Inflation, pouvoir d'achat, salaires...les dossiers brûlants qui attendent le nouveau gouvernement Borne

La hausse du coût de la vie pour les Français et le recul des salaires pour de nombreuses catégories dans le contexte de l'inflation galopante va obliger le nouveau gouvernement qui va être dévoilé ce vendredi à agir très rapidement s'il ne veut pas devoir affronter une fronde sociale. Derrière les mesures de pouvoir d'achat, la question des salaires devient particulièrement délicate. Explications.
Grégoire Normand
Elisabeth Borne arrive à Matignon dans un contexte économique morose.
Elisabeth Borne arrive à Matignon dans un contexte économique morose. (Crédits : Reuters)

En mai 2017, Edouard Philippe prenait les commandes de Matignon dans un contexte économique favorable. La croissance du PIB accélérait, les investissements des entreprises rebondissaient et les dépenses des ménages s'amplifiaient. Cinq après, Elisabeth Borne prend le relais de Jean Castex dans une conjoncture beaucoup plus morose. L'entrée en guerre de la Russie à la fin du mois de février et la flambée des prix partout en Europe compliquent amplement l'équation de l'exécutif. Entre le gros coup de frein de la croissance, les pénuries et les difficultés d'approvisionnement, la nouvelle Première ministre va devoir affronter de gros vents contraires.

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La Banque centrale européenne a déjà commencé à resserrer sa politique monétaire en mettant fin à son programme d'achat d'urgence face à la pandémie et en annonçant une hausse des taux à l'été. Surtout, la multiplication des phénomènes climatiques (sécheresse, inondations) va obliger la nouvelle cheffe du gouvernement à accélérer la transition écologique en investissant des milliards d'euros dans l'économie bas carbone, tout en limitant l'impact sur les ménages les plus fragiles.

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L'inflation pèse sur l'offre

Le premier défi du nouveau gouvernement va être de limiter les répercussions de la hausse des coûts pour les entreprises. La poussée de fièvre des prix, entamée au moment de la reprise économique l'année dernière, se poursuit. Après avoir atteint un creux en 2020, l'indice des prix à la consommation n'a cessé d'accélérer en France. Elle pourrait atteindre plus de 5% au mois de juin, selon le dernier point de conjoncture de l'Insee. Quant à l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire sans les prix les plus volatils, elle est également en hausse de 3,5%.

Même si le bouclier tarifaire a permis de limiter la répercussion de cette inflation galopante, les entreprises subissent les hausses des prix en particulier dans l'industrie.

"Il y a encore une dichotomie entre les services et l'industrie. Pour l'instant, les hausses de prix passent encore. Il n'y a pas d'effondrement des marges", explique à La Tribune Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste du cabinet BDO et enseignante à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Après les deux longues années de pandémie, le secteur industriel pourrait payer un lourd tribut si le conflit en Ukraine dure. Beaucoup de secteurs dans l'appareil productif sont très loin d'avoir retrouvé leur niveau d'activité d'avant crise.

"En France, très peu de secteurs sont épargnés par ces hausses. Parmi les secteurs les plus touchés figurent la construction, le transport et la logistique ou encore le commerce automobile" a détaillé récemment Maxime Lemerle, directeur de la recherche sectorielle chez Allianz interrogé par La Tribune.

Entre la hausse des coûts, les pénuries, la baisse de l'activité et les pagailles en chaîne sur les sources d'approvisionnement, le géant de l'assurance-crédit Allianz table sur une hausse des faillites en 2022 et 2023.  "Par taille d'entreprise, ce sont surtout les TPE qui enregistrent la plus forte hausse (+10%) de faillites", précise Maxime Lemerle.

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Une demande en berne au premier trimestre

Le second défi du nouvel exécutif va être de soutenir la demande des ménages. Après un fort rebond des moteurs de la consommation et de l'investissement en 2021, la croissance économique a fait du surplace au premier trimestre 2022. Et les chiffres du second trimestre pourraient être décevants selon les dernières prévisions de la banque de France et de l'Insee. Les économistes de l'institut public tablent sur un recul du pouvoir d'achat des Français au cours du premier semestre.

Les ménages les plus dépendants de la voiture et les plus modestes sont en première ligne face à l'augmentation des prix des carburants et des prix de l'alimentaire. Résultat, la consommation des ménages, traditionnel moteur de l'économie tricolore, pourrait encore baisser dans les mois à venir.

