Le taux d'usure plombe les crédits à la consommation

L'activité crédit à la consommation marque pas en novembre 2022, selon les derniers chiffres de l'Association française des sociétés financières (ASF). Ce sont les prêts personnels qui ont été les plus affectés, avec un recul de 5 % sur les trois derniers. Comme pour le crédit immobilier, le taux d'usure aurait joué comme un frein pour le marché, notamment pour les crédits personnels de plus de 6.000 euros. L’inflation rogne le panier des Français et leur épargne. Une situation qui devrait logiquement pousser de nombreux ménages à contracter des crédits à la consommation mais qui ne se traduit pas par une forte hausse à cause du taux d’usure qui empêche de nombreux Français d’accéder à ces types de crédit. Un paradoxe qui met cependant en lumière la hausse beaucoup plus importante des crédits de moins de 6.000 euros bénéficiant d’un taux d’usure plus élevé et des paiements fractionnés.
Maxime Heuze
La dynamique reste positive, avec une progression de 8,7% à près de 45 milliards d'euros des crédits à la consommation sur les 11 premiers mois de 2022.
La dynamique reste positive, avec une progression de 8,7% à près de 45 milliards d'euros des crédits à la consommation sur les 11 premiers mois de 2022. (Crédits : DR)

« L'inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches », scandait François Mitterrand. La hausse du coût de la vie rogne en effet le pouvoir d'achat des ménages qui se retournent de plus en plus vers le crédit à la consommation. Malgré une activité qui marque le pas en novembre (-0,5%), le crédit à la consommation progresse de 8,7% sur les onze premiers mois de 2022, selon les chiffres de l'Association française des sociétés financières (ASF).

Cette hausse reflète cependant des réalités différentes selon la nature et le type de crédit. Ainsi, les prêts personnels qui progressent de de 9,4% sur la période affiche un recul spectaculaire de 17,5% en novembre (-5% sur les trois derniers mois). Selon l'association professionnelle, ces crédits sont « sans doute pénalisés par le taux d'usure ». Le taux d'usure, qui représente le taux plafond au-delà duquel les établissements de crédit ou sociétés financières ne peuvent plus prêter, diffère fortement selon le montant du crédit concerné, avec notamment les seuils plus de 6.000 euros, 3000 à 6.000 euros et enfin moins de 3.000 euros.

Le frein de l'usure

« Ce taux est actuellement de 5,79% (exprimé en taux annuel effectif global, NDLR) pour les crédits de plus 6.000 euros, qui représentent 40% des crédits à la consommation. Sauf qu'avec un coût de refinancement autour de 3 ou 3,5% sur 5 ans et en ajoutant un coût du risque à 1,5% et des frais dossiers à 1,5%, un emprunteur se retrouve rapidement à 6 ou 6,5% et il ne peut donc pas emprunter », explique Françoise Palle-Guillabert, directrice générale de l'ASF. Les banques sont ainsi fortement incitées attendre le prochain relèvement trimestriel du taux de l'usure pour réamorcer la pompe aux crédits à la consommation.

Ce mouvement de « stop and go », due à une remontée rapide des taux d'intérêt, est bien connu des professionnels du crédit immobilier. A la demande de Bercy, la Banque de France vient même de lancer une consultation de place pour réfléchir à la faisabilité de mensualiser, du moins temporairement, l'actualisation du taux d'usure, au lieu d'attendre la fin d'un trimestre, comme c'est prévu dans les textes réglementaires. Toutefois, le gouverneur de la Banque de France a légalement le droit de déroger à ces textes en cas de « circonstances exceptionnelles », comme la hausse des taux.

En revanche, les crédits de moins de 6.000 euros, qui sont essentiellement des crédits renouvelables, s'en sortent beaucoup mieux. Les crédits renouvelables progressent ainsi de 13,3% sur les neuf premiers mois de l'année (+5% en novembre). Cette bonne tenue pourrait s'expliquer par des taux d'usure moins contraignants, actuellement de 10,55% pour les crédits compris entre 3.000 et 6.00O euros, et même de 21,04%, pour les crédits de moins de 3.000 euros. Sur ce segment, c'est clairement la recherche d'un pouvoir d'achat qui alimente ces crédits. Cette dynamique est également constatée par la Banque de France. « Les découverts bancaires augmentent un peu plus vite (que le reste des crédits à la consommation) » , souligne Bertrand Collès, responsable des statistiques à la Banque de France.

Paiement fractionné, la nouvelle arme de la consommation

Le paiement fractionné, qui permet aux ménages payer un bien en trois ou quatre fois, généralement sans frais pour le consommateur (la charge est supportée par le commerçant), poursuit sa croissance soutenue, même si ni la Banque de France, ni l'ASF, ne publie de statistiques précises sur ce mode de paiement. Selon un récent sondage d'Harris Interactive, près d'un Français sur deux (44%) aurait recours au paiement fractionné et/ou différé, qui échappe pour l'instant, dans une large mesure, aux contraintes réglementaires liées au crédit à la consommation de plus de 90 jours.

