 octobre, et de le faire sans prendre le risque de menacer la sécurité de soldats américains. C'est ainsi que l'offensive a commencé", a raconté le ministre des Affaires étrangères.

"Les États-Unis servent-ils encore à quelque chose ? On a vu leur inaction suite à l'attaque en Arabie Saoudite le 14 septembre. Le retrait des forces américaines de Syrie est un cadeau fait à la Russie et à l'Iran, et cela envoie un message très inquiétant aux Saoudiens ou aux Israéliens", a analysé le sénateur de l'Eure, Ladislas Poniatowski (Les Républicains).

Retrait des Américains

Par la suite, l'avancée des forces turques a conduit au retrait, par les Américains, de certains avant-postes les 11 et 12 octobre. Le 12 au soir, les forces démocratiques syriennes (FDS) ont dit aux Américains qu'ils devaient "choisir entre une action permettant d'empêcher les actions aériennes de la Turquie ou un retrait, afin de permettre au régime et à la Russie de s'interposer entre les FDS et les forces turques". "Le président Trump a choisi le retrait, et cette décision a été annoncée, sans aucune coordination avec la coalition dimanche [le 13 octobre, ndlr] à la télévision américaine par le ministre de la défense américain. Voilà la réalité de ce qui s'est passé", a poursuivi Jean-Yves Le Drian. .

"Pour ma part, j'ai eu mon collègue Pompeo vendredi soir [11 octobre, ndlr] au téléphone, avant ce second train de décisions : la logique était alors de tout faire pour enrayer la progression turque et mettre en oeuvre des mesures très fortes afin d'éviter que l'offensive ne se poursuive ; le lendemain, la position inverse était retenue", a expliqué le ministre.

La conséquence logique de la décision américaine de retrait, "c'est le retour du régime syrien et de la Russie dans le Nord-Est syrien". Les modalités de ce retour sont en train de se dessiner. "Le président Trump et le président Erdogan portent la responsabilité de ce qui est, in fine, une victoire des parrains d'Astana : Turcs, Russes et Iraniens, amenés à se partager le Nord-Est selon une forme qui reste à déterminer", a fait observer Jean-Yves Le Drian. "C'est évidemment un tournant majeur dans le conflit syrien, et il conviendra d'en apprécier les conséquences, y compris sur le plan politique", a-t-il conclu. Ce qui pose "la question du lien transatlantique", a estimé le ministre.

"Les États-Unis adressent des signaux contradictoires. À l'inaction après l'attaque des raffineries de l'Aramco a suivi la décision d'envoyer 3.000 soldats américains en Arabie saoudite. Il est certain qu'il va falloir réfléchir à la relation transatlantique. Il faudra aussi que les Russes assument leur responsabilité dans la situation", a estimé Jean-Yves Le Drian.

Michel Cabirol
Commentaires 21
à écrit le 23/10/2019 à 13:53
Signaler
Mr Le Drian fait un constat réaliste. Enfin bon, l'Europe s'est positionnée comme un vassal militaire des USA depuis la guerre froide. Pendant la guerre froide, c'était une attitude compréhensible puisque l'Europe n'avait pas les moyens de résister à...

à écrit le 23/10/2019 à 10:06
Signaler
Si je ne peux pas me passer du trollage du peine à penser vous virez mon commentaire de base vous ne l'instrumentalisez pas. Sinon je vois que vous avez du temps à perdre, c'est bien ça fait plaisir de voir qu'il n'y a pas que des boulots d'explo...

à écrit le 23/10/2019 à 9:55
Signaler
Le fait que les USA ne jouent plus aux gendarmes du monde est une bonne nouvelle parce que ça fera du bien aux USA et ça responsabilisera les autres. Le soutien aux saoudiens et à Al Qaida contre les sovietiques, les guerre en Irak et l'Afghanistan d...

à écrit le 23/10/2019 à 5:43
Signaler
Et si cela était simplement une victoire du camp du Bien ? à force d'être à la remorque des US (lisez les rapports de nos officers supérieurs détachés là-bas, c'est éclairant) on finit par s'imaginer qu'ils sont une sorte de grand frère, qui viendra ...

