En Europe, le confinement a un impact économique moins sévère qu'au printemps

L'activité du secteur privé en zone euro a enregistré une nouvelle contraction en novembre. L'indice PMI s'est replié à 45,1 points, au plus bas depuis 6 mois, après 50,0 en octobre. Cette baisse est toutefois beaucoup moins violente que le plongeon brutal du printemps. Au pic de l'épidémie, l'indice composite des directeurs d'achats frôlait les 15 points. L'industrie est beaucoup moins affectée et les services subissent des pertes moins lourdes.
Grégoire Normand
Les annonces des vaccins ces dernières semaines devraient permettre aux entreprises et aux consommateurs de retrouver de l'optimisme.
Les annonces des vaccins ces dernières semaines devraient permettre aux entreprises et aux consommateurs de retrouver de l'optimisme. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

La pandémie continue de faire vaciller l'économie européenne. Selon le dernier indice Markit de la zone euro publié ce lundi 23 octobre, l'activité s'est repliée à 45,6 en novembre contre 50 en octobre. En deçà de 50, l'économie entre en contraction. Il s'agit d'un plus bas de six mois d'après le communiqué. La recrudescence de cette maladie infectieuse à la fin de l'été et la saturation des hôpitaux ont obligé les autorités à renforcer leurs mesures pour endiguer la propagation du virus ces dernières semaines. Résultat, l'économie européenne se retrouve à nouveau au bord du gouffre à l'approche de l'hiver après une saison estivale meilleure que prévu.

Malgré ces mesures, le recul devrait être moins brutal qu'au printemps avec une mise sous cloche moins drastique et "un effet d'apprentissage" pour beaucoup d'entreprises. Il est encore difficile à ce stade de mesurer l'ampleur des conséquences de ce nouveau confinement. Beaucoup d'économistes pointent les répercussions désastreuses de cette stratégie du "stop and go".

Dans le même temps, la hausse de la mortalité et des cas de contaminations ces dernières semaines dans des pays qui ont laissé d'amples libertés risquent d'anéantir la confiance des agents économiques et les espoirs d'une reprise rapide.

Les annonces des vaccins ces dernières semaines devraient permettre aux entreprises et aux consommateurs de retrouver de l'optimisme. Il reste que de nombreuses questions demeurent sur l'efficacité des vaccins, leur prix, les conditions de leur application et le consentement des populations.

Lire aussi : Vaccins anti Covid-19 : les huit questions à surveiller avant leur arrivée

"Les annonces n'ont pas été confirmées par des données [...]. Dans le scénario d'un vaccin proche, même si la commercialisation arrive rapidement en fin d'année ou en début d'année prochaine, il y a une différence entre l'arrivée d'un produit et l'accès d'un produit. Enfin, si le vaccin devient disponible, il faudra également un traitement", rappelait récemment Johanna Benesty, directrice associée au Boston Consulting Group lors d'une réunion avec des journalistes.

Des services sévèrement touchés

La seconde vague fait tanguer le tertiaire de la zone euro. La plupart des restrictions décidées par les gouvernements à l'échelle de l'Europe concernent les activités à fortes interactions physiques. Ainsi, l'indice flash des directeurs d'achats interrogés par Markit a reculé à 41,3 en novembre contre 46,9 le mois dernier. Les secteurs du tourisme, des transports, de l'hôtellerie, de la restauration ont largement pâti de cette nouvelle dégradation de la situation sanitaire. "C'est de nouveau le secteur des services qui a été le plus touché - notamment dans les services impliquant un contact direct avec la clientèle, comme l'hôtellerie et les restaurants", explique l'économiste en chef chez Markit Chris Williamson. Compte tenu du poids des services dans l'économie européenne (environ 65%), cette nouvelle contraction risque de plomber le produit intérieur du dernier trimestre.

L'industrie s'en sort mieux

Les moteurs de l'appareil productif européen ralentissent progressivement. Contrairement au printemps, beaucoup d'usines ont continué à fonctionner sur le Vieux Continent. L'indice PMI, très scruté par les économistes et les milieux financiers, s'est infléchi à 55,4 contre 58,4 en octobre. Il reste malgré tout en territoire d'expansion. "L'industrie continue d'afficher un certain dynamisme, grâce notamment à la bonne tenue du secteur manufacturier allemand dont la croissance, portée par une nouvelle hausse des nouvelles commandes, a été particulièrement encourageante", ajoute Chris Williamson. Le maintien à flot de l'activité industrielle est relativement favorable pour l'économie de l'union monétaire mais son impact sur la richesse produite est limité. En effet, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée (22%) a clairement chuté depuis de nombreuses décennies au profit du tertiaire.

