Pour la Banque de France, « la hausse des taux, c'est fini, sauf surprise, sauf choc »

François Villeroy de Galhau a estimé que la BCE ne devrait pas augmenter de nouveau ses taux directeurs, mettant ainsi sur pause sa politique de resserrement monétaire en cours depuis juillet 2022. A la Bourse de Paris, le CAC 40 a clôturé à un plus haut qu'il n'avait plus atteint depuis un mois. Outre-Atlantique, une nouvelle hausse des taux n'est pas exclue a averti jeudi le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. (Crédits : Reuters)

[Article publié le jeudi 9 novembre à 10H17 et mis à jour à 18H33, puis 20h30]

Ce pourrait être bel et bien la fin, tant attendue, du resserrement de la politique monétaire opéré par la Banque centrale européenne (BCE) depuis juillet 2022. C'est du moins ce que veut croire François Villeroy de Galhau. Selon le gouverneur de la Banque de France, « nous sommes en train de gagner la bataille contre l'inflation et sauf surprise, sauf choc, la hausse de nos taux directeurs, c'est fini ». Un discours optimiste qu'il a toutefois nuancé en ajoutant qu'il était « trop tôt pour parler de baisser ».

« Je ne dis pas : nous avons déjà gagné » la bataille contre l'inflation, a encore ajouté celui qui est membre du conseil des gouverneurs de la BCE, tout en se disant convaincu que « nous allons ramener l'inflation vers 2% d'ici 2025 ». Et de préciser : « Ceci vaut pour la France comme pour la zone euro ».

Une annonce qui n'a pas manqué de redonner de l'air au marché. La Bourse de Paris a terminé en hausse de 1,13% jeudi. L'indice vedette CAC 40 a pris 79,50 points à 7.113,66 points, son plus haut niveau de clôture depuis le 11 octobre.

Objectif 2% d'inflation

Pourtant, l'inflation dans la zone euro (les vingt pays à avoir adopté la monnaie unique) n'a toujours pas atteint la cible des 2%, seuil synonyme de stabilité des prix pour assurer l'équilibre de l'économie, la principale mission de la BCE. En octobre, son taux atteignait encore 2,9% sur un an, selon Eurostat. C'est néanmoins son niveau le plus bas depuis plus de deux ans. Il était de 4,3% sur un an en septembre et de 5,2% en août.

Lire aussiBCE : jusqu'où porter les taux pour ramener l'inflation à 2% ? Et faut-il s'accrocher à cet objectif ?

« Si on regarde l'indicateur sur l'inflation, le processus de baisse a été entamé, résume ainsi Christopher Dembik », conseiller senior en stratégie d'investissement chez Pictet AM, estimant que « la BCE ne serait pas prête à accepter une récession grave pour faire diminuer l'inflation à 2% ». Car c'est là l'une des conséquences du virage pris par l'institution monétaire depuis plus d'un an qui a freiné tant la consommation, que l'investissement.

Pour rappel, le 26 octobre dernier, si elle a annoncé maintenir sa fourchette de taux d'intérêt directeurs entre 4% et 4,75% - soit leur niveau le plus élevé depuis la création de l'euro, en 1999 - elle les avait augmentés un mois plus tôt de 0,25 point de base en septembre... pour la dixième fois consécutive.

Risque de récession

Des relèvements qui ont lourdement pesé sur la croissance de la zone euro estimée par les instituts de prévision entre 0,6% et 0,8% en 2023. Sans compter que « les gouvernements soutiennent désormais moins l'activité économique du fait de leurs dettes publiques creusées par les conséquences de la crise sanitaire puis de la guerre en Ukraine », rappelle Sandrine Levasseur, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) - science Po.

De quoi continuer de faire planer le risque d'une récession pour 2024. L'Allemagne, particulièrement en difficulté, a vu son PIB se contracter de 0,1% au troisième trimestre quand celui de l'Italie a stagné, les deux pays échappant de justesse à la récession.

Lire aussiZone euro: pourquoi l'économie de l'Italie fait mieux que les pays voisins

Un répit que n'a pas eu l'Autriche qui est, elle, entrée en récession avec un PIB en chute de 0,6% après un recul de 0,8% le trimestre précédent.

La République tchèque (-0,3%), l'Estonie (-0,2%), la Lituanie (-0,1%), le Portugal (-0,2%) mais aussi l'Irlande (-1,8%) ont également vu leur économie se replier. L'Espagne a vu son PIB ralentir (+0,3%) sur fond de résultats décevants de son commerce extérieur.

« On commence à avoir des indications sur le fait que la politique monétaire est trop restrictive », résume Christopher Dembik à La Tribune. « En France par exemple, avec une cible d'inflation à 2% et de croissance à 1,5%, il faudrait que les taux directeurs se situent à 3,5% », contre entre 4% et 4,75% actuellement dans la zone euro, explique-t-il.

Autre illustration : « La chute des crédits est inquiétante, surtout sur un laps de temps aussi rapide, ce qui est également un bon indicateur de cette politique trop restrictive », indique encore l'analyste.

Isabel Schnabel ne ferme pas la porte à une nouvelle hausse

Pour autant, tous les membres du directoire de la BCE ne sont pas convaincus par la nécessité d'y mettre fin. Isabel Schnabel a ainsi demandé la semaine passée de ne pas « fermer la porte à une nouvelle hausse » des taux d'intérêt sur le chemin potentiellement instable pour ramener l'inflation à 2%. « Après une longue période d'inflation élevée, les anticipations d'inflation sont fragiles et de nouveaux chocs du côté de l'offre peuvent les déstabiliser, menaçant la stabilité des prix à moyen terme », a-t-elle estimé.