à écrit le 23/10/2019 à 2:02
Signaler
Je vous signale encore une fois, Trump est un anti guerre et sait très bien qu-en cas d-une nouvelle escalade de la guerre va fortement affaiblir la première puissance mondiale et que d-autres défis l-attendent *la Chine et la Russie*. Déjà qu' ils s...

à écrit le 22/10/2019 à 15:09
Signaler
Poutine se tord de rire !!!

à écrit le 22/10/2019 à 14:28
Signaler
Trump se soucie du peuple (rapatriement des usines délocalisées) et des soldats (pas de mise en danger inutile). L'histoire montre que les interventions pseudo-humanitaires des "bien pensants" (qui ne risquent pas leur propre vie) se révèlent pires ...

à écrit le 22/10/2019 à 13:41
Signaler
"a fait observer le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian." Heu... c'est pas lui sur la photo ! Ni TRump ni Erdogan non plus, je prends de l'avance... :-)

le 22/10/2019 à 13:57
Signaler
Vos commentaires éclairés sont une source quotidienne de divertissement. Merci pour ce moment.

le 22/10/2019 à 15:17
Signaler
je sais bien que c'est volontairement voyant et grotesque mais que ce soit dans un sens ou l'autre je refuse toute instrumentalisation de mon commentaire donc soit vous diffusez ma réponse au multipseudos soit vous supprimez mon commentaire de base. ...

à écrit le 22/10/2019 à 12:20
Signaler
Quelle différence avec l'abandon des Cambodgiens face aux Khmers rouges, ou celle des Vietnamiens livrés aux VietCong ? La liste des alliés abandonnés par les USA est longue et n'a pas fini de s'allonger. Il serait temps d'en prendre acte, aussi bie...

à écrit le 22/10/2019 à 12:16
Signaler
Si elle a renoncé a la sécurité collective, elle renonce aussi a sa stratégie du chaos dans les zones qu'elle ne peut contrôler!

à écrit le 22/10/2019 à 11:50
Signaler
"Les États-Unis servent-ils encore à quelque chose ?""les Américains ont renoncé à assurer la sécurité collective". Transposé à la République cela donne : l'Etat sert-il encore à quelque chose? L'Etat a renoncé à assurer la sécurité collective. Sauf ...

à écrit le 22/10/2019 à 11:44
Signaler
Rien de neuf sous le soleil concernant la "fiabilité" et les "assurances" des Etats-Unis d'Amérique. A commencer par le refus de la part du sénat américain de ratifier le traité de Versailles en 1920. Les USA n'ont pas d'alliés, ils ont des vassaux, ...

à écrit le 22/10/2019 à 10:40
Signaler
Jean-Yves Le Drian se propose-t-il de déclarer la guerre à la Turquie?

le 22/10/2019 à 10:53
Signaler
toujours en donneur de leçon et en paroles

le 22/10/2019 à 13:45
Signaler
Simpliste votre raisonnement

à écrit le 22/10/2019 à 10:04
Signaler
"il faut avoir conscience que nous avions reçu des assurances des Etats-Unis" ...comme les kurdes donc? N'est ce pas justement le rôle de la diplomatie d'estimer la parole des uns et des autres? De ne pas se contenter d'un alignement aussi automat...

à écrit le 22/10/2019 à 9:48
Signaler
Quels succès de nos politiques militaires ces dernières années nous permettent-ils d'avoir des certitudes sur ces questions? Intransigeance en ce qui concerne nos territoires (faire respecter nos frontières européennes notamment), et pour le reste...

à écrit le 22/10/2019 à 7:40
Signaler
Turcs, Russes et Iraniens, amenés à se partager le Nord-Est selon une forme qui reste à déterminer... que raconte-t-il comme bêtise celui là, ils rendront simplement les territoires ou ils se trouvent aux Syriens, lorsque ceux (américains, français.....

le 22/10/2019 à 13:47
Signaler
@st Thomas: vous êtes un bisounours vous, c'est bien c'est rafraichissant.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.