En outre, les annonces de fermetures de sites et de coupes dans les effectifs par des mastodontes de l'industrie (Airbus, Volkswagen) ne devraient pas arranger la situation de l'industrie européenne considérablement affaiblie. Les pénuries de masques et de médicaments au printemps ont jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de l'Europe au reste du monde et particulièrement la Chine. Dans le jeu des puissances technologiques et industrielles mondiales, les États européens sont apparus à la traîne dans une mondialisation secouée par la tempête de la pandémie.

Face à la seconde vague, l'Allemagne s'en sort mieux en apparence que la France

La seconde vague et les dernières mesures de restriction n'ont pas frappé tous les pays de la même manière. D'après les derniers indices PMI, l'Allemagne semble s'en sortir bien mieux que l'économie hexagonale et d'autres pays du Sud de l'Europe. L'indicateur PMI outre-Rhin a reculé de 55 à 52 entre octobre et novembre mais il demeure en zone d'expansion. Sans surprise, le maintien de l'activité industrielle, beaucoup moins exposée lors de la seconde vague, permet à l'Allemagne de tirer son épingle du jeu.

Étant donné le poids relativement important de l'industrie dans le PIB allemand, l'économie germanique a réussi à limiter la casse, grâce notamment au redémarrage de la Chine qui tire une bonne partie de la croissance des usines allemandes. En outre, les politiques de stimulations de la demande des partenaires commerciaux allemands ont permis à la première économie de la zone euro de redémarrer rapidement.

Il reste que ce modèle de croissance tirée par les exportations a trouvé ses limites au printemps dans une mondialisation chamboulée par la propagation du virus à l'échelle du globe et la fragmentation à l'extrême des chaînes de production. Après des années de compression de la demande interne au détriment de ses voisins et une demande extérieure atrophiée par la pandémie actuelle, le gouvernement allemand a décidé de baisser le taux de TVA pour relancer la consommation domestique. Par ailleurs, son modèle industriel fortement basé sur l'industrie automobile est actuellement fragilisé par le réchauffement climatique et les pressions environnementales renforcées par les cas de tricherie révélés depuis 2015.

La seconde vague en France a amené le gouvernement à durcir les mesures de restriction au fur et à mesure de la dégradation de la crise sanitaire en instaurant d'abord un couvre-feu puis un confinement. L'indice des directeurs d'achat s'est fortement contracté pour passer de 47,5 à 39,9 entre octobre et novembre. L'arrêt est cependant moins violent qu'au premier confinement. "Le choc est moins brutal que celui du premier confinement. Après la sidération du premier confinement, c'est l'adaptation pour le second confinement", expliquait récemment le chef du département de la conjoncture à l'Insee Julien Pouget, lors d'un point presse. "Avec les annonces relatives aux vaccins, l'horizon de la fin de la crise sanitaire se rapproche. Le rebond au troisième trimestre a été favorisé par une politique économique qui a cherché à préserver le revenu des ménages et le tissu productif", a-t-il ajouté.

Là encore, il existe de fortes disparités entre l'industrie qui semble moins exposée et les services à nouveau meurtris par cette nouvelle déferlante de contaminations. Pour l'économie tricolore, la fin d'année s'annonce morose. En tenant compte du poids important du tertiaire dans la richesse produite, l'activité pour les trois derniers mois risque d'enregistrer une nouvelle récession autour de 5% selon les différentes estimations des économistes qui restent malgré tout prudents au regard des possibles scénarios de déconfinement en vue. Le Premier ministre a réuni les partenaires sociaux ce lundi après-midi en visioconférence pour les consulter sur "l'évolution du confinement et les perspectives pour les prochaines semaines" d'après le communiqué de Matignon.

Le plan de relance de 750 milliards d'euros suspendu

Le plan de relance actuellement en discussion au Parlement européen a révélé une fois de plus les désaccords profonds qui minent l'Union européenne. Après d'âpres négociations et discussions pour parvenir à un accord cet été, les États membres de l'U.E apparaissent une nouvelle fois divisés sur les modalités d'application des mesures de relance. La Pologne et la Hongrie ont mis un véto à certaines conditions.

Varsovie et Budapest - dans le collimateur de Bruxelles pour des réformes accusées de porter atteinte à l'indépendance de la justice - sont farouchement hostiles à un mécanisme conditionnant le versement de fonds européens au respect de l'État de droit (justice indépendante, lutte anticorruption...), qui doit être entériné à la majorité qualifiée des États, donc sans eux. En représailles, ils se sont opposés à une décision permettant à l'UE de lever des fonds pour financer son plan de relance de 750 milliards d'euros, bloquant - faute de l'unanimité requise - le budget européen 2021-2027 auquel il s'adosse.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 23/11/2020 à 14:44
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A propos des conséquences du confinement je prends au vol cette dépêche reuters que vous diffusez, particulièrement interessante et inquiétante: "Malgré le confinement, le niveau de gaz à effet de serre augmente encore, selon l'Onu"

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