En cas de Brexit, un référendum écossais ouvrirait une crise pour l'UE

La première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a, à son tour, évoqué un référendum sur l'indépendance en cas de Brexit et de divergence des votes entre l'Ecosse et l'Angleterre. Mais un tel scénario ouvrirait une crise grave au sein de l'UE.
L'Ecosse proclamera-t-elle son indépendance pour rester dans l'UE ?

Les conséquences économiques d'un Brexit ont été beaucoup explorées, mais si les électeurs britanniques choisissent le 23 juin prochain de sortir de l'Union européenne, il existera aussi un risque de bourrasque institutionnelle dont le vent pourrait se faire sentir jusqu'en Espagne. Car l'Ecosse pourrait ne pas accepter ce résultat. La première ministre écossaise, Nicola Sturgeon a, devant les députés régionaux écossais, évoqué à demi-mots, la possibilité d'un référendum unilatéral d'indépendance en cas de désaccord sur l'UE le 23 juin des deux côtés des Borders, la frontière anglo-écossaise.

Devant les parlementaires du palais de Holyrood, Nicola Sturgeon a prévenu qu'elle avait demandé à ses services de mettre en place un plan pour faire face à « toutes les éventualités ». Et de préciser : « si l'Ecosse doit faire face à la perspective de devoir sortir de l'Union européenne contre sa volonté démocratiquement exprimée, toutes les options pour protéger notre relation avec l'Europe et l'Union européenne devront être considérées ». Des options qui, affirme Nicola Sturgeon, sont « plus politiques que légales ». Et lorsqu'un élu lui demande si elle fait référence à un référendum sur l'indépendance, elle répond qu'elle fait effectivement référence au programme de son parti, le Scottish National Party (SNP) lors de la campagne récente pour le parlement écossais.

Quel référendum ?

Dans ce programme, le SNP n'envisageait pas de nouveau référendum sur l'indépendance de l'Ecosse après la défaite du 18 septembre 2014 ( 55 % pour le "non") à la sécession, « sauf en cas de changement notable des circonstances ». En cas de vote pro-UE en Ecosse (qui compte environ pour 8 % de l'électorat britannique) et de vote pro-Brexit de l'ensemble du Royaume-Uni, le gouvernement écossais pourrait donc envisager d'organiser un nouveau scrutin sur l'indépendance. Voici quelques semaines, le prédécesseur SNP de Nicola Sturgeon, Alex Salmond, qui a démissionné après la défaite au référendum du 18 septembre 2014, avait déjà évoqué ce scénario. Durant les deux ans (au moins) de négociations pour déterminer les conditions de la sortie de l'UE du Royaume-Uni, l'Ecosse pourrait se séparer du reste du pays et, ainsi, demeurer dans l'UE.

Reste à établir un cadre juridique à ces plans. Le gouvernement britannique acceptera-t-il, comme en 2014, de reconnaître le résultat d'un nouveau référendum d'indépendance alors même que le Royaume-Uni aura besoin de toutes ses forces, y compris le pétrole et les recettes fiscales écossaises, pour négocier le Brexit ? Rien n'est moins sûr. Mais alors, l'Ecosse devra avoir recours à un référendum unilatéral et à la déclaration unilatérale d'indépendance en cas de victoire de la sécession. Une telle option pose évidemment des problèmes constitutionnels vis-à-vis de la loi britannique, mais aussi vis-à-vis de l'Union européenne.

Bouleversement institutionnel

L'UE acceptera-t-elle alors de reconnaître le nouveau pays et de le maintenir en son sein ? Ceci ouvrirait un étrange précédent. En effet, la Commission européenne et les grands pays de l'UE n'avaient pas caché en 2014 leur rejet de l'indépendance écossaise. Un des arguments qui a sans doute fait pencher la balance en faveur du « non » a été le risque, maintes fois présenté par Bruxelles, d'une exclusion de fait de l'UE de la nouvelle région indépendante sous le prétexte que le nouveau pays devrait formuler une nouvelle demande d'adhésion à l'UE. Les Ecossais, traditionnellement plus europhiles que les autres Britanniques, n'ont pas pris le risque. Mais, voici que deux ans après, l'UE accepterait, sans difficulté de maintenir une Ecosse indépendante en son sein, autrement dit, elle accepterait ce qu'elle refusait en 2014. Alors que, de surcroît, Edimbourg pourrait quitter le Royaume-Uni unilatéralement.

