Le spectre de la récession plane au dessus de l'économie tricolore. Après un premier semestre décevant, l'activité tricolore a plongé en zone de contraction au mois d'août. L'indice PMI, celui des directeurs des achats, dévoilé ce mardi 23 août est passé en territoire négatif à 49,8 contre 51,7 en juillet. Il s'agit d'un plus bas depuis un an et demi. Pour rappel, l'activité est en repli quand l'indice est en deça de 50 points et en expansion quand il repasse au dessus. "La forte inflation, conjuguée à l'essoufflement du rebond post-pandémie de la demande, a conduit les entreprises comme les consommateurs à diminuer leurs dépenses non essentielles, entraînant un premier recul de la demande de services depuis mars 2021", a déclaré l'économiste, Joe Hayes dans un communiqué.
Alors que la rentrée politique se profile, le gouvernement va devoir faire face à une conjoncture économique plus dégradée que prévu. Même si le second trimestre a été meilleur qu'anticipé à 0,5%, la fin d'année s'annonce périlleuse. En effet, le scénario noir d'une coupure de gaz russe pourrait porter un coup dur à l'économie du Vieux continent. L'indice PMI allemand a atteint son plus bas niveau depuis près de deux ans au mois d'août à 47,6. Outre-Rhin, l'économie se dirige tout droit vers une récession en fin d'année. A cela s'ajoute le durcissement de la politique monétaire en zone euro qui risque de freiner brutalement l'activité.
L'industrie dans le rouge
Les moteurs de l'industrie tricolore s'essoufflent. L'indice de l'industrie manufacturière s'est replié à 49 points en août contre 49,5 en juillet. Il s'agit d'un plus bas de 27 mois. Depuis le début de la pandémie en mars 2020, le Made in France est frappé de plein fouet par de multiples difficultés. Entre les pagailles dans les chaînes d'approvisionnement, le renchérissement des prix de l'énergie, les pénuries de composants et les fermetures de frontières, de nombreuses usines ont dû réduire la voilure, voire stopper leur production.
Toutes les industries dépendantes de l'étranger peinent toujours à se fournir en matières premières. En outre, les industriels doivent faire face aux conséquences désastreuses de l'inflation. En effet, la demande s'est effondrée ces derniers mois dans le secteur manufacturier. Ce recul de l'industrie pourrait avoir des répercussions en cascade dans de nombreux services.
Une partie des activités comptabilisées dans l'industrie auparavant sont désormais externalisées dans le tertiaire. Ainsi, même si le poids de l'industrie dans le PIB s'est fortement réduit, beaucoup de PME et TPE dépendent de l'activité industrielle. Enfin, même si la chute de l'euro face au dollar permet à l'industrie tricolore de gagner en compétitivité, cette dépréciation alimente les coûts de certaines importations libellées en dollar. Ce qui risque d'alimenter l'inflation importée de l'étranger.
Les services résistent
Du côté des services, l'activité a ralenti au mois d'août à 51 points contre 53,2 points en juillet. Il s'agit d'un plus bas de 16 mois. Malgré cette inflexion, l'activité demeure en territoire positif dans les services. Le retour des touristes étranger après deux longues années de pandémie a permis de doper la demande sur le territoire et d'accélérer les exportations de services.
La chute de la demande domestique en 2022 pourrait cependant plomber la consommation de services d'ici la fin de l'année. Compte tenu du poids du tertiaire dans l'économie tricolore, la croissance pourrait ainsi marquer le pas à l'automne.
L'inflation menace toujours
Après avoir atteint 6,1% au mois de juillet, l'inflation menace toujours l'activité. En effet, les Français ont déjà commencé à se serrer la ceinture depuis le début de l'année. Les revenus issus du travail dans le secteur privé ont plongé au cours du premier semestre selon les récentes statistiques du ministère du Travail. Ce recul concerne toutes les catégories professionnelles.
Hormis le SMIC, les salaires ne sont plus indexés sur l'inflation depuis le début des années 80. Résultat, les salariés perdent du pouvoir d'achat. L'Insee table sur un repli de 1% cette année. De son côté, l'OCDE prévoit, dans un communiqué, une chute de 1,9% du revenu réel par tête en 2022 en France. Il s'agit de la plus forte baisse des pays du G7, les sept plus grandes économies de la planète.
Les mesures du gouvernement (bouclier tarifaire, ristourne sur l'essence, revalorisation de minima sociaux) ont permis de limiter l'inflation mais une grande partie de la population active subit de plein fouet les pressions inflationnistes. À la veille de la rentrée scolaire, beaucoup de ménages doivent faire face à des dépenses incompressibles pour les fournitures et articles de papeterie notamment.
La zone euro se rapproche dangereusement de la récession technique
Du côté de la zone euro, les indicateurs passent au rouge les uns après les autres. Après un fort rebond en 2021 post-covid, la croissance devrait fortement ralentir en 2022. D'après le dernier indice PMI, l'activité s'est contractée au mois d'août à 49,2 après un premier repli au mois de juillet à 49,9. Avec deux mois de reculs consécutifs, l'économie de la zone euro se rapproche de la récession technique. Cette phase se définit par deux trimestres consécutifs de recul de l'activité. « Les dernières données PMI mettent en évidence une contraction de l'économie de la zone euro au troisième trimestre 2022 », a indiqué l'économiste Andrew Harker dans un communiqué.
S'agissant de l'indice des prix à la consommation, les conjoncturistes redoutent encore une hausse dans les mois à venir dans l'union monétaire. « Le choc inflationniste est très important. Le pic d'inflation est probablement encore devant nous. La hausse de l'indice des prix harmonisé à la consommation (IPCH) pourrait atteindre 10% à l'automne dans la zone euro. Une telle inflation pourrait nettement rogner les marges des entreprises », a récemment expliqué l'économiste de BNP Paribas Hélène Baudchon interrogée par La Tribune. Sur le plan géopolitique, la guerre en Ukraine continue de déstabiliser toute la partie orientale de l'Europe. Même si le poids cumulé de l'Ukraine et de la Russie dans l'économie mondiale demeure limité, la poursuite du conflit pourrait encore faire de nombreux dégâts.