Salaires en baisse et risque de grogne sociale

Les salaires ont baissé dans toutes les catégories professionnelles entre janvier et mars. Les derniers chiffres de la direction statistique du ministère du Travail (Dares) dévoilés le 13 mai dernier montrent que les salaires en euros constants (les salaires réels), c'est à dire en prenant en compte l'inflation, ont reculé respectivement de 2% pour les employés, de 2,2% pour les ouvriers, de 2,7% pour les professions intermédiaires et de 2,7% pour les cadres. Pour rappel, si le SMIC est resté indexé sur l'inflation, ce n'est plus le cas pour les autres salaires en France.

Cela signifie qu'une grande partie de la population active a déjà commencé à voir ses revenus issus du travail fondre. Cette situation pourrait rapidement alimenter la grogne sociale chez les catégories modestes et les classes moyennes.

"Il y a un impact sur la demande. La hausse des prix va continuer. Les ménages peuvent commencer à faire des choix sur les dépenses même si pour l'instant c'est embryonnaire [...] Si cette demande se tarit, il y aura un impact au niveau du second trimestre et sur le reste de l'année", poursuit Anne-Sophie Alsif.

Inflation Banque de France

Évolution des salaires négociés, du SMIC et de l'inflation entre 2006 et 2022 (glissement annuel en %. Source : Banque de France).

Un paquet pouvoir d'achat en préparation

A peine arrivée à Matignon, Elisabeth Borne va devoir bientôt présenter un budget rectificatif qui doit inclure un paquet pouvoir d'achat, au lendemain des élections législatives. Elle aura besoin d'une majorité à l'Assemblée pour pouvoir voter ce texte avant de présenter le nouveau projet de loi de finances pour 2023, à la rentrée, en septembre. Cette nouvelle enveloppe pourrait être insuffisante, si le conflit se prolonge aux portes de l'Union européenne ou s'étend à d'autres régions.

"Le paquet pouvoir d'achat est une rustine, juge Anne-Sophie Alsif. Du point de vue économique, c'est inefficient. Le gouvernement doit absolument prendre en compte l'aspect social. L'enjeu est de donner plus à ceux qui ont moins. Les premières mesures comme la ristourne de 18 centimes d'euros sans distinction a contribué à financer l'énergie fossile", ajoute-t-elle.

A l'heure actuelle, le nouvel exécutif planche notamment sur un chèque alimentaire et une prime pour les gros rouleurs. "Le problème est que les marchés des matières premières alimentaires sont très volatils", poursuit l'économiste. L'été pourrait être particulièrement brûlant pour le nouveau gouvernement.

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Grégoire Normand
Commentaires 9
à écrit le 20/05/2022 à 16:02
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il ne faut plus pleurer sur la France et les français .La majoité n'a que ce qu'elle mérite/ Point barre . Une société de classe et de caste dirigé par l'argent et les lobbys . Dite au revoir au social, à l'éducation, au système de santé, à l'armé...

à écrit le 20/05/2022 à 10:48
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En vertu du principe que nécessité fait loi, de gré ou de force nous allons bien être obligé de nous adapter aux nouvelles conditions économiques. Le Vieux Monde est mort en Ukraine, sur les divers autels de la guerre, du climat, des pandémie...

à écrit le 20/05/2022 à 10:33
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Je pensais qu'elle allait parler d'industries, de balance commerciale, de la paix en Europe, des frontières et des moyens de réduire cette dette..

à écrit le 20/05/2022 à 10:14
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"Elle" se moque de "la fronde sociale" parce que cela signifie, aux yeux de Bruxelles, que les ordres sont appliqués!

à écrit le 20/05/2022 à 9:56
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Sans amélioration de notre compétitivité et de notre balance commerciale la perte de pouvoir d'achat est un faux problème. Les français vivent collectivement au dessus de leurs moyens par rapport à leurs voisins et donc leur pouvoir d'achat est plus ...

le 20/05/2022 à 10:18
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Ne vous inquiétez pas, la sobriété écologique va remettre les pendules a l'heure par une minimisation de la politique de l'offre!

à écrit le 20/05/2022 à 9:23
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L'inflation est due en grande partie à des facteurs externes, il n'y a pas grand chose à faire. Bien sûr ce serait mieux si la France essayait de devenir un pays hyper compétitif, mais on en est loin (trop de règlements, de charges, ...). Donc ...

à écrit le 20/05/2022 à 9:20
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Inflation? C’est la BCE qui est en charge d’assurer une certaine stabilité des prix! Pouvoir d’achat? Faire des chèques sans provision qui ré-alimentent l’inflation? Aucun de ces problèmes n’est à la charge du gouvernement et c’est heureux (si l’on n...

le 20/05/2022 à 9:38
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On ne suis pas forcément les usa mais la démocratie … quel pays démocratique peut accepter l agression russe préparée depuis une dizaine d années, le. Bafouement des accords de Budapest , les milliers de morts viols pillages ? Ça compte pour rien se...

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