Ce serait un bouleversement institutionnel qui traduirait une vision assez opportuniste de la part de l'UE : l'indépendance écossaise deviendrait acceptable parce qu'elle se fait d'un pays en voie de sortie de l'UE (mais toujours membre officiellement de l'UE). Or, si l'on en croit les principes édictés en 2014 (principes maintenus officiellement par la Commission dans le cas catalan), tout Etat qui se dépare d'un Etat membre devient un Etat non membre. Ainsi devrait-il en être, à plus forte raison, d'un nouvel Etat issu d'un Etat en voie de ne plus être membre de l'UE comme le serait alors l'Ecosse. Si l'UE « sauve » l'Ecosse, ce sera donc une décision « politique » qui aura des allures de « représailles » contre le Brexit.

La Catalogne tentée par un référendum unilatéral

La marge de manœuvre européenne sera cependant plus étroite qu'il y paraît. Ce changement de principe vis-à-vis des indépendances régionales aura, en effet, des conséquences sur l'UE elle-même. Car, désormais, il sera difficile de prétendre refuser la reconnaissance d'un nouvel Etat lorsqu'un référendum, même unilatéral, aura sanctionné la sécession. Le précédent écossais risque de faire jurisprudence. Or, précisément, en Catalogne, l'autre pôle indépendantiste au sein de l'UE, l'idée d'un référendum unilatéral d'indépendance a émergé de nouveau depuis quelques jours. Plus précisément, depuis que la majorité indépendantiste catalane a éclaté sur le projet de budget de la Generalitat, le gouvernement catalan.

Le président de la Generalitat, Carles Puigdemont, a annoncé qu'il se soumettrait à une motion de confiance en septembre afin de constater s'il dispose toujours d'une majorité pour mener à bien le projet indépendantiste. Pour refaire cette majorité, la gauche radicale indépendantiste de la CUP, qui a provoqué la crise, a évoqué un « référendum unilatéral d'indépendance » qui serait suivi d'une sécession de fait de l'Espagne en cas de vote positif. Un tel vote est interdit par la constitution espagnole et le 9 novembre 2014, il avait fallu organiser une consultation informelle pour laquelle le tribunal constitutionnel espagnol poursuit les dirigeants catalans de l'époque. A priori, le parti de Carles Puigdemont rejette cette option, pour le moment. Mais, désormais, le contexte peut changer avec le Brexit. Si l'Ecosse entre dans la voie décrite par Nicola Sturgeon, la Catalogne pourrait suivre et envisager un référendum à son tour. Et, en cas de refus espagnol, en appeler à l'UE au nom du précédent écossais. L'Union européenne serait alors dans une situation fort incommode : comment s'opposer à la légalité d'un Etat membre, mais comment déjuger son propre choix sur l'Ecosse ?

Le délicat cas belge

L'affaire risque donc de faire des remous au sein du conseil européen où l'Espagne pourrait s'opposer fermement à toute reconnaissance de la sécession écossaise, malgré le Brexit, soutenue en cela par la très centraliste France et par une Italie toujours fragile. Mais en Belgique, le parti autonomiste flamand N-VA, membre de l'actuel gouvernement fédéral, a promis la réouverture du débat communautaire lors des élections de 2019. La montée dans les sondages des indépendantistes d'extrême-droite du Vlaams Belang devrait inciter la N-VA à chercher la reconnaissance de l'indépendance écossaise. Mais les Libéraux du MR du premier ministre fédéral belge Charles Michel, seul parti francophone du gouvernement, accepteront-ils la possibilité de dissolution de la Belgique ? Confrontée au cas écossais, la coalition belge pourrait éclater, ouvrant la voie à une radicalisation de la N-VA sur la question flamande en cas d'élections anticipées.

Vers un divorce entre européanisme et indépendantisme régional ?

Si Nicola Sturgeon allait jusqu'au bout de son idée, elle ouvrirait donc une crise institutionnelle au sein de l'UE. Ce serait ouvrir un nouveau front complexe dans le cadre du Brexit que Bruxelles pourrait préférer remettre à plus tard. L'UE pourrait alors préférer laisser l'Ecosse à son sort britannique en lui demandant, conformément à la doctrine en vigueur jusqu'ici, de demander son adhésion après une indépendance négociée et reconnue par Londres. Abandonné par l'Europe une seconde fois, le SNP serait alors dans une position difficile. Nicola Sturgeon se verrait fermer au nez la porte de l'Europe et de l'indépendance, les deux piliers du programme de son parti. Ceci pourrait aussi avoir des conséquences sur les autres mouvements indépendantistes régionaux, notamment ceux qui, comme en Catalogne, demeurent très favorables à l'UE. L'Europe pourrait alors se retrouver face au développement de mouvements prêts à sortir de l'UE pour obtenir leur indépendance. La situation n'en serait alors que plus complexes...

