Pour l'Allemagne, il faut plus de charbon pour se passer du charbon

Malgré une forte opposition des écologistes, l'extension de la mine de charbon à ciel ouvert de Garzweiler exploitée par RWE va se faire. L'Allemagne, qui était très dépendante des importations d'hydrocarbures russes, veut sécuriser son approvisionnement en électricité dans les prochaines années, quitte à polluer davantage. Mais le gouvernement ne remet pas en cause l'objectif de sortie du charbon en 2030.
Robert Jules
Vue du site de la mine à ciel ouvert de lignite de Garzweiler, exploitée par le géant de l'énergie RWE. L'extension du site a conduit à la destruction du village de Lützerath dont le sous-sol recèle du charbon.
Vue du site de la mine à ciel ouvert de lignite de Garzweiler, exploitée par le géant de l'énergie RWE. L'extension du site a conduit à la destruction du village de Lützerath dont le sous-sol recèle du charbon. (Crédits : Reuters)

L'évacuation musclée lundi des derniers militants écologistes qui protestaient contre l'extension de la mine à ciel ouvert de charbon de Garzweiler, dans le bassin rhénan, a montré que le gouvernement compte bien sur le charbon pour sécuriser son approvisionnement énergétique dans les prochaines années.

L'opposition à la destruction de Lutzerath, un village proche de la mine devenu pour les écologistes le symbole de la résistance aux combustibles fossiles, avait pourtant mobilisé samedi quelque 35.000 manifestants, dont l'égérie du combat en faveur du climat, la Suédoise Greta Thunberg.

Mais l'extension de la mine exploitée par le géant RWE est jugée vitale par le gouvernement. « C'était nécessaire. Mais bien sûr que c'est un péché vis-à-vis de la politique climatique, et que nous devrions travailler à ce que cela dure le moins de temps possible », s'est justifié lundi Robert Habeck, ministre écologiste de l'Économie.

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine et les sanctions imposées notamment par les Européens contre Moscou, le calendrier de sortie du charbon comme source d'énergie qui avait été avancé de 2038 à 2030 à la demande des Verts, dans le cadre du contrat du gouvernement de coalition passé entre sociaux-démocrates, écologistes et libéraux, a dû être reporté à de meilleurs jours.

Envolée des prix du gaz

Néanmoins, ce retour vers la houille n'est pas nouveau en Allemagne. Avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine et l'envolée des prix du gaz, le pays avait déjà recours à la lignite dans son bouquet énergétique afin de pallier la sortie du nucléaire et en attendant que les énergies renouvelables se développent suffisamment (voir graphique).

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Mix énergétique allemand

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En 2021, la consommation de charbon avait augmenté de +14% dans l'Union européenne (UE), notamment en Allemagne (+19% avec 26 millions de tonnes supplémentaires) et en Pologne (+12% avec 13 millions de tonnes en plus). Selon l'AIE, la consommation de charbon par les pays de l'UE devrait encore augmenter en 2022, de 9% (+31 millions de tonnes), pour atteindre un total de 377 millions de tonnes, un niveau proche de celui de l'avant-pandémie en 2019.

Pourtant, la demande de charbon en Europe (notamment en Allemagne, voir graphique) avait bien baissé depuis une décennie, atteignant son plus bas point en 2020, lors de la pandémie du Covid-19.

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Mix électrique allemand

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Une orientation favorisée par les prix bas du gaz naturel, notamment russe, incitant à le substituer au charbon, car beaucoup moins polluant. A contrario, la multiplication par 10 des prix du gaz à partir de la fin 2021 jusqu'à l'automne 2022 a rendu à nouveau le charbon compétitif pour produire de l'électricité, malgré des prix du carbone élevés.

Allemagne et Pologne principaux importateurs de charbon russe

L'invasion de l'Ukraine et les sanctions imposées à Moscou (bannissement des achats de charbon et de pétrole russes) ont changé la donne pour l'Europe qui n'était pas seulement étroitement dépendante de la Russie pour le gaz et le pétrole, mais aussi pour le charbon. Ainsi, les pays de l'UE - principalement l'Allemagne, la Pologne et les Pays-Bas - importaient habituellement 45% de leur charbon de Russie, soit 52 millions de tonnes.

L'Allemagne n'est pas la seule à s'être tournée vers la houille. La Finlande, la France, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Italie, le Danemark, la Grèce, la République tchèque, la Hongrie et l'Autriche ont prolongé l'activité de centrales existantes, voire en ont rouvert. Mais cela reste marginal par rapport à l'Allemagne où le charbon a permis de remplacer une capacité totale équivalente à 11,6 GW de production de gaz.

Ces besoins ont également conduit à relancer la production locale. En 2021, elle a augmenté de 10%, déjà soutenue par les prix élevés du gaz naturel. Mais elle est principalement concentrée en Allemagne (38%) et en Pologne (32%), loin devant la République tchèque et la Bulgarie (9% chacune). Selon l'AIE, ces extractions devraient croître de 7% en 2022 pour atteindre 357 millions de tonnes, et augmenter encore de 2,7 millions de tonnes cette année.

En Allemagne, la production de lignite (moins concentrée en carbone que la houille) avait déjà augmenté de 18% en 2021, en raison de la demande des producteurs d'électricité mais aussi des ménages qui reviennent au charbon pour se chauffer car moins cher que le gaz mais aussi le bois. Malgré cette hausse de la production locale, la première économie européenne reste le premier importateur (38 millions de tonnes) hors de la zone Asie Pacifique où se concentre 79% des importations mondiales de charbon.

