Europe : feu le pacte budgétaire ?

La suspension par la France de ses objectifs budgétaires ne met pas fin au "pacte de stabilité", mais elle met à jour ses insuffisances et son inadaptation.
François Hollande a suspendu les engagements budgétaires de la France. Quelles conséquences pour l'Europe ?

Après trois ans et demi de tentative de sauvegarde, tant bien que mal, du cadre budgétaire européen, François Hollande a finalement décidé d'en finir. Devant le Congrès réuni à Versailles, il a déclaré que le « pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité. » Autrement dit, les circonstances obligent la France à se libérer des obligations contractées par le traité de Maastricht et ses corolaires.

Conséquence de l'entrée « en guerre »

C'est la suite logique de la reconnaissance par l'exécutif français de l'entrée du pays « en guerre. » La première mesure économique d'un pays entrant dans un conflit est de se donner la capacité financière liée au conflit en se libérant d'engagements externes. Dès les premiers jours d'août 1914, les banques centrales des pays belligérants ont ainsi suspendu la convertibilité en or de leurs monnaies, elles ont ainsi brisé le contrat implicite qu'elles tenaient avec les détenteurs de leur devise. La France n'en est pas encore à sortir du « gold standard » actuel, autrement dit de l'euro, mais elle se libère logiquement de limites « externes » que sa situation ne lui permet plus de respecter.

Un pacte déjà plusieurs fois suspendu

Ce n'est pas la première fois que le pacte de stabilité et de croissance inclus dans le traité de Maastricht est ainsi « suspendu » temporairement suite à certaines circonstances. En 2003, Jacques Chirac et Gerhard Schröder avaient accepté de l'ignorer pour un temps. En 2008-2009, la crise avait conduit à la même situation. Mais les circonstances sont ici fort différentes. Ces décisions avaient été souvent prises collégialement, soit entre tous les pays de la zone euro, comme durant la crise de 2008, soit, en 2003, par une entente franco-allemande. Cette fois, c'est un pays seul qui décide unilatéralement d'ignorer les « règles » européennes, sous des circonstances d'attaques subies sur son sol.

La justification juridique

Certes, ce mouvement sera sans doute enrobé dans une sauce juridique adéquate. La France a réclamé la mise en place de l'article 42.7 du traité de l'UE qui prévoit une assistance des Etats membres. On pourra considérer que cette solidarité inclut un oubli « temporaire » du cadre budgétaire dans la mesure où la France est « en première ligne » que ce soit sur son sol ou sur les terrains extérieurs. Logiquement, elle supporte l'essentiel du coût d'une lutte qui, par l'article 42.7, devient celle de l'UE.

Surtout, le pacte de stabilité et le pacte budgétaire (le fameux « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire » (TSCG) que François Hollande a fait ratifier en septembre 2012) prévoient un possible dérapage budgétaire lors de « circonstances exceptionnelles » définies par l'article 3.3.b du TSCG comme « des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques. » Mais ce même paragraphe pose immédiatement une limite : « pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme. »

Nul doute que le gouvernement français ne cherchera pas à enterrer les règles budgétaires et tentera de placer son action dans le cadre de ces « circonstances exceptionnelles. » A priori, cet écart a été déjà limité à 2019 et aux dépenses militaires. Mais ce mouvement pose plusieurs questions. D'abord, la crise terroriste est-elle une crise « temporaire » ? On doit l'espérer, mais si ce n'est pas le cas, les circonstances « exceptionnelles » prévues par le pacte de stabilité et le pacte budgétaire risquent de devenir une norme, ce qui, dans l'esprit des experts de Bruxelles pourrait « mettre en péril la soutenabilité budgétaire à moyen terme. »

Des compensations ?

Bruxelles pourrait donc autoriser après coup le dépassement à condition qu'il soit uniquement lié aux « circonstances », autrement dit pour des dépenses de sécurité et de défense et que ces dépenses n'engagent pas à moyen terme. Autrement dit, Paris pourrait peiner à recruter de nouveaux fonctionnaires, même dans l'armée ou la police. Et surtout, pour assurer la « soutenabilité budgétaire », la Commission pourrait exiger des baisses de dépenses publiques par ailleurs. Ceci poserait un problème : la lutte contre le terrorisme peut-elle s'organiser avec des baisses du nombre des fonctionnaires dans des fonctions aussi stratégiques que l'éducation, la santé, la protection civile ? Surtout, si l'impact terroriste sur la croissance française est notable, Paris pourra-t-elle se priver d'activer de nouvelles ressources pour maintenir à flot l'économie ? La réaction de la Commission et la réponse française seront donc décisives pour l'avenir du cadre budgétaire européen. Mais Bruxelles est-elle en position de force ? Peut-elle priver la France des moyens de sa défense et du maintien à flots de son économie ? Vouloir défendre le « pacte de stabilité » à tout prix mettrait en réalité en danger l'existence de la zone euro.

