Face à la hausse des prix, le gouvernement veut frapper vite et fort. Voilà plusieurs semaines que Bercy planche sur sa grande loi anti-inflation, destinée à protéger le pouvoir d'achat des Français. Un texte très politique qu'il promet même d'adopter en conseil des ministres avant les élections législatives pour une adoption au tout début de l'été. Alors que l'inflation promet de dépasser les 5%, surtout, il entend n'oublier personne. Aussi, les mesures s'ajoutent, souvent à coups de milliards d'euros. L'addition promet d'être salée.
Des mesures pour n'oublier personne
Ainsi, concernant la facture énergétique, le gouvernement a d'ores et déjà promis de prolonger jusqu'à la fin de l'année, le bouclier tarifaire sur le gaz qui devait initialement prendre fin en juin. Tout dépendra du montant du prix du gaz, mais il faut s'attendre pour ces six mois supplémentaires, à une facture de plus de 6 milliards d'euros. Idem pour le plafonnement de l'électricité. Le manque à gagner pour EDF était estimé par l'entreprise à plus de 8 milliards d'euros pour le premier bouclier... pour la prolongation d'un semestre, il n'y a pas de raisons que ce soit moins...
Par ailleurs, l'exécutif souhaite continuer à aider les automobilistes en prolongeant au-delà du 31 juillet, la ristourne de 18 centimes d'euros sur chaque litre de carburant. Il n'a pas précisé combien de temps la mesure sera maintenue, mais pour 4 mois, le dispositif coûte déjà plus de 3 milliards d'euros.
Dans ce texte de loi, il y aura également un volet pour aider les Français les plus modestes à faire leurs courses. Ainsi, un chèque alimentation devrait voir le jour. Le montant de cette promesse présidentielle n'a pas été encore dévoilé, ni le nombre de bénéficiaires, mais il faut s'attendre là aussi à quelques milliards d'euros.
Par ailleurs, la loi prévoit la suppression de la redevance télé pour 23 millions de foyers. Soit plus de 3 milliards d'euros en moins pour les caisses de l'Etat.
S'y ajouteront également les réindexations des pensions de retraites dès le mois de juillet, pour protéger le revenu des retraités. Là aussi, l'arbitrage n'a pas été totalement acte en terme de curseur - est-ce que ce sera sur 4,5 % sur 5 % ?- mais selon les experts, un point de réindexation des pensions équivaut à 2,5 milliards d'euros de plus pour les finances publiques.
Pour les bénéficiaires des minima sociaux, - RSA, AAH, etc- un geste est prévu dès cet été... Une indexation exceptionnelle qui devrait dépasser le milliard d'euros.
Sont au programme également, des dispositifs pour inciter les entreprises à augmenter les salaires, et notamment à utiliser la prime Macron défiscalisée et exempte de cotisations... soit un manque à gagner en terme de ressources fiscales important....
Sans oublier des aides ciblées pour les entreprises grosses consommatrices d'énergies intensives, comme les aciéries, les sites chimiques etc., etc.
Une facture en dizaine de milliards d'euros
Sans être toutefois complètement arrêtée, la liste est déjà longue. Et promet d'être coûteuse pour l'Etat. "Impossible de faire un chiffrage total précis, car tous les arbitrages ne sont pas rendus", reconnait un conseiller à Bercy, "mais ça se comptera en dizaines de milliards d'euros".
Depuis l'automne, le gouvernement a déjà dépensé plus de 26 milliards d'euros pour aider les Français à faire face à la hausse des prix. "Il est possible de rester voire de dépasser ces montants", confie cette même source.
Mais la majorité l'assume. Laurent Saint Martin, le rapporteur du Budget, l'assure à la Tribune : "C'est notre parti-pris : protéger plutôt que réparer". Et d'expliquer : "comme pour la crise Covid, on accepte de creuser un peu la courbe du déficit pour aider les Français à passer ce moment difficile et faire en sorte que ces effets inflationnistes n'abiment pas notre économie, notre consommation, notre production". Certains y verront le retour d'une forme de "quoi qu'il en coûte"...
Un déficit qui sera au-delà des 5% prévus
Une chose est sûre : la prévision de déficit inscrite dans le projet de loi de Finances - 5% - sera dépassée.
Le gouvernement espère en revanche retrouver des marges de manœuvres budgétaires dès l'an prochain, grâce à une conjoncture macro-économique plus favorable. Alors qu'il s'engage à ne pas augmenter les impôts sur le quinquennat, ni à creuser la dette - qui atteint déjà plus de 113 % de notre PIB, dans un contexte où les taux d'intérêts remontent - il compte bien sur sa réforme des retraites pour engranger des milliards d'euros rapidement.
C'est ce qu'il espère expliquer aux Français. En d'autres termes, travailler plus longtemps, pour être mieux protégés contre l'inflation. Le pari semble risqué étant donné les difficultés à faire accepter cette réforme sensible. Une majorité des Français sont contre le passage de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, et tous les syndicats, y compris la CFDT, ont déjà exprimé leur opposition à cette réforme.