Malgré le ralentissement économique, la BCE reste inflexible et augmente pour la dixième fois ses taux

À l'issue de la réunion de son conseil des gouverneurs, ce jeudi, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une hausse de 25 points de base de son taux de référence. Ce dernier se situe désormais au plus haut niveau de son histoire. Il s’agit de la dixième augmentation consécutive.
(Crédits : FRANCOIS LENOIR)

[Article publié le jeudi 14 septembre à 14H28 et mis à jour à 17H09] C'était attendu : la Banque centrale européenne a confirmé, ce jeudi 14 septembre, sa politique de resserrement monétaire. L'institution a, ainsi, augmenté son taux de référence de 25 points de base. Désormais à 4%, il se situe au plus haut niveau de son histoire. Le taux de refinancement et le taux de facilité de prêt marginal se situent, eux, à 4,50% et 4,75%. Au total, ce dernier relèvement porte à 450 points de base la hausse des taux dans la zone euro depuis plus d'un an.

Elle indique dans son communiqué que « le Conseil des gouverneurs considère que les taux d'intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l'inflation au niveau de l'objectif ».

« Evidemment, certains membres n'ont pas tiré la même conclusion, et certains gouverneurs auraient préféré une pause (...) mais je peux vous dire qu'une solide majorité a été d'accord avec cette décision », a affirmé Christine Lagarde, lors d'une conférence de presse à l'issue de la réunion de politique.

 « Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic »

« La crainte de ne pas maîtriser totalement l'inflation et le risque de s'arrêter trop tôt ont dû être une préoccupation plus importante que le risque croissant de récession dans la zone euro », a réagi Carsten Brzeski, de la banque ING, après la décision. Mais il estime aussi que la BCE a annoncé jeudi « la hausse finale » du cycle de resserrement monétaire.

Il est trop tôt pour dire si les taux d'intérêt de la Banque centrale européenne ont atteint leur pic, a estimé ce jeudi Christine Lagarde, présidente de la BCE. « Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic », a-t-elle déclaré à la presse. Tout en estimant que les taux ont atteint des niveaux qui apporteront « une contribution substantielle » à la baisse souhaitée de l'inflation, la prochaine décision de l'institution en matière de taux dépendra « des données » économiques, a-t-elle ajouté.

L'euro chutait face au dollar ce jeudi après la hausse de taux décidée par la Banque centrale européenne (BCE), les investisseurs pariant sur le fait qu'elle pourrait être la dernière. Vers 16h10, heure de Paris, l'euro déclinait, perdant 0,65% à 1,0659 dollar, sans toutefois tomber au-delà de son plus bas de fin mai, où il avait atteint 1,0635 dollar.

Jusqu'à présent, certains analystes anticipaient une stabilisation des taux pour la rentrée 2023 après plus d'un an de lutte contre l'inflation - la première hausse de taux de la BCE ayant été entamée en juillet 2022. Il semble donc qu'il faudra attendre encore quelques mois pour voir l'institution de Francfort marquer une pause.

Une inflation qui met du temps à redescendre

Cette nouvelle décision de la gardienne de l'euro intervient alors que l'inflation a connu un nouveau rebond sur le Vieux Continent le mois dernier. Les prix à la consommation ont augmenté de 5,3% sur un an en août en zone euro, soit une hausse de 0,6% par rapport à juillet, selon Eurostat. Les données du mois d'août marquent ainsi une pause dans le ralentissement de l'inflation qui s'était poursuivi de façon ininterrompue depuis mai. En cause, les prix de l'énergie. Ces derniers continuent de reculer par rapport aux très hauts niveaux atteints l'an dernier, mais de façon moins marquée que les mois précédents. Leur baisse s'est limitée à 3,3% en août, contre 6,1% en juillet.

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En conséquence, la BCE a revu à la hausse, ce jeudi, ses prévisions d'inflation. L'institution monétaire prévoit désormais +5,6% en 2023 et +3,2% en 2024 contre respectivement +5,4% et +3,0%. Elle a en revanche abaissé sa prévision pour 2025 à 2,1%, contre 2,2% attendu auparavant, ce qui ramènerait la hausse des prix vers son objectif de 2%.

Hors énergie et produit alimentaire, la trajectoire de l'inflation a toutefois été légèrement révisée à la baisse à 5,1 % en moyenne en 2023, 2,9 % en 2024 et 2,2 % en 2025.