Une sortie du cadre comme « rattrapage »

Reste que cette décision française pose deux problèmes sur lesquels la zone euro ferait bien de se pencher. D'abord, l'inadaptation du pacte de stabilité aux circonstances contemporaines. Sur le plan économique, la politique violente qui a conduit à vouloir faire revenir rapidement et souvent de gré ou de force les pays dans le cadre du pacte a conduit à des désastres aujourd'hui bien connus. Il conviendra que les économistes se penchent sur les effets sociaux et politiques de ces stratégies et sur leurs rôles dans l'instabilité qui s'empare de l'Europe, pas seulement en raison du terrorisme. Mais surtout, si la France doit aujourd'hui sortir du cadre, c'est aussi pour « rattraper » en partie seulement les contractions du budget de la défense imposées depuis des années pour rentrer coûte que coûte dans les limites du pacte. Il serait fort inopportun que, dans quelques temps, il faille réaliser ce type de « rattrapage » sur des budgets comme celui de la santé publique, par exemple.

Un cadre inadapté

La deuxième leçon de la décision française est l'inadaptation de la nouvelle architecture mise en place de 2011 à 2013 pour empêcher les « dérives » des Etats (Two-Pack, Six-Pack, TSCG). Le principe était de placer sous la surveillance de la Commission les Etats dépensiers. C'était donc d'éviter « l'unilatéralisme. » Mais ce désir est vain dans un monde comme le nôtre et cette vanité ramène à celle de ce désir de « stabilité financière », obsession européenne qui semble aujourd'hui si dérisoire et inadaptée. La France a imposé sa réalité et ses priorités politiques. La Commission pourra toujours feindre d'accepter et comprendre cette situation, comme l'a tenté Pierre Moscovici dès mardi 17 novembre en insistant sur la "souplesse" des régles. Mais, la réalité est que, les priorités politiques d'un pays sont bien supérieures à ces « règles européennes. » Le pacte de stabilité n'est donc pas mort, mais il a une fois de plus montré ses limites et son inadaptation.

Risque de surenchère ailleurs ?

Reste un risque et non des moindres : que pour faire passer la "pilule" française, Bruxelles, visée par Wolfgang Schäuble pour son "laxisme" cet été, fasse du zèle par ailleurs, notamment sur les budgets espagnols et italiens, mais aussi vis-à-vis du futur gouvernement de gauche portugais ou encore dans le cadre des négociations avec la Grèce. C'est le scénario qui se dessine, du reste, au regard des remarques de la Commission qui a blâmé ce mardi le budget espagnol et mis en garde sur le budget italien. Cette dureté pourrait être conçue comme une façon de "sauver" un pacte de stabilité moribond.

Commentaires 35
à écrit le 18/11/2015 à 14:59
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On nous a dit : 1 - que la réforme territoriale devrait permettre des économies par un besoin moins élevé du nb de fonctionnaires. 2 - Puis on nous a dit ensuite que ce serait plus compliqué car on ne peut pas licencier un fonctionnaire comme on le ...

à écrit le 18/11/2015 à 7:15
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Avec les événements récents, La progression des effectifs et des moyens matériels sont tout à fait nécessaires et justifiés dans la justice, la police et l'armée, c'est d'ailleurs là que nous attendons l'Etat. Mais pourquoi ? Pourquoi se servir de ...

à écrit le 17/11/2015 à 17:54
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Si des entreprises ou des ménages étaient gérer comme l'état français, il n'y en avaient plus en france depuis une éternité. . En plus comme exemple, si Mme Royal n'avait pas faite sa petite gabégie de 1 milliard+ (en dépense& taxes) sur l'abrogati...

à écrit le 17/11/2015 à 17:29
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J'ai fait pendant tout le week-end de belles pancartes couleurs roses layettes car ras le bol du noir. Nous sommes assez en deuil comme ça. Qui veut aller défiler avec ses pancartes place de la Bastille ?

