BCE : la hausse des taux continue de peser sur les crédits accordés au secteur privé

La croissance des crédits accordés par les banques au secteur privé en zone euro a de nouveau reculé en janvier, signe que le resserrement monétaire en cours pour dompter l'inflation produit les effets attendus, d'après la Banque centrale européenne. L'institution compte d'ailleurs poursuivre sa politique de relèvement des taux. Une hausse de 0,5 point de pourcentage est d'ores et déjà prévue en mars. D'autres pourraient suivre si nécessaire afin de ramener l'inflation à l'objectif de 2%, à atteindre « coûte que coûte » pour sa présidente Christine Lagarde.
Les prêts accordés aux entreprises ont ralenti leur progression en janvier à 6,1% sur un an (-0,2 point de pourcentage sur un mois). La croissance des crédits accordés aux ménages a également ralenti de 0,2 point, à 3,6%.
Les prêts accordés aux entreprises ont ralenti leur progression en janvier à 6,1% sur un an (-0,2 point de pourcentage sur un mois). La croissance des crédits accordés aux ménages a également ralenti de 0,2 point, à 3,6%. (Crédits : WOLFGANG RATTAY)

Les prêts au secteur privé, ajustés de certaines opérations strictement financières, ont progressé de 4,9% sur un an. Soit le quatrième mois d'affilée en retrait, la décélération ayant commencé à partir du mois de novembre dernier, a indiqué la Banque centrale européenne (BCE) lundi 27 février. Signe que la politique de resserrement monétaire, menée par l'institution depuis juillet 2022 afin de contrer l'inflation, semble porter ses fruits. La BCE a relevé ses taux d'intérêt à cinq reprises pour un total de trois points de pourcentage, avec l'intention de poursuivre le mouvement en mars voire au-delà.

Dans le détail, les prêts accordés aux entreprises ont ralenti leur progression en janvier à 6,1% sur un an, soit une baisse de 0,2 point de pourcentage sur un mois. Ce recul concerne surtout les prêts octroyés pour financer des coûts d'exploitation renchéris par la crise énergétique.

La croissance des crédits accordés aux ménages a également ralenti de 0,2 point de pourcentage, à 3,6%, poursuivant un tassement observé depuis la mi-2022. Les prêts au logement en particulier, renchéris par la hausse des taux d'intérêt, reculent en volume de 0,8%.

Lire aussiLe taux d'usure plombe les crédits à la consommation

Une masse monétaire en recul

Autre élément qui connaît une croissance au ralenti : la masse monétaire. L'Eurosystème, qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales de la zone euro, possède trois agrégats M1, M2 et M3. Le premier comprend les pièces et les billets en circulation et les dépôts à vue (dépôt fait dans un organisme bancaire et que l'on peut retirer à tout moment). Cet indicateur avancé de la croissance a reculé pour la première fois depuis que la série statistique a été lancée en 1981, de 0,8% en rythme annuel. Cela montre que les ménages et entreprises ont donc transféré de l'argent des dépôts à vue vers une épargne moins liquide et portant intérêt, comme en France le Livret A. Aussi, ces montants transférés « sont moins susceptibles d'être dépensés », note Jack Allen-Reynold, chez Capital Economics.

Le second agrégat, M2, rassemble M1 ainsi que les dépôts à terme (dépôt auprès d'un organisme bancaire bloqué pendant un certain temps) d'une durée inférieure ou égale à 2 ans et les dépôts remboursables avec un préavis.

Enfin, le M3 englobe M2 (et donc M1) ainsi que les instruments négociables sur les marchés comme les pensions, les titres de créances, titres d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières... Cette masse monétaire M3 est d'ailleurs utilisée par la BCE comme indicateur avancé de l'inflation. En effet, l'inflation résulte d'une croissance trop importante de la masse monétaire. La BCE peut donc tenter de freiner la hausse des prix en ralentissant la croissance de l'agrégat M3. Cet indicateur n'a progressé que de 3,5%, soit la valeur la plus basse depuis août 2018.

Lire aussiTaux : la BCE va continuer à durcir sa politique monétaire, assure Lagarde à Davos

Encore un long chemin pour baisser l'inflation

Le resserrement monétaire en cours « a un effet clair sur la masse monétaire et l'emprunt du secteur privé, ce qui va atténuer la croissance économique et l'inflation en 2023 », commente Bert Colijn, chez ING. L'inflation a déjà freiné en janvier pour le troisième mois consécutif, après son plus haut niveau historique à 10,6% en octobre, s'établissant à 8,5%.

Reste que l'institution gardienne de l'euro a encore du chemin à faire avant de ramener la hausse des prix à la cible de 2%. Elle a déjà annoncé qu'elle devrait relever ses taux d'un demi-point de pourcentage en mars. Il faudra « plus de hausses de taux si nécessaire » pour ramener l'inflation à l'objectif et ce « coûte que coûte », a déclaré la présidente de l'institution Christine Lagarde, dans un entretien au quotidien indien Economic Times ce lundi.

Lire aussiInflation : la lutte sera « longue et cahoteuse » prévient la Fed, la BCE ne prévoit pas plus de « baisser la garde »

Après le « sprint » de la hausse des taux, la BCE entame « une course de fond » pour faire reculer l'inflation à 2%, dixit le gouverneur de la Banque de France qui s'exprimait il y a dix jours. François Villeroy de Galhau a estimé « probable » que le point haut - c'est-à-dire le taux terminal que les marchés anticipaient autour de 3,5% - soit atteint « d'ici l'été », à savoir septembre au plus tard. « Cela nous laisserait quatre conseil des gouverneurs, après celui de mars où nous aurons atteint 3% » pour le taux de dépôt, a explicité le banquier central. Et d'insister : « Nous irons probablement au-delà de ce 3%, mais il n'y aura ni automatisme à agir à chaque conseil, ni impossibilité d'agir ensuite si des éléments nouveaux le justifiaient », a-t-il insisté.

« Les taux d'intérêt hauts » seront ainsi maintenus « aussi longtemps que nécessaire », a-t-il déclaré, soulignant qu'une baisse ne sera « sûrement pas pour cette année ».

Cette politique monétaire restrictive qui vise à freiner la demande devrait permettre de ramener l'inflation vers l'objectif de 2% d'ici fin 2024 ou 2025 en zone euro, sans conduire à la récession compte tenu de la résilience de l'activité en dépit du choc de la guerre en Ukraine, a souligné François Villeroy de Galhau.

Lire aussiLa BCE va de nouveau relever ses taux d'intérêt pour contrer une inflation « obstinément élevée »

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 28/02/2023 à 20:25
Signaler
C'est là qu'on voit que la gestion de la BCE est faite n'importe comment. Avoir attendu un an de trop pour relever les taux d'intérêt, pour ensuite jouer aux pompier en les augmentant brutalement, tout cela n'a pas de sens

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.