Commentaires 34
à écrit le 21/06/2016 à 16:54
Signaler
Dans son état actuel, l'UE ne peut qu'aller de crise en crise sans en résoudre vraiment une seule. Soit elle deviendra démocratique sous la forme d'un état fédéral, soit elle implosera.

à écrit le 20/06/2016 à 12:28
Signaler
fin de UE bureaucratique, voila ce que tous les vrais européennes veulent. Bruxelles n'est qu'un nid de bureaucrate sans envergure ni réel objectif pour l'europe. Des traitres et de lobbies gravitent autour et détruise les peuples d’Europe à petit...

à écrit le 20/06/2016 à 11:54
Signaler
le plus grand perdant c est la ZONE EURO..

à écrit le 19/06/2016 à 11:09
Signaler
Du bon sens SVP. Ou du moins essayons ! L Ecosse fait parti de UK les lois y sont elles identiques qu en GB ? si oui : Ce n est pas à l UE de s intéresser au sort de l Ecosse il faut attendre qu elle clarifie qui elle est . Maintenant faire sembl...

à écrit le 18/06/2016 à 20:46
Signaler
Si les Anglais sortent , ce que je souhaite , il faut miser sur la livre , elle sera bien plus forte !

à écrit le 18/06/2016 à 14:51
Signaler
Répétons-le : UK ne peut sortir ni commercialement ni techniquement de l'union européenne. Seuls deux pays (France-Allemagne) pourraient encore le faire. Ceci dit chaque pays est libre de ses intentions pourvu qu'elles soient étayées par les actions ...

le 18/06/2016 à 18:42
Signaler
"UK ne peut sortir techniquement" , et l' article 50 du TUE, c'est pour les cochon ..?!

le 19/06/2016 à 19:19
Signaler
Sans blague ..? http://www.upr.fr/lupr/article-50-du-traite-sur-l-union-europeenne

le 20/06/2016 à 10:56
Signaler
Techniquement, le RU le peut, bien évbidemment. ca coutera juste fort cher à son economie et à ses habitants. Mais c'est parfaitement faisable techniquement. En revanche, pour la FR et l'Allemagne, cela signifierait simplement la fin de toute forme...

le 20/06/2016 à 15:40
Signaler
Depuis quand il est juridiquement et moralement interdit à un pays souverain de ne pas exprimer librement sa souveraineté ? Ainsi, donc, c'est vrai ? L'Europe est une prison ?

à écrit le 18/06/2016 à 13:29
Signaler
Tout ceci est la conséquence logique de l'UE : L'UE consiste à construire une entité administrative (parlement UE sans véritable pouvoir) au dessus des Etats, en vue d'une unique politique présentée comme inéluctable, et en enlevant aux Etats tout po...

à écrit le 18/06/2016 à 12:34
Signaler
Que l'Ecosse, la Catalogne et d'autres, qui se disent quand même "indépendantistes" mais qui souhaitent s'enfermer aussitôt dans l'UE, avec toutes les contraintes que ça implique, une fois leur "indépendance" acquise, ça ne vous semble pas un chouia ...

le 19/06/2016 à 15:24
Signaler
Tout à fait d'accord. Et après, la France imposera ses vues à l'UE, aux USA et à la Chine, parce qu'on est super fort. Les autres pays finiront bien par le comprendre et là, ils seront gentils avec nous et suivrons notre exemple. Je vais de ce pas...

à écrit le 18/06/2016 à 11:48
Signaler
laissons les britanniques choisir leur destin . leur souveraineté est incontestable et doit être respectée, quel que soit leur choix . ils nous donnent par ailleurs un bel exemple de démocratie ; c'est sans doute cela qui fait le plus peur à nos dir...

à écrit le 18/06/2016 à 9:11
Signaler
L’Europe possède un président qui inaugure les chrysanthèmes (comme le notre vous me direz) ... il nous faut pour commencer une réforme des institutions UE... et très vite !

à écrit le 18/06/2016 à 8:30
Signaler
Je vote naturellement pour le Front National car c'est la seule formation politique qui clairement refuse l'Europe de Bruxelles. Il représente toujours le plus gros blocs de députés français au parlement européen.

le 18/06/2016 à 9:21
Signaler
Cela reste à prouver. Vous lirez bien le flyer de ce parti et ses intentions, parmi la presse électorale qui vous sera adressée avant le vote. Encore qu'après l'entourloupe du PS ça ne veuille plus dire grand chose.

le 18/06/2016 à 12:37
Signaler
Bien sûr, le FN qui soi-disant "refuse" l'Europe de Bruxelles mais qui se garde bien de vouloir en sortir !!! Ha, ha, ha !!! Là encore, de l'incohérence, c'est fou, nous vivons dans un monde d'incohérences que les gens ne sont même plus capables de d...