Un des leaders du secteur, Floa Bank, filiale de BNP Paribas, table sur une croissance de 7 % de ses crédits (tous confondus). « La hausse en 2022 est significative après deux années 2020 et 2021 moyennes en raison de la crise sanitaire », observe Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa Bank.

Le succès de ces formules de paiement à travers l'Europe a incité les régulateurs et la Commission européenne à mieux les encadrer pour contenir les dérapages qui pourraient générer du surendettement. « De plus en plus de gens qui nous contactent pour des problèmes de prélèvements automatiques, dans lesquels les paiements fractionnés sont en cause. Comme rien n'est vérifié sur la solvabilité du consommateur, ce dernier peut acheter plusieurs articles sans en avoir les moyens et toutes ces dettes s'accumulent les mois d'après », alerte Julie Vanhille secrétaire générale de l'Association de Défense, d'Education et d'Information du Consommateur (ADEIC).

Pour l'heure, « nous ne voyons pas d'augmentation significative de dossiers de surendettement », indique Mark Beguery, Directeur des Particuliers à la Banque de France. Pour Marc Lanvin, le risque lui semble bien maitrisé : « ce sont souvent des crédits de maximum 90 jours donc il n'y a pas d'encours ni d'accumulation. De plus, on refuse les personnes fichées aux incidents de paiement de la même manière que pour les crédits à la consommation ». Reste que le paiement fractionné allonge de plus en plus sa maturité, jusqu'à 12 fois.

Rentabilité en berne

Un projet de réforme de la directive sur les crédits à la consommation vise à cependant à remettre tous les crédits, y compris les mini-crédits et ceux inférieurs à 90 jours, sous un même toit réglementaire, notamment dans la nécessité de vérifier la solvabilité du client. Ces nouvelles règles devraient être mises en place dans le courant de l'année 2023. « Il ne faudrait pas cependant tuer un produit plébiscité à la fois par les commerçants et les consommateurs en imposant des analyses de solvabilité du client trop lourdes en regard du montant et de la durée du crédit », s'alarme le dirigeant d'une banque spécialisée dans le paiement fractionné.

D'autant que la montée des taux pèse pour le moment sur la rentabilité des acteurs du crédit à la consommation, une activité traditionnellement lucrative. Ces derniers n'arrivent pas à ajuster leurs conditions de crédit aussi vite que leur coût de refinancement. Les acteurs du paiement fractionné, dont l'activité dégage de faibles marges, devraient être les premiers concernés.

Mais, même les mastodontes du crédit sont à la peine. Selon l'agence de presse Bloomberg, BNP Paribas engage une lourde restructuration de BNP Paribas Personal Finance, autour notamment de Cetelem, qui fût longtemps une poule aux œufs d'or.

Maxime Heuze

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Commentaires 8
à écrit le 17/01/2023 à 12:10
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Bonne nouvelle. Le crédit à la consommation a été inventé pour que le quidam moyen puisse s'acheter du superflu. On va donc lui éviter de s'endetter pour des cochonneries dont il n'a pas vraiment nécessité.Bravo, mesure bonne également pour la planèt...

à écrit le 17/01/2023 à 9:54
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que les credit a la consommation reculent est plutot une bonne chose. Non seulement ca evite aux gens de finir en surendettement mais en plus c est ecolo: acheter moins de cochonnerie made in china. De toute facon il faut quand meme pas se faire d il...

à écrit le 17/01/2023 à 8:28
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Que la conso s effondre ça fera reculer ce gouvernement de nantis et fils à papa .. perso depuis 1 mois j épargne 27% de mon salaire … je partirai à 62 ans meme avec décote !!

à écrit le 17/01/2023 à 8:28
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Que la conso s effondre ça fera reculer ce gouvernement de nantis et fils à papa .. perso depuis 1 mois j épargne 27% de mon salaire … je pâtirai à 62 ans meme avec décote !!

à écrit le 17/01/2023 à 8:27
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il faut boycotter les crédits à la consommation et réclamer, exiger des hausses de salaire. Tant que les gens consommeront, les entreprises n'augmenteront pas les salaires. Boycotter la consommation rend digne et fort.

à écrit le 17/01/2023 à 6:01
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C'est une bonne chose, les français vont peut-être finir par comprendre qu'on ne peut dépenser que ce qu'on gagne😁 mais j'ai des doutes.

à écrit le 17/01/2023 à 0:40
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Endetter pour enchainer. Certains en redemande.

à écrit le 16/01/2023 à 22:44
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C'est plutôt bien, non ? Que les français n'aient pas accès aux crédits à la consommation. Parce que ce sont des crédits dangereux

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