L'Europe veut placer sous surveillance ses domaines stratégiques, la Chine implicitement visée

Semi-conducteurs, intelligence artificielle, technologies quantiques et biotech. La Commission européenne a dévoilé mardi une liste de quatre domaines stratégiques qui devront être mieux surveillés et défendus face à des États rivaux comme la Chine, même si elle n'est pas citée.
Pour le comissaire européen Thierry Breton, « l'Europe s'adapte aux nouvelles réalités géopolitiques, met fin à l'ère de la naïveté et agit comme une véritable puissance géopolitique. »
Pour le comissaire européen Thierry Breton, « l'Europe s'adapte aux nouvelles réalités géopolitiques, met fin à l'ère de la naïveté et agit comme une véritable puissance géopolitique. » (Crédits : YVES HERMAN)

L'Europe veut se prémunir des menaces de pays rivaux en mettant sous surveillance et en défendant les domaines stratégiques que sont les semi-conducteurs, l'intelligence artificielle, les technologies quantiques et biotech.

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L'annonce de la Commission européenne survient alors que l'UE a ouvert en septembre une enquête sur des aides présumées illégales de Pékin aux constructeurs chinois de voitures électriques, suscitant des tensions avec le géant asiatique.

Officiellement, la Chine n'est pas visée

Le 20 juin, l'exécutif bruxellois avait détaillé une stratégie pour mieux armer le continent dans la défense de ses intérêts économiques, tout en restant ouvert au reste du monde en matière de commerce et d'investissements. La Commission avait alors promis d'établir une liste des technologies essentielles pour lesquelles des mesures d'atténuation de risques seraient envisagées.

Officiellement, la démarche ne vise pas la Chine, mais ce pays, à la fois partenaire et rival stratégique de l'Europe est bien dans toutes les têtes, tout comme la Russie. Les quatre secteurs identifiés mardi se caractérisent par leur impact important sur la société, la possibilité d'un double usage civil et militaire et des risques en matière d'atteinte aux droits humains.

Des annonces attendues au printemps

Pour les sécuriser et éviter les fuites de savoir vers l'étranger, l'UE pourrait recourir à différents types de mesures qui restent à décider : partenariats internationaux, soutien aux filières européennes ou nouveaux outils de ripostes comme des instruments de contrôle des exportations ou des investissements. Des annonces sont attendues au printemps.

Au préalable, la Commission veut dialoguer avec les Vingt-Sept pour identifier précisément, d'ici à la fin de l'année, les risques à atténuer. Les débats s'annoncent intenses. Les pays membres sont notoirement divisés entre partisans d'un libre-échangisme à tout crin et défenseurs d'une approche interventionniste au nom de la souveraineté.

« Aujourd'hui, nous tenons notre promesse de réduire les risques pour l'économie européenne (...). Il s'agit d'une étape importante pour notre résilience », a déclaré le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.

« Nous devons surveiller en permanence nos technologies critiques, évaluer notre exposition aux risques et, le cas échéant, prendre des mesures pour préserver nos intérêts stratégiques et notre sécurité. L'Europe s'adapte aux nouvelles réalités géopolitiques, met fin à l'ère de la naïveté et agit comme une véritable puissance géopolitique. »

Un texte visant à punir tout pays utilisant des sanctions économiques

La publication survient alors que les eurodéputés, réunis en session plénière à Strasbourg, ont approuvé définitivement à la mi-journée un nouvel instrument européen visant à punir tout pays utilisant des sanctions économiques pour faire pression sur un membre de l'UE. Le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, a salué « un renforcement majeur pour la capacité de l'UE à se défendre ». Cet outil ne vise explicitement personne non plus, mais Pékin est là aussi clairement en ligne de mire.

Il pourra être brandi dans un conflit comme celui qui oppose actuellement la Lituanie à la Chine, ont expliqué des responsables européens. Le pays balte accuse Pékin de bloquer ses exportations pour protester contre l'ouverture d'une représentation diplomatique taïwanaise à Vilnius.

« Malheureusement, la coercition économique existe bel et bien aujourd'hui, c'est une véritable préoccupation pour nous », a souligné lundi soir devant les eurodéputés à Strasbourg, Valdis Dombrovskis.

Dans un objectif de dissuasion, l'UE pourra recourir à différents types de représailles : gel d'accès aux marchés publics, blocage d'autorisations de mise sur le marché de certains produits, blocage. « Nous avons fait preuve de beaucoup trop de naïveté à l'égard de la Chine », a jugé lundi soir devant ses collègues à Strasbourg l'eurodéputée libérale suédoise Karin Karlsbro (Renew).

En France, les acteurs de l'éolien jugent « déloyale » la concurrence chinoise

Les acteurs de l'éolien français, par la voix du syndicat France renouvelables, ont plaidé quant à eux mardi pour « une politique industrielle ambitieuse » de l'Europe et de la France, pour lutter contre la concurrence jugée « déloyale » des géants chinois du secteur.

« Le soutien aux énergies renouvelables, qui en France s'est fait beaucoup avec des systèmes de complément de rémunération, doit être absolument complété par une politique industrielle ambitieuse », a déclaré Michel Gioria, délégué général de ce syndicat qui a récemment élargi son champ de compétences à toutes les énergies électriques renouvelables.

Outre des mesures permettant « de renforcer l'investissement dans les sites de production existants, (...) ça doit être aussi une protection réaliste et assumée contre une concurrence déloyale, notamment d'entreprises soutenues par des États dont les règles de concurrence ne sont pas les mêmes qu'en Europe », a-t-il ajouté visant en particulier la Chine.

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 04/10/2023 à 9:54
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Il y a bien longtemps que cela aurait dû être pris en compte. Mais "puisque c'est moins cher" et qu'il y a beaucoup d'argent à faire, nous avons abandonné nos intérêts. Le "moins cher" finit toujours par coûter cher.

à écrit le 04/10/2023 à 9:36
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Bien que sur la planète, la réputation des États-Unis (Big Brother) n'est plus à faire en matière d'actions belligérantes sur chaque nouvelle technologie, il faut bien que son vassal européen lui trouve des rivaux à placer sur le banc des accusés. L...

à écrit le 04/10/2023 à 8:50
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L'ancien président d'ATOS a parlé...

le 04/10/2023 à 10:31
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C’est sûr que vue la politique qu’il a mené chez Atos qui se retrouve dans la panade la plus noir aujourd’hui il n’est pas forcément le plus crédible.

à écrit le 04/10/2023 à 8:46
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"Semi-conducteurs, intelligence artificielle, technologies quantiques et biotech" Maintenant que nous ne sommes plus leaders de quoi que ce soit ça sert à quoi ? A partir du moment ou vous autres classes dirigeantes occidentales avaient délocalisé en...

le 04/10/2023 à 12:42
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Caramba, encore raté. Apple a complètement délocalisé sa production, ça l'empêche pas d'être leader mondial à ma connaissance. Donc pas très fort en logique ou pour connecter causes et conséquences. Ceci dit, il y a des tas de domaines où l'Europe es...

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