L'inflation confirmée à 3% en zone euro, et après ?

L'inflation en zone euro a grimpé à 3% en août, selon la seconde estimation d'Eurostat, marquant un plus haut depuis 10 ans. Ce pic, en grande partie lié à la flambée des prix de l'énergie et la reprise économique mondiale, ne devrait pas s'inscrire dans la durée.
Grégoire Normand
Hors énergie et produits alimentaires non transformés, l'inflation ressort à 1,6% en rythme annuel après 0,9% en juillet, précise Eurostat.
Hors énergie et produits alimentaires non transformés, l'inflation ressort à 1,6% en rythme annuel après 0,9% en juillet, précise Eurostat. (Crédits : Reuters)

L'onde de choc de la pandémie a ravivé le spectre d'une spirale inflationniste partout sur la planète. Aux Etats-Unis d'abord, la fièvre des prix a réveillé les craintes d'une hausse durable de l'inflation chez de nombreux économistes. En Europe, le taux de l'indice des prix en glissement annuel a grimpé de 3% au mois d'août dernier contre 2,2% au mois de juillet d'après les derniers chiffres dévoilés par Eurostat ce vendredi 17 septembre. Il s'agit d'un plus haut depuis 10 ans. L'institut de statistiques bruxellois a ainsi confirmé sa première estimation avancée il y a quelques semaines.

Dans l'Union européenne, l'inflation culmine à 3,2% au mois d'août contre 2,5% en juillet. "Ce n'est pas vraiment une surprise. C'est la seconde estimation. Le chiffre de 3% semble affolant. Il faut remettre ça dans le contexte de la flambée des prix de l'énergie. En août 2020, les prix de l'énergie étaient très bas. Cette hausse est artificielle par rapport à août 2020. L'inflation a été artificiellement basse et elle est dorénavant artificiellement haute" a déclaré l'économiste chez ING, Charlotte de Montpellier, interrogée par La Tribune. En effet, l'indice des prix à la consommation avait atteint un creux à -0,2% à l'été 2020 en raison notamment d'une chute importante des prix de l'énergie. Le rebond mécanique et "l'effet de base" en statistiques doivent donc être pris en compte.

A cela s'ajoutent les tensions sur les chaînes d'approvisionnement qui persistent sur le globe et font augmenter le prix du fret maritime et du transport aérien de marchandises depuis des mois. Du côté de la Banque centrale européenne, sa présidente Christine Lagarde a jugé "temporaire" la hausse marquée des prix lors d'un récent point presse. L'institution de Francfort anticipe une inflation à 2,2% en 2021, soit légèrement au dessus de son objectif fixé à 2%. En 2022, l'indice des prix pourrait s'établir à 1,7%. Dans ce contexte, la BCE a décidé d'alléger légèrement ses mesures de soutien exceptionnelles à l'économie mises en place depuis le début de la crise sanitaire.

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Flambée des prix de l'énergie, une inflation sous-jacente à 1,6%

La reprise économique mondiale d'abord tirée par la Chine puis les Etats-Unis a fait flamber les prix de l'énergie en début d'année. Avec l'accélération de la vaccination au cours du premier semestre 2021 et la levée des mesures de confinement, les moteurs de l'économie européenne ont également redémarré à vive allure après un plongeon abyssal en 2020. Résultat, la demande en énergie s'est envolée ces derniers mois sur le Vieux continent. Les frictions entre l'offre et la demande se sont répercutées sur les prix des matières premières.  Les prix de l'énergie ont bondi de 15,4% en rythme annuel en août, leur plus forte hausse enregistrée depuis le début de l'année. Dans le détail, l'examen des chiffre de la direction statistique européenne indique que la plus forte contribution au taux d'inflation annuel provient de l'énergie (1,4 point de pourcentage). Viennent ensuite les biens industriels (0,65 point de pourcentage) et l'alimentation (0,43 point de pourcentage).