le 18/06/2016 à 17:52
Signaler
Toute la famille Lepen vit quasi exclusivement aux crochets de l'UE depuis 2003 et sans le vote de liste aux européennes, Marine lepen ferait des ménages pour survivre. De plus c'est de Bruxelles que le parti tire 80% de ses ressources. Leur oppo...

le 20/06/2016 à 10:58
Signaler
Un gros bloc de député inutile en l'occurence, puisque sans allié, et dont la majorité des membres ne produisent rien. Par ailleurs, "l'Europe de Bruxelles" est un mythe. L'Europe est faite par et pour les Etats Membres, il aura fallut 35ans de lut...

à écrit le 18/06/2016 à 0:12
Signaler
L'Europe a pris la très mauvaise habitue d'inventer ses règles au gré des circonstances, piétinant souvent par la même, les principes de sa fondation, et les libertés des peuples à disposer d'eux mêmes, en les instrumentalisant pour soutenir ses buts...

le 20/06/2016 à 14:25
Signaler
Qui sommes nous pour penser que les règles établies permettent d'envisager tous les cas de figures ? Et même dans l'une des législations les plus fournies, celles de la France, il reste une marge d'appréciation significative à ceux qui la fait appliq...

à écrit le 17/06/2016 à 22:33
Signaler
Le 24 juin 2016, la GB quittera l'EU sauf coup de théâtre de toute dernière minute....ce départ sera un grand bol d'air frais européen car il va enfin permettre de remettre des choses en perspective car depuis l'adhésion de 1974, l'EU est devenue un ...

à écrit le 17/06/2016 à 22:05
Signaler
Quand un État est en soumission face a une entité extérieure, comment voulez vous qu'une province ou région réagissent?

à écrit le 17/06/2016 à 21:14
Signaler
Un Brexit qui pourrait inspirer l'Ecosse et la Catalogne, devrait aussi inspirer la Grèce, le Portugal, l'Italie et la France ; Quel soulagement que de voir la Commission Européenne dissoute, ne pouvant plus payer les ruineux fonctionnaires inu...

le 19/06/2016 à 21:52
Signaler
Pour gérer un ensemble multinational de 28 états l'UE n'emploie que 56000 fonctionnaires, à peu près le même nombre que... la mairie de Paris. Si vous cherchez vraiment à faire des économies sur la masse salariale de la fonction publique, c'est aille...

à écrit le 17/06/2016 à 20:43
Signaler
La restauration de la souveraineté de la France et son redressement passent nécessairement par le retrait de la France de l’UE (par mise en oeuvre de l’article 50 du Traité), il serait bon que ces candidats se parlent, qu’ils en arrivent au même cons...

le 19/06/2016 à 21:56
Signaler
C'est surtout l'effacement et la marginalisation de la France qui seraient au rendez-vous en cas de Frexit. Sans compter une crise de la dette à côté de laquelle la crise grecque ferait figure d'aimable plaisanterie et qui imposerait une cure drastiq...

à écrit le 17/06/2016 à 19:56
Signaler
Le Brexit ouvrirait d'abord une crise grave dans le Royaume-Uni qui pourrait effectivement éclater. Si l'Ecosse demande son adhésion à l'UE après une éventuelle indépendance, il lui faudrait évidemment aussi accepter les politiques intégrées européen...

à écrit le 17/06/2016 à 19:06
Signaler
Le Crimexit pourrait inspirer la Crimée mais çà ferait venir des petits hommes verts et on connaîtrait par avance le résultat du vote avec des taux à la poutine.

le 18/06/2016 à 8:21
Signaler
A tt prendre je prends le Frexit ..!

à écrit le 17/06/2016 à 18:58
Signaler
je partage pleinement cette analyse, mais je pense qu'elle omet de considérer en même temps les divisions entre les autres états de l'actuelle UE, qui opposerait les anglophiles de toujours (NET, Scandinavians, visograd) et les européens du sud, san...

à écrit le 17/06/2016 à 18:27
Signaler
pour l'ecosse c'est une evidence cela dit sturgeon n'a rien a voir en terme d'aura avec alex salmond.....donc si c'est elle qui propose...

à écrit le 17/06/2016 à 17:50
Signaler
ça fait des années maintenant que Godin nous promet des scénarios "graves" pour l'UE à longueur d'analyses capillotractées. Heureusement qu'il est pas payé à la prédiction correcte (visiblement c'est plutôt au nombre de caractères), sinon il bouff...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.