« L'inflation continue de ralentir mais devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l'inflation au niveau de son objectif de 2 % à moyen terme ».

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La BCE revoit ses prévisions de croissance pour la zone euro à la baisse

Certains économistes et analystes financiers se demandent néanmoins si l'objectif de 2% doit toujours rester une priorité absolue pour l'institution de Francfort. En continuant de durcir l'accès au crédit et aux investissements pour les ménages et les entreprises, la BCE risque de sacrifier l'activité économique. « Les conditions de financement se sont encore resserrées, freinant de plus en plus la demande, ce qui constitue un élément important pour ramener l'inflation au niveau de l'objectif », a admis la BCE dans son communiqué.

Elle a d'ailleurs revu, une nouvelle fois, à la baisse ses estimations pour la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro à 0,7% en 2023 contre 0,9%, 1% contre 1,5% en 2024 et 1,5% contre 1,6% en 2025.

D'autant que certains pays affichent déjà une croissance dans le rouge. C'est notamment le cas de l'Allemagne qui a connu une croissance nulle au deuxième trimestre 2023, après deux trimestres de repli de son PIB et qui risque de connaître à nouveau une baisse de son activité au troisième trimestre. Selon la Commission, le PIB de la première économie de la zone euro devrait se contracter de 0,4% cette année avant de croître à nouveau, de 1,1% en 2024.

Des « niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire »

Quant à une possible fin de cette politique de resserrement monétaire, elle ne semble pas être pour l'instant envisagée par la BCE. « Les futures décisions du Conseil des gouverneurs feront en sorte que les taux d'intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire », est-il ajouté dans le communiqué.

Avec cette nouvelle hausse des taux, la BCE prend « un risque important », celui de « faire sombrer l'économie de la zone euro dans la récession sans réduire l'inflation plus rapidement », juge Marcel Fratzscher, président de l'institut de conjoncture DIW. Désormais, le débat à la BCE se concentrera sur « la durée du probable plateau » atteint par les taux, souligne de son côté Holger Schmieding, économiste chez Berenberg. Contrairement à la Fed américaine, qui pourrait commencer à réduire ses taux au printemps 2024, « la BCE fera probablement largement du sur place l'année prochaine », conclut-il.

En avance sur la BCE, la Fed marque une pause dans sa remontée de taux

À l'inverse de la BCE qui maintient le flou sur sa trajectoire, la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) semble beaucoup plus prévisible. Selon les économistes interrogés par Reuters, la gardienne du dollar laissera inchangés les taux des fonds fédéraux (oscillant entre 5,25% et 5,5%) à l'issue de sa réunion de politique monétaire des 19 et 20 septembre.

En revanche, Jerome Powell, son président, a réaffirmé que les taux resteraient probablement élevés pendant longtemps et qu'une nouvelle hausse du loyer de l'argent dans les prochains mois, pourrait même être encore nécessaire pour ramener l'inflation vers l'objectif de 2%.

(Avec agences)

Commentaires 8
à écrit le 15/09/2023 à 8:59
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"Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage"; on n'est pas sortis de l'auberge.

à écrit le 15/09/2023 à 8:13
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Les passes plats

à écrit le 15/09/2023 à 2:35
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lagarde est a l'ouest, comment voulez-vous qu'elle vous indique un cap, voire une direction ? L'euro se traine, se devalue, cette monnaie ne draine pas de credibilite encore moins d'avenir.

à écrit le 14/09/2023 à 16:04
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Je vous l'avais déjà pronostiqué, la BCE n'avait pas le choix vu la situation macroéconomique et le retard prit au regard de la Fed😜

le 14/09/2023 à 19:08
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@Raymond: Merci Cassandre (gentiment). On vous lit!

le 15/09/2023 à 7:25
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la bce est incapables d'une vision de l'europe son seul objectif suivre a l'aveugle les usa mais pour quelle raison remure t'on ces gens autant appliquer les directive us c'est vraiment nourrir des fonctionnaires pour rien

à écrit le 14/09/2023 à 15:23
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Après les politiques laxistes une nouvelle hausse tardive des taux d’intérêt pour une récession en fin d’année

le 14/09/2023 à 16:10
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"Après les politiques laxistes une nouvelle hausse tardive des taux d’intérêt". Tout à fait @ Carlier. Selon mon expertise, j'estime plutôt la stagflation pour la France avant la fin d'année, puis entrée en récession dès le T3 2024.

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