En 2025, la demande de charbon est prévue de baisser

Toutefois, ce recours intensif au charbon, lié à des conditions exceptionnelles - la nécessité d'en finir avec l'étroite dépendance aux importations d'hydrocarbures russes -, n'est pas appelé à durer selon l'AIE. L'agence prévoit que la production de charbon de l'UE en 2025 sera en baisse de 19% par rapport à ses niveaux de 2022, à 289 millions de tonnes, grâce à l'amélioration de l'efficience énergétique et l'expansion des capacités d'énergie renouvelable. L'année 2025 bénéficiera également du retour aux prix bas du gaz qui se substituera au charbon dans la production d'électricité. L'Europe devrait également bénéficier du retour à la normale dans la production d'électricité nucléaire en France et la mise en service de nouvelles capacités issues d'énergies renouvelables. L'AIE prévoit que la demande de charbon thermique en Allemagne va baisser de 57 millions de tonnes pour tomber à 93 millions de tonnes en 2025. Et si l'on prend la demande à l'échelle européenne, elle devrait passer de 478 millions de tonnes à 371 millions de tonnes en 2025.

De fait, le système d'enchères mis en place par Berlin pour accompagner financièrement la réduction des capacités de production d'électricité à partir du charbon n'a pas été remis en cause. Le gouvernement prévoit toujours de réduire ses centrales de houille (plus concentrée en carbone que la lignite) de 6,2 GW et de 2,9 GW de lignite entre 2021 et 2025.

Depuis des mois, le chancelier Olaf Scholz a martelé qu'il ne renonçait pas à son objectif d'abandonner cette énergie polluante en 2030, et exclut « une renaissance des énergies fossiles, en particulier du charbon ». Reste à savoir si la situation présente ne risque pas de perdurer plus longtemps que prévu.

Robert Jules
Commentaires 13
à écrit le 18/01/2023 à 18:08
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Le problème de nos écolos allemands, et notamment de Mamie Merkel et de son parti qui furent notre bourreau, c'est qu'ils n'ont pas compris qu'en coulant le nucléaire français via l'UE, en indexant le nucléaire sur le gaz, et en créant une concurrenc...

le 19/01/2023 à 21:18
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Le drame de l'Allemagne c'est qu'ils croient appliquer sérieusement des objectifs délirants. Si vous regardez leurs projets pour 2030, ils pensent pouvoir se passer du nucleaire, du charbon et même du gaz en multipliant par 2 leurs éoliennes et par4 ...

à écrit le 18/01/2023 à 15:57
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Nos amis allemands n'ont pas l'air très malin, en ce moment. Mais il faut les excuser : on est très vite dans l'absurde, si on écoute tous les délires sur le réchauffement planétaire.

à écrit le 18/01/2023 à 0:58
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L'Allemagne a joué le gaz Russe contre le nucléaire en général et Français en particulier. Résultat, elle est en train de perdre en gardant l' espoir de renormaliser ses relations avec la 🇷🇺 Russie.

à écrit le 17/01/2023 à 21:52
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L'Allemagne veut passer du charbon à l'hydrogène, directement, mais quand se fera-ce ? Y a parfois des contretemps qui font penser que la date choisie est repoussée, sine die. Surtout si cet hydrogène vert devait passer par un pipeline russe.

à écrit le 17/01/2023 à 18:12
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Encore une GROSSE différence entre l'Allemagne et la France; nous avec nos Verts/rouges/roses plus d'aéroports, plus de bassines, plus de nouveaux barrages surtout comme Tignes ou Serponçon avec noyade de Villages, pas d'éoliennes terrestres, Les Ver...

à écrit le 17/01/2023 à 17:25
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La demande d'énergie suit l'augmentation des effets de "la politique de l'offre", c'est à dire de la conséquence d'une publicité commerciale... indispensable à la création de cette demande artificielle !

à écrit le 17/01/2023 à 15:40
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Merci pour cet article. Oui, on voit qu'il y a trop d'hypocrisie : Ou bien on abandonne la lutte contre le réchauffement, on bien on l'applique, mais là c'est du grand n'importe quoi

le 17/01/2023 à 16:43
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Vous ne comprenez pas que l'usage du charbon maintient le niveau de vie de gens qui ne seront plus là quand il faudra payer la note🤣 Et puis cette consommation est très faible en comparaison de ce que consomment Chine Inde Indonésie USA et quelques...

le 17/01/2023 à 18:07
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qui vas dire stop a l'hypocrisie allemande deja qu'ils ont tout fait pour ne pas payer leur detta de crime de guerre maintenant apres avoir imposer leur dictature monaitaire il nous pollue avec leur charbon et c'est aux europeens de payer leur fa...

le 17/01/2023 à 18:19
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"Et puis cette consommation est très faible en comparaison de ce que consomment Chine Inde Indonésie USA et quelques autres nations. Il n'y a pas de quoi en faire un drame" : Bien sûr, qu'il n'y a pas de quoi en faire un drame : Mais alors, qu'on arr...

le 17/01/2023 à 19:03
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En bref, au nom du soutien à l'Ukraine (sans même savoir comment on finit cette guerre) , on sacrifie des petites nations dans le Pacifique ou ailleurs... Après, on s'étonnera que les autres nations considèrent les occidentaux comme des profiteurs s...

le 19/01/2023 à 2:24
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Puisque "cette consommation est très faible" et que, si j'en crois l'article, il ne s'agit que de gagner 2 ou 3 ans, pourquoi s'acharner sur ce village? "On" va sacrifier Lutzerath et "on" va sortir du charbon dans la foulée? Tout cela parce qu' "on...

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