Pacte de stabilité : accord en vue en Europe avant la fin de l'année, mais certains Etats restent à convaincre

La France et l'Allemagne sont parvenus à un compromis sur les nouvelles règles budgétaires à appliquer à partir du premier janvier 2024. Les ministres Bruno Le Maire et Christian Lindner ont ainsi réussi à convaincre l'Italie et l'Espagne de les suivre. Mais les « pays frugaux », particulièrement rigides sur le sujet, tiennent encore une position ferme. Pressés par le calendrier, les 27 Etats européens doivent pourtant donner leur aval avant la fin de l'année.
Grégoire Normand
Les Etats européens doivent se réunir le 19 décembre prochain. En cas d'échec, les règles du traité de Maastricht s'appliqueront à nouveau à partir du premier janvier 2024.
Les Etats européens doivent se réunir le 19 décembre prochain. En cas d'échec, les règles du traité de Maastricht s'appliqueront à nouveau à partir du premier janvier 2024. (Crédits : Reuters)

La réforme des règles budgétaires va-t-elle enfin voir le jour ? Après deux ans d'âpres négociations et d'échanges, les 27 pays de l'Union européenne pourraient parvenir à un accord d'ici la fin de l'année 2024. À l'issue d'un dîner à Bruxelles jeudi soir, les huit heures de discussions entre les ministres des Finances de la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne ont abouti à un compromis. Ce vendredi 8 décembre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est sorti soulagé de cette interminable réunion. « Nous avons fait des progrès importants cette nuit vers un accord pour de nouvelles règles du pacte de stabilité et de croissance », a déclaré le locataire de Bercy.

Jugées « obsolètes » par plusieurs chefs d'Etat, les règles budgétaires des 3% de déficit et des 60% de dette à ne pas dépasser étaient suspendues depuis le début de la pandémie. À l'époque, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, avait annoncé l'activation de la clause de dérogation des règles des traités. Mais cette clause était suspensive. Pressé par le calendrier, l'ensemble des Etats doivent se mettre d'accord avant le premier janvier 2024 sur les nouvelles règles du pacte de stabilité. Le 19 décembre prochain, les ministres des Finances doivent à nouveau se réunir en Belgique pour un Conseil Ecofin décisif.

De la flexibilité sur les règles, mais temporaire

Le compromis trouvé entre les quatre grandes puissances doit conserver la règle des 3% de déficit et des 60% de la dette à ne pas dépasser. Le principal point de friction entre l'Allemagne et la France concernait la règle de procédure pour déficit excessif. De son côté, l'Hexagone réclamait de la flexibilité sur ces règles en prenant en compte la nécessité d'investir dans la transition écologique et de mettre le paquet sur le budget de la Défense. L'objectif est que les Etats remplissent leurs engagements sur le traité de Paris sur l'environnement et auprès de l'Otan pour le volet militaire avait rappelé Bruno Le Maire à la veille du conseil des ministres européens.

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Du côté de l'Allemagne, le ministre des Finances, Christian Lindner, issu du très libéral FDP, demandait une inscription de cette flexibilité limitée dans la durée. Christian Lindner « a accepté que le compromis prenne en compte l'ampleur de la charge de la dette liée à la hausse des taux d'intérêt », explique une source témoin des négociations. « La France a accepté que la flexibilité soit temporaire sur la période 2025-2027. Nous avons trouvé une voie de sortie, mais elle est transitoire », poursuit cette source.

En clair, la dizaine de pays menacés par des procédures de déficits excessifs pourront échapper aux récriminations de la Commission européenne s'ils engagent des investissements dans la transition énergétique ou leur Défense. « L'Etat doit réduire son déficit primaire de 0,5% par an, mais il garde des marges de manœuvre et de la flexibilité ». À ce stade, les détails techniques du compromis n'ont pas été communiqués à tous les pays. « Il y a un risque de braquer les pays qui n'ont pas encore signé. Ces chiffres seraient pris en otage par les pays frugaux pour dire qu'il y a trop de flexibilité ».

Les « pays frugaux » en embuscade

En effet, à quelques mois des élections européennes prévues en juin prochain, la France et l'Allemagne doivent encore obtenir l'aval des « pays frugaux » particulièrement rigides sur les règles de discipline budgétaire. « Les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l'Autriche ont conservé une position très dure pendant la nuit », confie une source diplomatique. « L'Allemagne doit encore convaincre ces pays ».

Pour le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, « la dernière étape est toujours la plus difficile, il ne faut pas minimiser les efforts qu'il nous reste à faire dans les heures et dans les jours qui viennent ». Ce vendredi matin, le ministre des Finances allemand « a condamné le non-respect des règles. Il a tenu cette position dure. Pourquoi a-t-il fait cela ? Pour convaincre les pays frugaux d'adhérer au compromis », souligne un témoin des coulisses de la négociation.

