Le président tient (enfin) sa promesse. Réélu fin mai, Recep Tayyip Erdogan avait déclaré vouloir faire de la lutte contre l'inflation sa priorité afin que celle-ci redescende. C'est désormais le cas. En juin, elle a ralenti à 38,2% sur un an, selon les données officielles publiées ce mercredi, et atteint ainsi son plus bas niveau depuis 8 mois. Sur un mois, la hausse des prix à la consommation s'élève à 3,9%.
Toutefois, ces chiffres sont contestés par les économistes indépendants du Groupe de recherche sur l'inflation (Enag) qui estiment que la hausse des prix de la consommation s'élève à 108,6% sur la dernière année.
Néanmoins, selon les données officielles, la hausse des prix se poursuit en Turquie depuis novembre. Elle était, en effet, passée sous la barre des 40% en mai pour la première fois depuis décembre 2021 après avoir dépassé les 85% à l'automne.
Effet de base et gratuité du gaz
Un tassement qui peut d'une part s'expliquer par un « effet de base ». En effet, les prix ont continué à augmenter mois après mois, mais moins fortement qu'un an plus tôt.
D'autre part, cette baisse de l'inflation peut être attribuée à l'une des mesures de campagne de Recep Tayyip Erdogan qui avait annoncé la gratuité du gaz pour les ménages en mai et qui continueront de bénéficier de 25 mètres cubes de gaz gratuits par mois jusqu'en mai 2024.
Fin de la politique « non-conventionnelle » d'Erdogan
Contestant les principes économiques classiques et à rebours de la majorité des politiques monétaires actuelles, Recep Tayyip Erdogan n'a eu de cesse d'affirmer que les taux d'intérêt élevés alimentent l'inflation. Entre août et février, le principal taux directeur a ainsi été ramené de 14% à 8,5%. Des baisses justifiées par la banque centrale par le souci de soutenir « l'emploi et la production industrielle ».
Pourtant, le chef de l'Etat semble avoir fait évoluer ses positions. En témoigne la nomination en mai dernier d'une nouvelle gouverneure à la tête de la Banque centrale turque : Hafize Gaye Erkan. Cette ancienne cadre de chez Goldman Sachs défend un retour à une orthodoxie financière avec un durcissement de la politique monétaire turque et une remontée des taux directeurs. Le président Erdogan a également désigné Mehmet Simsek comme nouveau ministre de l'Économie. Celui-ci milite lui aussi pour un retour à l'orthodoxie. Dans ses premiers mots après sa prise de fonctions, le ministre, proche des milieux d'affaires, s'est dit partisan de « mesures rationnelles » pour redresser l'économie turque.
Pour tenter d'endiguer l'inflation, la Banque centrale turque a donc relevé fin juin son taux directeur de 8,5% à 15%, abandonnant pour la première fois en deux ans les mesures économiques non-conventionnelles défendues par le président Erdogan. Une décision visant à « un resserrement monétaire afin d'établir au plus tôt le cours de la désinflation », a indiqué l'institution monétaire, ajoutant que « le resserrement monétaire sera renforcé autant que nécessaire, de manière opportune et progressive jusqu'à ce qu'une amélioration significative des perspectives d'inflation soit obtenue ».
Pour autant, l'embellie permise par le changement de politique monétaire pourrait être de courte durée. En effet, les analystes s'attendent à un possible rebond de l'inflation en juillet sous l'effet de la chute de la livre turque, qui a perdu 23% de sa valeur face au dollar depuis fin mai. La devise nationale a, en effet, largement souffert des taux bas. En cinq ans, elle a subi une dépréciation de 80%.
(avec AFP)