Pour mieux appréhender cet indicateur, "il est plus intéressant de regarder l'inflation sous-jacente qui exclut les prix les plus volatils comme ceux de l'énergie. L'indice des prix hors de l'énergie est à 1,6 point. Elle n'est pas historiquement élevée" explique l'économiste. En outre, ce 1,6 point "est surestimé en raison des soldes d'été décalées de juillet à août en 2020 dans beaucoup de pays de la zone euro" ajoute-t-elle. Du côté des services qui sont moins soldés, les prix ont augmenté de 1,1% "Les tensions inflationnistes sont loin d'être extrêmes" précise-t-elle.

Des contrastes importants en zone euro

L'indice des prix calculé par les services statistiques européens masque d'importantes disparités au sein de l'Union monétaire. Certains pays comme l'Estonie (5%), la Lituanie (5%) ou la Belgique affiche des taux d'inflation relativement élevés alors que d'autres comme la Grèce (1,2%) ou Malte (0,4%) enregistrent des hausses plus modérées. Quant à l'Allemagne, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 3,4% contre 3,3% en Espagne ou 2,5% en Italie. Concernant la France, l'inflation a accéléré à 2,4% au mois d'août. De son côté, la Banque de France dans sa dernière note de conjoncture anticipe une inflation de 1,8% en 2021 et de 1,4% en 2022. Les économistes s'attendent à des pics mensuels marqués au dessus de 2% entre août et décembre. "Pour autant, cette poussée significative, due notamment aux effets des hausses des coûts des intrants industriels sur les prix des produits manufacturés, devrait rester temporaire" expliquent les conjoncturistes de la Banque centrale.

Vers une tendance à la hausse de l'inflation ?

A ce stade, il est encore difficile d'imaginer un tel scénario. "Cette inflation est surtout liée à des facteurs temporaires relatifs à la hausse des prix de l'énergie et des tensions sur les chaines d'approvisionnement. Ce n'est pas une période d'hyperinflation" tempère Charlotte de Montpellier. Elle anticipe une hausse de l'inflation en zone euro à 1,7% en 2021 et 1,6% en 2022. En revanche, elle n'exclut pas un changement de tendance dans les années à venir.

"Entre 2010 et 2020, l'inflation sous-jacente était à 1,2% en moyenne. Il y a  une tendance qui va évoluer. Les entreprises doivent répercuter cette hausse de coûts sur les prix et on voit apparaître quelques pressions sur les salaires. En Allemagne, il y a eu de négociations avec les syndicats dans l'industrie. En France, le SMIC devrait augmenter en raison de la hausse des prix" ajoute-elle. "Il pourrait y avoir une période avec des prix plus élevés que lors des périodes du passé mais cette hausse ne risque pas de dépasser l'objectif principal de la BCE fixé à 2%."

La plupart des économistes aujourd'hui s'accordent à dire que l'inflation est principalement portée par des poussées inflationnistes temporaires. Si une tendance à la hausse n'est pas à écarter, ces pics provoqués par la reprise et des facteurs temporaires sont loin de faire une tendance hyperinflationniste.

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Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 18/09/2021 à 9:54
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Vous voulez dire que les factures d'eau, d'assurances, des banques et d’électricité vont baisser ? Aucune chance, l'effet cliquet qui expose le fait que les taxes et impôts ne diminuent jamais est encore plus vrai avec les factures imposées liées aux...

le 18/09/2021 à 13:51
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Pour le courant, et son abonnement, ça ne fera qu'augmenter. Le gaz, à une époque, a perdu 10% sur 5 ans, petit à petit puis repris 10% en un an. Mais y a trop de demande en ce moment (après avoir un peu fermé le robinet pour jouer sur les prix et ai...

à écrit le 17/09/2021 à 18:57
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encore une fois ca depend comment on mesure l'inflation..........les prix de l'immobilier ont explose quand les autres prix ne montaient que moderemment alors on disait qu'on etauit en deflation (!!!) maintenant que les prix immo sont stratospherique...

à écrit le 17/09/2021 à 18:09
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Et après ? Reindexation des pensions, surtout les retraites, sur l'inflation, pour commencer.

à écrit le 17/09/2021 à 17:41
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"en grande partie lié à la flambée des prix de l'énergie et la reprise économique mondiale" : Et aussi un peu à cause de la planche à billets de la BCE, non ?

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