Importations agricoles d'Ukraine : l'UE entérine un accord plus restrictif, mais (toujours) sans plafonner le blé

Dans les faits, l'accord conclu lundi reprend essentiellement le texte déjà approuvé fin mars par les Vingt-Sept. Or, celui-ci n'avait pas satisfait les organisations agricoles. Pour rappel, les agriculteurs de l'UE accusent l'exemption tarifaire accordée à Kiev de provoquer un afflux de produits ukrainiens, et donc de tirer les prix locaux à la baisse.
Le mécanisme de plafonnement n'inclut toujours pas le blé tendre et l'orge, comme le souhaitaient plusieurs Etats membres - France, Pologne, Hongrie - à l'unisson des organisations agricoles (Photo d'illustration).
Le mécanisme de plafonnement n'inclut toujours pas le blé tendre et l'orge, comme le souhaitaient plusieurs Etats membres - France, Pologne, Hongrie - à l'unisson des organisations agricoles (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

Les Etats de l'UE et les eurodéputés se sont accordés lundi pour reconduire l'exemption de droits de douane sur les importations agricoles venant d'Ukraine. Ils l'ont assortie de restrictions renforcées, sans toutefois plafonner le blé. Plus concrètement, l'accord, qui a été approuvé formellement dans la soirée par les ambassadeurs des Vingt-Sept, reconduit à partir du 6 juin, pour un an, cette exemption tarifaire accordée au pays en guerre, depuis le 24 février 2022.

Adoptée cette année-là pour soutenir Kiev face à l'invasion russe, elle alimente désormais la colère des agriculteurs de l'UE. Les exploitants accusent en effet cette mesure de provoquer un afflux de produits ukrainiens au sein de l'union, tirant les prix locaux à la baisse, et relevant d'une concurrence « déloyale », faute de respecter les mêmes normes (élevages géants, pesticides...).

A titre indicatif, les importations de produits agricoles ukrainiens dans l'UE ont bondi de 11% en valeur sur un an en janvier-septembre 2023. Un sujet particulièrement sensible en Pologne, où le blocage de la frontière par des agriculteurs en colère a provoqué une crise entre Varsovie et Kiev.

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Un texte qui ne fait pas consensus

Pour répondre à ces préoccupations, le texte, qui devra encore être validé par les eurodéputés et une ultime fois par les ministres des Vingt-Sept, prévoit un strict encadrement. Bruxelles pourra désormais adopter des mesures correctives « rapides » en cas de « perturbations importantes » sur le marché, même si cela ne touche qu'un seul pays, avec une surveillance accrue des flux de céréales.

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Surtout, un « frein d'urgence » est introduit. Les importations exemptées de droits de douane de volailles, œufs, sucre, maïs, miel, avoine et gruaux (préparation de grains dégermés, ndlr) seront plafonnées aux volumes moyens importés entre mi-2021 et fin 2023, niveaux au-dessus desquels des tarifs seront automatiquement réimposés - sous 14 jours.

« En prolongeant d'un an le soutien [à l'Ukraine en termes de droits de douane], cet accord témoigne de la solidarité continue de l'UE [tout en] renforçant les garde-fous pour protéger les agriculteurs de l'UE en cas de perturbation du marché » sous l'effet des « répercussions des attaques incessantes de la Russie contre l'Ukraine », a observé l'eurodéputée lettonne Sandra Kalniete (PPE, droite), rapporteure du texte.

Le texte sera-t-il suffisant pour autant, afin d'apaiser la colère agricole ? Plusieurs pays, dont la France, réclamaient l'élargissement à l'année 2021 entière de la période de référence pour calculer les volumes de plafonnement, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 proposés initialement par Bruxelles correspondent à des importations déjà massives.

Une reprise d'un texte déjà approuvé

En incluant finalement le second semestre 2021, période où les importations d'Ukraine étaient beaucoup moins importantes, le calcul conduira déjà de facto à abaisser nettement le niveau auquel se déclenchera le plafonnement.

En revanche, le mécanisme de plafonnement n'inclut toujours pas le blé tendre et l'orge, comme le souhaitaient plusieurs Etats membres - France, Pologne, Hongrie - à l'unisson des organisations agricoles. Sur cet épineux dossier, le texte adopté ne contient finalement qu'un engagement de la Commission européenne à renforcer sa surveillance des échanges de céréales, notamment de blé, pour activer si besoin des mesures d'urgence en cas de déséquilibre. De quoi faire bondir certains eurodéputés.

« Le compte n'y est toujours pas ! Années de référence, absence de l'orge et du blé, autant de points qui étaient clairs dans le mandat (initial) du Parlement européen et qui aujourd'hui manquent encore à l'appel », s'est indigné l'eurodéputée française Anne Sander (PPE, droite), membre de la commission parlementaire Agriculture.

Dans les faits, l'accord conclu lundi reprend essentiellement le texte déjà approuvé fin mars par les Vingt-Sept, qui durcissait un compromis trouvé précédemment avec les eurodéputés. Pour autant, le Copa-Cogeca (organisation des syndicats majoritaires) et cinq fédérations sectorielles avaient alors dénoncé une « demi-réponse » à leurs préoccupations, faute d'inclusion du blé et de l'orge dans le mécanisme de plafonnement et de volumes de référence comprenant l'année 2021 entière.

En l'état, ce texte « n'accordera qu'un soulagement très limité à nos producteurs » et la situation « restera insoutenable pour les agriculteurs », avaient-ils averti dans un communiqué commun.

De son côté, l'Ukraine ne cache pas sa déception ces dernières semaines face à ces futures restrictions. Et pour cause, elles pourraient priver le pays d'environ 330 millions d'euros de recettes commerciales au total, par rapport à 2023. Kiev assure ne fournir à l'UE qu'environ 1% de sa consommation totale d'œufs et 2% de sa consommation de volaille, tout en comblant un déficit de sucre sur le marché européen, et rappelle que les cours des céréales sont tirés vers le bas sur les marchés mondiaux en raison de récoltes abondantes de plusieurs pays producteurs.

L'accord conclu lundi prévoit par ailleurs que Bruxelles étudiera une libéralisation tarifaire « permanente » dans le cadre de la future renégociation de l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine - une perspective qui alarme les organisations agricoles européennes.

Commentaires 2
à écrit le 09/04/2024 à 9:45
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Je vous dis pas ce qu'elle doit encaisser Van Layen avec une situation aussi complexe ! Si ça se trouve elle se fait payer en blé même ! ^^

à écrit le 09/04/2024 à 8:48
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Nos paysans ne vont pas tarder à comprendre que leur syndicat (FNSEA) est une calamité pour eux car il encourage le maintien de la France dans l'UE, en fournissant des candidat(e)s aux listes des fossoyeurs de la France. Sans souveraineté nationale r...

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