Interdiction des véhicules thermiques en 2035 : l'Europe est encore loin du compte, alerte un rapport

L'objectif de zéro rejet de gaz à effet de serre dans l'Union européenne pour les automobiles neuves à partir de 2035 sera difficile à atteindre car les trois conditions nécessaires, dont le développement des voitures électriques, ne sont pas réunies, pointe la Cour des comptes européenne dans un rapport publié lundi.
L'infrastructure de recharge fait défaut en Europe, 70 % des points de recharge étant concentrés en Allemagne, en France et aux Pays-Bas.
L'infrastructure de recharge fait défaut en Europe, 70 % des points de recharge étant concentrés en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. (Crédits : DR)

Votée le 14 février 2023, la fin des moteurs thermiques au sein de l'Union européenne en 2035 semble compromise. C'est du moins ce qu'a conclu la Cour des comptes européenne dans un rapport publié lundi.

Pour rappel, la nouvelle réglementation adoptée l'année dernière, qui avait été proposée par la Commission européenne en juillet 2021, ambitionne d'atteindre zéro émission de CO2 pour les voitures et camionnettes neuves en Europe à partir de 2035. Autrement dit, elle acte la fin de la vente de voitures et véhicules utilitaires légers neufs à essence et diesel dans l'UE à cette date, ainsi que des hybrides (essence-électrique), au profit de véhicules 100% électriques.

Rien de moins sûr au vu de la situation actuelle, estime la Cour des comptes européenne, car les trois conditions nécessaires ne sont pas réunies.

Les voitures thermiques émettent toujours autant qu'il y a 12 ans

Premier « échec »  : la réduction des émissions de CO2 des voitures à moteur thermique (à essence et diesel). L'instance indépendante de contrôle des finances de l'UE souligne que les rejets des voitures neuves n'ont commencé à baisser qu'en 2020, « soit 11 ans après l'entrée en vigueur du premier règlement en la matière ».

« Malgré des ambitions fortes et des exigences strictes, la plupart des voitures thermiques actuelles émettent toujours la même quantité de CO2 qu'il y a 12 ans », souligne Nikolaos Milionis, l'un des auteurs.

Le développement des carburants alternatifs souffre de l'absence de feuille de route

Le développement des carburants alternatifs (biocarburants, carburants de synthèse, hydrogène) constitue le deuxième axe identifié par la Cour. En effet, en mars 2023, la Commission européenne et l'Allemagne avaient annoncé avoir trouvé un accord « sur l'utilisation future des carburants de synthèse dans les voitures », selon le commissaire européen à l'Environnement Frans Timmermans sur Twitter.

« Les véhicules équipés d'un moteur à combustion pourront être immatriculés après 2035 s'ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d'émissions de CO2 », avait précisé le ministre allemand des Transports, Volker Wissing.

Cependant, les auteurs du rapport de la Cour des comptes européenne « ont mis en évidence l'absence d'une feuille de route précise et stable pour résoudre les problèmes à long terme du secteur : la quantité de carburant disponible, les coûts et le respect de l'environnement ».

L'UE doit améliorer sa compétitivité dans la course aux batteries

La troisième voie est le développement des véhicules électriques. Une étude dévoilée début avril en Californie démontre, en effet, que leur utilisation réduit bien la quantité de CO2. Grâce à un réseau de capteurs installés à partir de 2012 autour de la baie de San Francisco (où les voitures électriques sont désormais légion), des scientifiques de l'université de Californie à Berkeley ont, en effet, observé une baisse constante des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) émis chaque année.

Mais l'UE doit améliorer « de manière significative » sa compétitivité, surtout pour fabriquer des batteries, alerte les auteurs du rapport publié lundi.

« L'industrie européenne des batteries est à la traîne », malgré « des aides publiques importantes », relèvent-ils : « moins de 10% de la capacité de production mondiale » est basée en Europe et la Chine « détient à elle seule 76% des capacités mondiales ».

« Nous voulons attirer l'attention sur les faibles capacités de production et les risques liés aux importations de batteries », a également souligné Afonso De Castro Malheiro, l'un des auteurs, lundi en présentant le rapport à la presse.

L'Europe doit, en effet, faire face à la concurrence notamment de la Chine et des Etats-Unis qui multiplient les subventions accordées à leur industrie pour encourager la fabrication de batteries électriques. Néanmoins, en mars 2023, la Commission européenne a adopté un texte facilitant les aides d'État en faveur de projets contribuant à réduire les émissions de CO2 de l'UE, afin, justement, d'éviter une fuite des investissements verts hors d'Europe. Ce qui s'est concrétisé, en janvier dernier, par le feu vert de Bruxelles pour une aide d'Etat allemande de 902 millions d'euros afin de soutenir la construction d'une usine outre-Rhin de batteries du groupe suédois Northvolt pour véhicules électriques. Il s'agissait de « la première aide » autorisée par la Commission européenne dans le cadre du mécanisme validé en mars de l'année précédente.

Lire aussiVoitures électriques : la France peut-elle revenir dans la course au raffinage de métaux pour batteries ?

Dépendance aux ressources étrangères

Par ailleurs, le document de la Cour des comptes relève « la dépendance extrême » de l'Europe « aux importations de ressources en provenance de pays tiers avec lesquels elle ne dispose pas d'accords commerciaux satisfaisants » ou présentant « des risques géopolitiques pour l'autonomie stratégique de l'Europe », « sans parler des conditions sociales et environnementales dans lesquelles ces matières premières sont extraites ».

Ainsi, l'Europe « importe 87% de son lithium brut d'Australie, 80% de son manganèse d'Afrique du Sud et du Gabon, 68% de son cobalt de la République démocratique du Congo et 40% de son graphite de Chine », est-il encore précisé.

En mars 2024, le Conseil européen a adopté une réglementation, présentée un an plus tôt par la Commission européenne portant sur les matières premières critiques. Elle préconise une plateforme d'achats communs pour 18 métaux stratégiques, et fixe comme objectifs d'ici à 2030 d'extraire 10% de ses besoins de mines locales, de raffiner 40% de ses métaux et d'incorporer un minimum de 15% de métaux recyclés dans ses produits.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 24/04/2024 à 15:04
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la commission européenne, quelle aubaine ...... on découvre la dépendance de l'Europe pour les matières premières.... vue les politiques étrangères menées par l'Europe , on est sûr de pas mal de soucis à terme .... y compris pour l'électricité ....l...

à écrit le 24/04/2024 à 13:14
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"les rejets des voitures neuves n'ont commencé à baisser qu'en 2020" en quantité ou en proportion ? Si les modèles grossissent (SUV, etc) voire le nombre de véhicules croit, les émissions ne peuvent pas baisser [ça peut se mesurer via les ventes de c...

à écrit le 24/04/2024 à 8:20
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Une excellente nouvelle, espérons que cela va plomber la voiture électrique en Europe. J'ai un véhicule thermique acquis en 2004 et roulant peu (moins de 1000km/an et moins de 100 000km au compteur) je fais durer mon véhicule avant d'en acheter un n...

à écrit le 24/04/2024 à 8:03
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Amen

à écrit le 23/04/2024 à 14:56
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"doit améliorer sa compétitivité" quand on part de zéro, c'est difficile de tout créer d'un claquement de doigts, et rattraper dix ans de 'retard', voire plus. On n'a pas en UE de matériaux pour faire les batteries, ni de néodyme pour faire les aiman...

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