à écrit le 17/11/2015 à 17:15
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Puisque vous êtes trop frileux pour aller au contact des terroristes. Vous vouliez des chances, vous en avez maintenant. Pourquoi ce rejet ? Il ne faut pas tomber dans la stigmatisation des terroristes.

à écrit le 17/11/2015 à 17:12
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Il y aura probablement un volet pour une prise en charge des djihadistes qui se sentent exclus socialement. Ils devraient toucher une allocation mensuelle pour tenter une reconversion heureuse comme gardiens dans les cités paisibles des quartiers pa...

à écrit le 17/11/2015 à 17:11
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Utiliser ces attentats comme nouveau prétexte pour poursuivre gabegie et laxisme, n'est-ce pas quelque part en insulter les victimes ?

le 17/11/2015 à 19:12
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Et est ce normal d'incluer dans les dépenses, les actions françaises faites au Mali et Syrie alors que la plupart des autres pay européens ne participent pas à ces actions ?. Trop facile dans ces conditions de compter sur la France pour combattre DAE...

à écrit le 17/11/2015 à 17:04
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Le titre de la Tribune : "Europe : feu le pacte budgétaire ?" Ce que les français pensent tout bas : "Europe, un machin qui détruit La France" car enfin, nous faisons le constat que la France endettée jusqu'au cou doit supporter le prix des gue...

le 17/11/2015 à 18:30
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En effet, il faut murer tout le benelux, on en a marre du bordel qui nous vient du benelux, et surtout, c'est URGENT, il faut déménager les instances européennes de Bruxelles vers Strasbourg.

à écrit le 17/11/2015 à 17:04
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Que ces assassinats tombent bien... Nonobstant l'horreur de ces attaques aveugles, nos gouvernants appuyés par l'ensemble des "élus" profitent de l'occasion pour mettre la poussière de la dette et les non-économies sous le tapis. N'y a-t-il aucune ca...

à écrit le 17/11/2015 à 16:30
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Concernant le pacte budgétaire, on ne s’attend pas à ce que l’Etat soit rigoureux, les tarifs bancaires augmentent ainsi que les profits bancaires. En revanche, les citoyens français devraient se poser la question de savoir quelles sont les complicit...

à écrit le 17/11/2015 à 16:03
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Si l’Europe est devenue un fumoir inflationniste, on trouve de bons prétextes à dépenses, a-t-on une stasi ou une securitate en France établie par l’Etat pour l’oppression de la société, passons donc en mode off. Aura-t-on du cannibalisme après la pr...

à écrit le 17/11/2015 à 15:01
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D'abord je suis pas un expert en compta nat, mais à mon avis c'est pas les recrutements annoncés qui vont engendrer des milliards de dépenses annuellement, alors il y aura une augmentation des dépenses mais faut pas exagérer ça jette pas notre trajec...

à écrit le 17/11/2015 à 14:54
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Les heures sombres sont là. Il est temps d'interdire aux terroristes le diesel. Pour cela, révisons la Constitution. Les terroristes savaient pertinemment que Paris organise la COP21. Aucune excuse. 1 an de prison avec sursis plus 1000€ ve...

à écrit le 17/11/2015 à 14:33
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De toute manière la dette dépassera les 100% du PIB avec où sans le terrorisme sauf que là on dispose d'un prétexte le prix de notre sécurité Il y a eu 'je suis Charlie',voici 'je suis Paris' et bientôt 'je suis mort et ruiné'....

le 17/11/2015 à 15:09
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pas de place pour le défaitisme, choisissez votre destination. Un pays comme la France ne meurt jamais et notre Histoire que vous méprisez est jalonnée de catastrophes bien plus graves, notre Nation s'est toujours relevée, elle le fera encore. Bon ve...

le 17/11/2015 à 15:28
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C'est vrai, la France existe toujours (merci les américains), par contre elle a déjà fait 7 fois faillite et bientôt une 8ème fois, mais la France existera toujours.....

à écrit le 17/11/2015 à 14:13
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Les budgets ont de la mémoire : cela s'appelle la dette. On pose toujours le problème du coût de la sécurité. Et aujourd'hui nous découvrons le prix de l'insécurité. Tous nos gouvernants ont réduit le budget de défense et de sécurité. Sarkozy le ...

le 17/11/2015 à 16:47
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Très juste...