L'Allemagne en « posture difficile »

Pour l'Allemagne, ce type de négociation est devenu un exercice de haute voltige. Le pays traverse une crise inédite. Entre une économie plombée par la récession et un marasme budgétaire, la coalition au pouvoir est secouée de toutes parts. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a considéré, dans un retentissant arrêt rendu en novembre, que le gouvernement contournait le frein à l'endettement en transférant dans un fonds « pour le climat et la transformation » un reliquat de 60 milliards d'euros destiné initialement à amortir les effets de la pandémie de Covid-19.

Ce frein à l'endettement, qui limite le déficit structurel à 0,35% par an et loué pendant des décennies par « les pays frugaux », est désormais amplement critiqué en Allemagne. « Les Allemands sont rappelés à l'ordre par les principes de l'orthodoxie budgétaire, estime Jérôme Creel, économiste à l'OFCE, spécialiste des questions européennes, mais ils ont besoin de souplesse ».« Les Allemands sont dans une mauvaise posture [...] Et même, s'il y a un assouplissement des règles budgétaires, le gouvernement n'est pas à l'abri des attaques juridiques », souligne l'économiste.

Risque de décrochage de l'Union européenne

Plus largement, l'économie européenne traverse une zone de fortes turbulences. Entre la récession en Allemagne et la stagnation en France et en Italie, les ménages et les entreprises sont en plein brouillard. Dans ce contexte morose, le risque de décrochage s'amplifie entre la zone euro et les Etats-Unis. « Nous sommes en train de nous faire larguer par les Américains. C'est maintenant qu'il faut bâtir des usines de panneaux solaires, des éoliennes off-shore », a déclaré un diplomate au fait des dessous des négociations.

Lire aussiFace aux Etats-Unis, le risque de décrochage de l'Europe s'accentue

Sur le Vieux continent, les milieux patronaux et financiers s'inquiètent surtout des répercussions négatives à moyen terme de la remontée des taux. En resserrant sa politique monétaire à un rythme soutenu, la Banque centrale européenne (BCE) a durci drastiquement les conditions de financement des entreprises et des Etats. Résultat, les perspectives d'investissement sont assombries. L'échec d'un accord sur de nouvelles règles budgétaires pourrait plonger l'Union européenne dans une profonde léthargie.

Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 20/12/2023 à 15:51
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@ Appaches L'euro n'est pas à blâmer pour l'industrialisation de la France. Il s'agit d'une tendance qui a déjà commencé bien auparavant et qui ne se limite pas à la France. L'Europe a dépassé son zénith. Les Européens sont confortables et sans ambi...

à écrit le 10/12/2023 à 9:42
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Pourquoi les pays qui se disent frugaux ne quitteraient pas l'UE pour former une petite UE frugale !?

le 10/12/2023 à 9:59
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Vite! Et en suite supprimer l'accord de Schengen.

le 11/12/2023 à 7:55
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Je pense que c'est plutôt le CLUB Med qui comprend aussi la France, vue 'Allemagne, qui doit sortir de l'Euro!!!! Une monnaie se mérite. Si vous faites de la politique au lieu de l'économie, celle ci se venge toujours. Les états du sud ne pouvant pl...

à écrit le 09/12/2023 à 13:08
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@Rogger Les Français ne sont pas des idéalistes européens, mais des nationalistes égoïstes. La France était depuis longtemps sortie du club européen si l'euro apportait la France à des inconvénients économiques et financiers. Je vous rappelle que...

le 11/12/2023 à 7:46
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100% d'accord avec vous!!!! Mais en Allemagne, on s'adapte tres vite, en France l'EURO avec la protection financiere Allemande ne s'adapte pas. Elle profite de l'Euro pour se désindustrialiser. En fait c'est un suicide pour la France dont l'industr...

à écrit le 09/12/2023 à 10:54
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Bonjour, il n'est pas question de quitter la zone euro. Les règles budgétaires imposées par l'Union européenne nous ont permis de ne pas dévaluer notre monnaie. Les gouvernements successifs de la France, incapable de régler les problèmes de notre pa...

le 09/12/2023 à 11:03
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La monnaie n'est qu'un moyen d'échange et non un but de référence... alors les dévaluations successives ne sont pas un problème et s'ajuste à l'économie réelle ! Par contre sous le "Franc" nous avions moins de dette et plus de valeur ! ;-)

le 09/12/2023 à 13:59
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Oui, le retour aux billets de 10.000 francs. Bon courage.

le 09/12/2023 à 14:17
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Naturellement pas un mot sur le fait que l'Euro au delà 1.02 voir 1.03 pour 1 $ est trop cher pour la compétitivité Française et que par conséquent cela oblige à faire des dévaluations interne à defaut de pouvoir le faire avec l'Euro !

le 09/12/2023 à 15:44
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L' economie francaise est basee sur le rend des services sans valeur ajoutee. Ce que la France produise est presque toujours en partenait avec des autres pays, voire avec leur aide. Parce que le population n'etait jamais satisfaite et meurt de jalous...

à écrit le 09/12/2023 à 9:05
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Encore heureux que les pays les "moins frugaux" leurs achètent des marchandises en se faisant insulté ! Sinon ils n'auraient rien à dire ! ,-)

à écrit le 09/12/2023 à 9:02
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C'est sérieux? A combien nous reviendrait la sortie de l'€?

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