Un incident pour le moins inhabituel. Le ministère taïwanais de la Défense a affirmé ce vendredi qu'un ballon chinois avait franchi ce jeudi la ligne médiane du détroit de Taïwan qui sépare l'île de la Chine continentale. « Un ballon de la RPC (République populaire de Chine) a été détecté à 11H52 (2h55 heure de Paris) hier (jeudi) après avoir franchi la ligne médiane du détroit de Taïwan à 101 miles nautiques (187 km) au sud-ouest de Keelung », une ville située dans le nord de l'île, a indiqué précisément le ministère de la Défense. « Le ballon s'est dirigé vers l'Est et a disparu à 12h55 (03h55 heure de Paris) », a-t-il ajouté.
Pour le moment, les autorités pensent qu'il s'agirait d'un ballon sonde ou d'un ballon météorologique « qui a dévié vers Taïwan en raison des vents de mousson », a déclaré ce vendredi le ministre taïwanais de la Défense Chiu Kuo-cheng. Selon un rapport publié ce vendredi matin, 27 avions ont par ailleurs franchi la ligne dans les 24 heures précédant vendredi 6 heures (21h heure de Paris). Mais si des avions et navires de guerre chinois sont régulièrement détectés autour de l'île par les autorités taïwanaises, la présence d'un ballon chinois reste inhabituelle.
Bis repetita
Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'un tel épisode se produit. Des ballons météorologiques chinois, qui ne représentaient pas « une menace militaire », ont déjà survolé le territoire taïwanais, souligne l'analyste Su Tzu-yun de l'Institut de recherche sur la défense et la sécurité nationale de Taïwan. Taïwan avait en effet repéré un ballon flottant dans son espace aérien, une semaine après avoir découvert les débris d'un engin soupçonné d'être un ballon météorologique chinois. L'armée taïwanaise avait alors annoncé sa décision de renforcer les patrouilles de surveillance de ses installations militaires dans un contexte de menaces croissantes de Pékin à l'égard de l'île. Mais celui détecté jeudi pourrait toutefois « être un test délibéré », avertit l'analyste. « Au-delà des objectifs météorologiques, il pourrait également s'agir d'un essai délibéré (...) ou d'un signal politique ».
Et cet incident ranime le spectre de l'affaire du ballon chinois aux Etats-Unis. Le pays de l'Oncle Sam avait déjà abattu le 4 février un ballon chinois doté, selon eux, de capacités d'espionnage et qui flottait à haute altitude. La Chine avait démenti et affirmé qu'il s'agissait d'un aéronef civil utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques. Les relations diplomatiques entre Washington et Pékin avaient alors viré à l'aigre suite à cet incident. D'autant plus que dans les jours qui ont suivi, trois « objets » avaient également été abattus dans le nord des Etats-Unis et au Canada, sur ordre du président américain Joe Biden. La Maison Blanche a reconnu le 14 février qu'il s'agissait cette fois peut-être bien de « ballons avec des fonctions commerciales ou scientifiques inoffensives ».
« Harcèlement militaire continu de Pékin »
Cet incident intervient dans un contexte où les relations entre la Chine et Taïwan n'ont jamais été aussi tendues. Pékin considère Taïwan comme une province qu'il n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Et à ce titre, le pouvoir chinois ne reconnaît pas le détroit de Taïwan comme faisant partie des eaux internationales. Pékin a intensifié ses menaces et les pressions politiques et économiques sur Taïwan depuis l'arrivée au pouvoir en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen.
Les autorités taïwanaises font état d'incursions quasi-quotidiennes d'appareils de l'armée chinoise, qui a mené l'an passé d'importantes manœuvres militaires autour de l'île. En septembre, la Chine a envoyé 103 avions autour de Taïwan en l'espace de 24 heures, ce que Taipei a qualifié de « record récent ». Le ministère taïwanais avait alors mis en garde contre « ce harcèlement militaire continu de Pékin » susceptible de « conduire facilement à une forte escalade des tensions et menacer la sécurité régionale ».
Mi-novembre, le président chinois avait même affirmé à Joe Biden, lors de la rencontre des deux présidents en marge du sommet des pays de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Apec), qu'une réunification de l'île autonome, qui a le soutien militaire des Etats-Unis, était « inévitable ». Des menaces balayées par la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, lors d'une interview diffusée fin novembre à la conférence DealBook Summit de New York. Selon elle, la Chine ne devrait pas procéder à une invasion de Taïwan à court terme en raison des défis intérieurs auxquels Pékin est confronté.
(Avec AFP)