à écrit le 17/11/2015 à 14:12
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L'Allemagne beaucoup perdu de sa crédibilité auprès ses appels à une ouverture des frontières aux migrants, ce qui a créé un véritable appel d'air. Or sa rédibilité était déjà diminuée par l'échec de la politique économique qu'elle a imposé à l'Eur...

à écrit le 17/11/2015 à 13:58
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J'aurai bien quelques idées à soumettre enfin ! vous savez ce que j'en dit .

à écrit le 17/11/2015 à 13:02
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La France doit-elle s'endetter pour financer une guerre Daesh ? Eh bien non, La France peut trouver une autre voie : 1- fermer ses frontières 2 - déchoir les terroristes en herbe et les déposer dans les pays européens (Luxembourg, Belgiqu...

à écrit le 17/11/2015 à 12:51
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Hé oui une nouvelle fois reportons sur les enfants de nos petits enfants la dette. Mais cela est annoncé avec tout le tralala Républicain, réunion du congres à Versailles pas de salle à Paris? Garde Républicaine en grande tenue, 800 voitures avec ch...

à écrit le 17/11/2015 à 12:48
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Le constat, c'est que la France est la seule à avoir pris la mesure du risque islamiste et qu'elle est la seule à vraiment le combattre. Où est l'Europe? Planquée en espérant que ça ira mieux demain, que ça va s'arranger tout seul...Pourvu que les af...

à écrit le 17/11/2015 à 12:48
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Du pain béni pour ce président qui a toujours refusé de réformer massivement ce pays. Les attentats sont abominables et méritent une réponse forte mais l’État ne doit pas se défausser de ces engagements sous ce prétexte ! Hollande veut 10000 postes d...

à écrit le 17/11/2015 à 12:35
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La France ne doit pas pour autant etre exemptée des 3% dans un premier temps, et de l'excédent budgétaire comme tous les autres dans un second temps. Il faut que hors dépenses supplémentaires relatives à la sécurité intérieure et extérieure, les SAIN...

à écrit le 17/11/2015 à 12:07
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S'ajoutera la faillite budgétaire, indissociable l'une de l'autre. Les gens ont été avertis il y a des années et ils n'ont pas voulu entendre. Tant pis, il faudra faire avec. Chapeau M. Le President, vous êtes un virtuose politique. 72h après la...

à écrit le 17/11/2015 à 11:46
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Apres la déstabilisation de la Libye,le grand n'importe quoi s'est mis en place; Aucun grand Commis d'Etat,n'a eu l'audace de se poser en contre vis à vis des politiques,qui sans conseils avisés et concrets sans langue de bois ne peuvent apprécier ...

à écrit le 17/11/2015 à 11:30
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l'UE ne doit pas seulement accepter que la France dépasse les 3 % de déficit public. Il faudrait surtout que les autres pays de l'union, participent financièrement à ce conflit. Après tout, tous les pays de l'UE sont concernés par le terrorisme.

à écrit le 17/11/2015 à 11:18
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La gauche est incapable de gérer le pays, il faut se rendre à l'évidence car cela devient grave. Là où l'on voit des situations qui devraient s'accompagner de démissions collectives, ce n'est que de l'entêtement de la course en avant .Il y des gens c...

le 17/11/2015 à 16:37
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ah bon parce que la droite a été capable de gérer le pays. Sur 10 ans entre Chirac et Sarkozy la dette a augmenté de pratiquement 1000 milliards d'Euro. Le quinquennat de Sarkozy a été une période de destruction massive de l'état: Aménagement des pei...

à écrit le 17/11/2015 à 11:03
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OUF.... une bonne excuse pour ne pas diminuer les dépenses publiques et planquer l'absence de réforme derrière l'excuse de l'attentat. C'est minable.

le 17/11/2015 à 11:41
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C'est vrai ça, il faut diminuer les dépenses publiques : moins de pompiers, moins de personnel soignants, moins de policiers... Sautons comme des cabris et scandons ensemble : il faut des réformes, des réformes, des réformes ... La Grèce qui réform...

le 17/11/2015 à 12:18
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Dans les Impots locaux et dans les Impots versés à l'état. On transfert encore un peu plus de poids à la population active et aux générations suivantes. Je me demande pourquoi on attend un massacre pour fouiller les caves ? On comptait le faire...

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