En pleine colère des agriculteurs, Bruxelles lance un « dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'UE »

Alors que la colère des agriculteurs monte un peu partout en Europe avec certaines revendications qui relève de l'Europe, la Commission européenne dévoile ce jeudi son dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture. De quoi aborder toutes les revendications du secteur qui s'entrechoquent avec les objectifs climatiques des Vingt-Sept.
Coline Vazquez
Les agriculteurs multiplient les actions, bloquant des autoroutes et se rassemblant sur des ronds-points.
Les agriculteurs multiplient les actions, bloquant des autoroutes et se rassemblant sur des ronds-points. (Crédits : Rémi Benoit)

[Article publié le jeudi 15 janvier 2024 à 06H23 et mis à jour à 11H41]Vingt-quatre « revendications claires » : voilà ce que la FNSEA, premier syndicat agricole, a présenté mercredi soir alors que les actions se multiplient depuis plusieurs jours en France avec des blocages d'autoroutes et des rassemblements sur des ronds-points. Une colère contre la hausse des coûts de production et les obligations environnementales croissantes, partagée par les agriculteurs allemands mobilisés depuis plusieurs semaines déjà. Au Pays-bas, c'est un projet gouvernemental de faire baisser les émissions d'azote en réduisant le cheptel qui a mis le feu aux poudres, quand en Pologne, Roumanie, Slovaquie, Hongrie ou encore en Bulgarie, les producteurs dénoncent essentiellement la « concurrence déloyale » de l'Ukraine, accusée de brader le prix de ses céréales depuis que l'UE a suspendu, en mai 2022, les droits de douane sur tous les produits importés d'Ukraine.

Autant de points de crispation dont la résolution incombe aux Etats concernés...mais pas seulement. « On aura aussi un timing, car il y a des choses dont on a besoin tout de suite, mais il y a aussi des choses du cadre européen, et on sait très bien que ce ne sera pas trois jours qui suffisent », estime ainsi Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA.

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En cause notamment : « un empilement réglementaire », comme l'expliquait sa prédécesseure, Christiane Lambert, à la Tribune du Dimanche. « L'UE a voté une quinzaine de textes qui imposent de nouvelles contraintes aux agriculteurs », dénonçait-elle, soulignant les difficultés auxquelles ils font déjà face dont « la hausse des coûts de production ». Et d'accuser la Commission européenne de « ne pas écouter les agriculteurs ».

Transition écologique, revenus et innovation...

C'est pourtant la mission que celle-ci s'est fixée en lançant, ce jeudi, un « dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'Union européenne ». Annoncé le 13 janvier 2023 par la présidente de la Commission européenne, Christine Lagarde, lors de son discours sur l'état de l'Union, il a pour objectif de réunir toutes les parties prenantes de la chaîne alimentaire impliquées dans la transition écologique. Mais pas seulement.

Ces discussions seront également l'occasion d'échanger sur la question des revenus des agriculteurs mais aussi de celle de l'innovation, comme l'avait expliqué Christine Lagarde un an plus tôt. Ce jeudi, elle a insisté sur la nécessité de « forger un nouveau consensus sur l'alimentation et l'agriculture entre les agriculteurs, les communautés rurales et tous les autres acteurs de la chaîne agroalimentaire de l'UE » et ainsi « donner une vision claire de l'avenir, dans l'intérêt de tous ».

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Le Green Deal pointé du doigt

Du 25 janvier jusqu'à début décembre, une trentaine de représentants - des autorités nationales mais aussi européennes, des groupes agroalimentaires, des agriculteurs sans oublier de leurs fournisseurs de matériel - se mettront donc autour de la table.

Un calendrier qui coïncide avec les prochaines élections européennes, en juin 2024... ainsi qu'avec les tensions actuelles qui touchent plusieurs pays européens. « C'est vrai qu'il y a de fortes attentes et des inquiétudes », admet une source proche de la Commission qui rappelle néanmoins que si l'objectif de ce dialogue est de trouver « des solutions à l'échelle européenne, les Etats membres ont chacun leur responsabilité ».

Et un sujet pourrait bien occuper une partie des discussions : le Green Deal ou Pacte Vert, un ensemble d'initiatives politiques proposées par la Commission européenne afin d'atteindre la neutralité climatique en 2050. Son volet consacré à l'agriculture comprend notamment une réduction des usages de pesticides, le développement de l'agriculture biologique ou encore de nouvelles normes de protection de la biodiversité. Et si l'ancienne présidente de la FNSEA, aujourd'hui à la tête du Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne, assure que les agriculteurs ne sont pas contre, elle estime que ce pacte est néanmoins « très difficile à engager dans les conditions économiques actuelles ». Selon Christiane Lambert, qui cite « sept études d'impact effectuées en dehors de l'UE », « le Green Deal fera baisser la production agricole européenne », contraignant l'Europe à « devoir importer beaucoup plus de denrées, qui viendront de pays qui ne respectent pas nos standards et qui pèseront sur notre bilan carbone ».

La nouvelle version de la PAC plus compliquée pour les agriculteurs

De même, la politique agricole commune (PAC) est, elle aussi, dans le viseur des agriculteurs. Sa nouvelle version, mise en œuvre le 1er janvier 2023, a apporté avec elle son lot de complications administratives, dénoncent les agriculteurs. Sans compter qu'un certain nombre sont victimes de retard de paiement de l'aide européenne. Un problème incombant néanmoins à l'administration française et non l'Europe.

« Les deux premières années [de mises en oeuvre] c'est toujours un défi et, dans ce cas-ci, particulièrement puisque cette PAC est très différente », explique la même source, se disant néanmoins « confiante dans le fait que cette deuxième année va permettre une normalisation des calendriers de paiement et d'organisation de sa mise en oeuvre ».

Pour rappel, en recevant 9 milliards d'euros d'aides par an, la France est la première bénéficiaire de la Politique agricole commune. Des subventions en soutien du revenu des agriculteurs et censés les accompagner dans leur transition écologique.

Coline Vazquez
Commentaires 6
à écrit le 25/01/2024 à 14:48
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Cela a toujours été çà... avec la coalition bruxelloise, on impose sa vision et les réformes, puis, on dialogue dans le cadre défini... style McKron ! ,-)

à écrit le 25/01/2024 à 9:31
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Ce sont surtout les éleveurs qui sont le plus touchés par la pauvreté, les céréaliers s'en sortent pas trop mal. On oublie également souvent de regarder à la loupe la gouvernance de certaines coopératives qui ne redistribuent pas tous les bénéfices a...

à écrit le 25/01/2024 à 9:31
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Ce sont surtout les éleveurs qui sont le plus touchés par la pauvreté, les céréaliers s'en sortent pas trop mal. On oublie également souvent de regarder à la loupe la gouvernance de certaines coopératives qui ne redistribuent pas tous les bénéfices a...

à écrit le 25/01/2024 à 7:59
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Ce n'est pas demain la veille que les problèmes de nos agriculteurs trouveront une solution. Les bavardages sans fin de Bruxelles ...

à écrit le 25/01/2024 à 7:39
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L'UE est entièrement responsable de cette situation de l'agriculture en Europe car l'ayant confié aux intérêts financiers des lobbys agro-industriels dont le seul but est de gagner toujours plus toujours plus vite sur des matières vivantes. L'UE est ...

à écrit le 25/01/2024 à 7:07
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C'est du Kafka dans le texte cette europe. Chacun, se renvoit la cause du pb, alors que les deux parties ont crees le pb. Ca finira en queue de boudin, oblige, a Paris, comme a Berlin.

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