Allemagne : la croissance sera (encore) moins bonne que prévu en 2024, la récession menace toujours

Alors que les instituts de conjoncture allemands prévoyaient, encore à l'automne, une croissance de 1,3% en 2024, celle-ci ne devrait finalement être que de 0,1%, selon la dernière estimation des instituts publiée ce mercredi.
La question de l'intensité du soutien public que doit mettre en place l'exécutif divise.
La question de l'intensité du soutien public que doit mettre en place l'exécutif divise. (Crédits : LIESA JOHANNSSEN)

L'horizon de l'économie allemande ne devrait pas encore s'éclaircir en 2024. Après une année 2023 sous le signe de la récession, avec un produit intérieur brut (PIB) ayant chuté de 0,3% l'année dernière, 2024 ne devrait pas non plus être un bon cru pour Berlin. Les principaux instituts de conjoncture allemands ont nettement abaissé ce mercredi leur prévision de croissance du PIB pour 2024, attendue à 0,1%, la première économie européenne souffrant toujours de la crise énergétique de 2023.

La nouvelle prévision des instituts se rapproche des projections du gouvernement allemand, qui prévoit une croissance de 0,2% cette année. Pour rappel, les instituts prévoyaient pourtant encore cet automne une croissance de 1,3% pour l'Allemagne cette année. Ils sont désormais plus pessimistes, en raison de la lenteur du redressement de la consommation.

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L'industrie allemande en panne

Dans le détail, l'économie sera toujours plombée par « des facteurs conjoncturels et structurels » qui se superposent, expliquant « la lenteur de l'évolution économique globale », a expliqué Stefan Kooths, directeur de la recherche économique à l'Institut de Kiel.

Longtemps locomotive de l'économie européenne, l'Allemagne fait face à une crise de son secteur industriel, causée par la hausse des prix de l'énergie et par la baisse de la demande mondiale. Or, le secteur représente environ 20% de la richesse produite dans le pays, pilier de sa croissance.

Sur l'ensemble de l'année passée, l'industrie allemande a vu son activité se contracter de 1,5% par rapport à 2022, en restant en deçà des niveaux connus avant la pandémie de Covid-19, a ajouté Destatis. La production reste, quant à elle, inférieure de plus de 9% à son niveau d'avant la pandémie, près de quatre ans après le début de la pandémie de Covid-19, en raison d'une conjonction de facteurs.

Et, « bien qu'une reprise soit probable à partir du printemps, l'élan général ne sera pas très fort », a ajouté le représentant de l'Institut de Kiel. « Au cours de l'année, la consommation privée deviendra le moteur le plus important de l'économie », ont expliqué les cinq instituts (DIW, IFO, IFW, IWH, RWI) dans un communiqué commun. Hors, celle-ci « s'est redressée plus tard et de manière moins dynamique que ne l'avait prévu [le groupement d'instituts] », ont-ils ajouté.

Bonne nouvelle cependant, l'inflation, qui avait atteint un niveau record de plus de 8% à l'automne 2022, confirmera le ralentissement en cours, à 2,3% en 2024 et 1,8% en 2025 d'après eux. Les salaires réels devraient augmenter et soutenir la reprise de la consommation, mais sans que le pouvoir d'achat retrouve avant le deuxième trimestre 2025 le niveau d'avant la flambée de l'inflation, dans la foulée du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. A noter d'ailleurs, pour l'année 2025, les prévisions de croissance des instituts sont pratiquement inchangées, à 1,4% (contre 1,5% auparavant).

Bras de fer politique sur le soutien public à l'économie

L'Allemagne souffre toujours, et la question de l'intensité du soutien public que doit mettre en place l'exécutif divise. Cette situation délicate provoque de vifs débats entre les trois partis du gouvernement de coalition du chancelier Olaf Scholz.

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Le chef de file des libéraux du FDP, le ministre des Finances Christian Lindner, refuse la réforme plébiscitée par Robert Habeck, ministre de l'Économie écologiste, qui appelle à aménager les règles budgétaires constitutionnelles pour investir et soutenir l'industrie. Les experts des instituts recommandent une réforme « modérée » de la règle constitutionnelle du frein à l'endettement, qui autoriserait plus d'investissement financé par la dette.

Pour rappel, la Cour constitutionnelle allemande a annulé mi-novembre le transfert de 60 milliards d'euros de crédits inutilisés provenant de la pandémie, dans une enveloppe dédiée à des investissements verts et un soutien à l'industrie. Elle avait en effet estimé que le gouvernement d'Olaf Scholz avait enfreint les strictes règles budgétaires, en effectuant cette réaffectation des dépenses.

Résultat, les budgets 2023 et 2024 devaient être revus. Cette décision a provoqué la zizanie entre les trois partis de la coalition du gouvernement allemand : les formations de gauche (sociaux-démocrates et écologistes), favorables à des dépenses publiques accrues, et le Parti libéral (FDP), partisan de la rigueur.

La croissance française aussi en berne

Dans sa note de conjoncture dévoilée le 14 mars dernier, l'institut de statistiques a tablé sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0% au premier trimestre 2024 et 0,3% au second trimestre. Début février, les conjoncturistes tablaient encore sur une hausse de 0,2% aux deux premiers trimestres de l'année. « La reprise se fait attendre », a déclaré Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture lors d'un point presse.

Pourquoi cette révision au premier trimestre ? « L'évolution de la production industrielle explique cette révision avec la fermeture des raffineries et des problèmes d'approvisionnements dans l'industrie automobile notamment », expliquait à La Tribune le statisticien. A cela s'ajoutent « des mises en chantier plus faibles que prévues». Dégradant sa prévision de croissance à 1% en 2024, le gouvernement pourrait à nouveau revoir sa copie.

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 28/03/2024 à 12:17
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@ Yakari Je suis largement d’accord avec votre évaluation de la situation économique allemande. Des facteurs externes et internes ont conduit à la faiblesse économique de l'Allemagne. Les facteurs internes incluent, entre autres, la négligence des ...

à écrit le 27/03/2024 à 12:49
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La gauche et les Verts au sein de la coalition gouvernementale allemande affirment que seule une nouvelle dette peut relancer l'économie allemande. Mais les nouvelles dettes qui financent de mauvaises politiques économiques ne sont d’aucune utilité à...

le 27/03/2024 à 14:15
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0% de croissance dans un pays en déclin démographique n'est pas un problème majeur : l'excédent commercial extérieur est resté gigantesque. Un problème majeur de l'Allemagne est que l'industrie (énergivore) est forte dans le Sud (Bavière, Baden-Württ...

le 27/03/2024 à 14:56
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Il n'y a que lorsque la droite est au pouvoir et multiplie les dettes que cela est bon ?

à écrit le 27/03/2024 à 12:34
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Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire [Longtemps locomotive de l'économie européenne] Ben du côté de la technocratie européenne, oui. Et non du point de vue des membres de l'Union où l'Allemagne a précisément joué sur les déséquilibres des balances commer...

le 27/03/2024 à 16:19
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@Raymond Bah oui, à jouer solo aux détriments de ses voisins, le retour de Boomerang était inévitable. Gaz russe à bas coût pour exporter massivement vers la Chine. Achats d'armement US, fonds US, parapluie US, lobbys US, défense non souveraine. ...

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