Les moteurs de l'industrie européenne continuent de tousser. Après deux longues années de pandémie, l'éclatement du conflit en Ukraine à la fin du mois de février a une nouvelle fois plongé les industriels du Vieux continent dans une profonde torpeur. En seulement quelques semaines, beaucoup d'entreprises ont fait part de leurs difficultés à s'approvisionner tout en étant confrontées à une hausse vertigineuse des prix de l'énergie. Résultat, l'indice PMI dévoilé ce lundi 2 mai continue de dégringoler en avril à 55 contre 56,5 en mars.
Après avoir culminé en fin d'année 2021 dans le contexte de la reprise post-covid, cet indicateur avancé de l'activité très observé dans les milieux économiques et financiers ne cesse de s'infléchir tout en restant en territoire positif pour l'instant (au dessus de 50, cela signifie que l'activité continue de croître). "L'activité des fabricants de la zone euro a quasiment stagné en avril, la production ayant enregistré sa plus faible expansion depuis juin 2020", a résumé Chris Williamson, chef économiste chez S&P Global. L'enlisement du conflit en Ukraine et la crise énergétique pourraient mettre à mal l'industrie européenne déjà mise à genoux par les multiples vagues d'infection et les confinements à répétition depuis le printemps 2020.
L'industrie allemande en perte de vitesse
L'un des principaux résultats de cette vaste enquête est que l'industrie allemande continue d'appuyer sur le frein. L'indice PMI a atteint 54,6, soit un plus bas depuis 20 mois. Les réponses des industriels mettent en évidence une baisse des carnets de commandes et un coup de frein des cadences de production. "Les industriels allemands doivent faire face à une combinaison d'envolée des prix et une chute de l'activité alors que la guerre en Ukraine et les confinements en Chine désorganisent les chaînes d'approvisionnement et font chuter la demande", a expliqué Phil Smith économiste associé chez S&P dans un communiqué.
Il faut dire que la politique zéro covid menée en Chine provoque une pagaille dans les ports de commerce en Asie et les lignes de production partout dans le monde. Compte tenu de la dépendance de l'industrie allemande à l'égard de la Chine, tous ces confinements mettent à mal le modèle économique outre-Rhin basé en grande partie sur les débouchés chinois.
Léger redressement de l'industrie en France, des perspectives en berne
En France, l'activité s'est légèrement redressée au cours des dernières semaines malgré le conflit. Il s'agit toutefois d'une exception sur l'ensemble des 8 pays étudiés. L'indice PMI a ainsi gagné un point, passant de 54,7 à 55,7. Les économistes ne s'attendent pas vraiment à d'amélioration favorable de la conjoncture pour le Made in France.
"D'après les informations recueillies au cours de l'enquête, la hausse de la production risque toutefois de s'avérer de courte durée. En effet, les clients ont cherché à se prémunir contre de nouvelles hausses de prix en anticipant leurs commandes, et cette tendance a permis de soutenir la croissance des carnets de commandes dans de nombreuses entreprises", indique l'économiste Joe Hayes chez S&P. Ces anticipations sont loin d'être une bonne nouvelle pour les experts. En effet, cela signifie que "si les clients anticipent leurs commandes, c'est qu'ils ne sont pas disposés à accepter de nouvelles hausses de prix", ajoute l'économiste.
Avec les difficultés d'approvisionnement en matières premières et la hausse des prix de l'énergie, les coûts des achats des entreprises ont déjà augmenté "à leur plus fort rythme depuis février 2011", selon S&P Global. Elles ont répercuté ces hausses sur leurs prix de vente, qui affichent "un taux d'inflation record".
Des perspectives assombries
La croissance au premier trimestre dans la zone euro a été moins forte que prévu. Les derniers indicateurs d'Eurostat dévoilés en fin de semaine dernière ont montré un fort ralentissement dans la zone euro entre janvier et mars. La croissance a ainsi accéléré de 0,2% au cours du premier trimestre marqué par la vague Omicron et le début de la guerre en Ukraine.
En France, la croissance a fait du surplace entre janvier et mars. La guerre a affecté la confiance des consommateurs. Résultat, la demande intérieure, moteur traditionnel de l'activité hexagonale, s'est infléchie.
"La consommation des ménages a subi un repli, sous le poids d'une multiplication de contraintes. Aux difficultés d'offre qui concernent plusieurs postes (consommations automobile et textile inférieures sur le 1er trimestre de 11,1% et 5,3% respectivement à leur niveau moyen de 2019 pré-Covid), sont venues s'ajouter des problématiques de pouvoir d'achat qui ont commencé à toucher des dépenses auparavant résilientes (repli de 1,7% t/t de la consommation alimentaire), tandis que les ménages réduisaient également leur consommation d'énergie (-2,7% t/t)", a signalé Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas en charge de la France.
En parallèle, l'inflation a grimpé à 7,5% au cours du mois d'avril, soit un niveau inédit depuis qu'Eurostat agrège les données pour la zone euro à la fin des années 90. L'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui permet de faire des comparaisons à l'international, est principalement porté par les prix de l'énergie et de l'alimentaire mais les prix des services commencent également à accélérer. En attendant, la Banque centrale européenne (BCE) est sur une ligne de crête, coincée entre l'accélération de l'inflation plus longue qu'anticipé et le ralentissement de la croissance.