C'est l'un des arguments qui demeurent en faveur d'un nouveau relèvement : « La volatilité de l'inflation, reconnaît Christopher Dembik. Aujourd'hui, on a une visibilité de l'évolution de l'inflation à seulement trois mois ». D'autant que la décélération de celle-ci observée ces derniers mois s'explique principalement par le ralentissement de la progression des prix de l'énergie. De son côté, l'inflation sous-jacente (hors énergie et produits frais notamment), bien qu'en baisse, se situait toujours à 7,5% sur un an dans la zone euro en octobre.

Reste donc à savoir si c'est bel est bien la fin des hausses de taux ou simplement une pause qui pourrait déboucher sur un nouveau resserrement de la part de la BCE. Seule certitude, il apparaît exclu qu'elle opte pour une baisse des taux.

« Le marché monétaire considère que l'on va connaître une première baisse en juin prochain. Mais, de mon point de vue, c'est trop prématuré et ces prédictions entrent en contradiction avec le discours de la BCE qui affirme que les taux seront élevés pendant longtemps. Or "longtemps", ce n'est pas six mois », tranche Christopher Dembik.

Pas de baisse de taux en vue

De manière générale, l'ère des taux bas, voire négatifs, provoquée par la crise de la zone euro une dizaine d'années plus tôt, « est indéniablement une parenthèse terminée », conclut-il, car « lorsque vous prêtez à un Etat, vous prenez un risque et vous vous attendez à en tirer une rémunération. C'est donc une aberration d'avoir des taux négatifs ».

La politique monétaire de la BCE devrait donc continuer de peser sur l'économie des pays de la zone euro. D'autant qu'il apparaît encore difficile de mesurer l'étendue des conséquences des hausses de taux, de nombreuses entreprises devant se refinancer dans les mois à venir, et donc, à des taux bien plus élevés qu'auparavant. Le secteur immobilier en particulier subit de plein fouet le resserrement monétaire avec un fort ralentissement de la demande, les taux plus hauts réduisant drastiquement le nombre de crédits accordés. « L'accès à la propriété à court terme sur l'année à venir va être très compliqué notamment pour les primo-accédants qui doivent désormais présenter une capacité financière et un apport très significatifs, ce qui privilégie une certaine catégorie de la population », constate Christopher Dembik. La solution : « le levier d'ajustement qu'on peut imaginer c'est une baisse des prix, mais ce n'est pas automatique, ça peut prendre du temps », nuance l'analyste.

Lire aussiFin de la hausse des taux directeurs : l'immobilier va-t-il enfin sortir de la crise ?

De même, la transition écologique commence à pâtir de la lutte de la BCE contre l'inflation. « Depuis huit mois, les investissements rencontrent un certain nombre de freins du fait de la hausse des taux et donc du coût de l'emprunt pour se financer. Des projets, notamment dans l'éolien, se retrouvent donc retardés, voire abandonnés », signale Sandrine Levasseur. Or, « si la BCE augmente davantage ses taux, ce sont les gouvernements qui vont être appelés à la rescousse pour financer la transition écologique, ce qui pose un souci », poursuit-elle. Les investissements seront pourtant bien nécessaires pour parvenir à l'objectif fixé par l'UE d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

En revanche, aux Etats-Unis, l'hypothèse d'une nouvelle hausse n'est pas exclue.

« Nous n'hésiterons pas » à relever encore les taux directeurs « si nécessaire » face à la forte inflation, a averti jeudi le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell. Les taux se trouvent pourtant au plus haut depuis plus de 20 ans, mais cela pourrait ne pas être suffisant, selon lui: la Fed « s'engage à parvenir à une politique monétaire suffisamment restrictive pour ramener l'inflation à 2,0%; nous ne sommes pas certains » que cela soit le cas.

Commentaires 27
à écrit le 10/11/2023 à 17:53
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Villeroy et B...pardon! de G.? Un toto!

à écrit le 10/11/2023 à 1:16
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Avec villeroy, c'est comme avec lagarde. Prendre le contraire de ce qu'ils affirment. Les taux remonteront, comme de l'autre cote de l'Atlantique.

le 10/11/2023 à 9:35
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sauf revirement d'ideologie le plus courant chez les technos il puis sa remuneration qui est toujours pas publier a la difference avec l'allemagne

le 10/11/2023 à 17:00
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@ ludwig "sa remuneration qui est toujours pas publier a la difference avec l'allemagne " Le seul chiffre que l'on a dans la presse date de 2016 depuis plus rien : 280 000 € /an (rémunération brute totale), sachant que le gouverneur a aussi dr...

à écrit le 09/11/2023 à 19:31
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Il faut cesser avec cette obsession de la neutralité carbone en 2050, car l'Europe représente moins de 10% de la population mondiale ,ratio qui ne va cesser de baisser d'ici 2050 et par conséquent la génération de GES ne va pas baisser. En 2050 l'E...

le 09/11/2023 à 23:54
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Et pourtant la chine et l Asie dans son ensemble mise sur l électrique et l hydrogène d ou le retard de nos constructeurs - comme de notre population - par rapport aux chinois et aux sud coreen- Japonais … auriez vous raison et eux tous tort ?

le 09/11/2023 à 23:54
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Et pourtant la chine et l Asie dans son ensemble mise sur l électrique et l hydrogène d ou le retard de nos constructeurs - comme de notre population - par rapport aux chinois et aux sud coreen- Japonais … auriez vous raison et eux tous tort ?

à écrit le 09/11/2023 à 18:55
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il oublie juste que le choc exogene devient endogene, et ca c'est un tres tres gros pb, qui n'aurait jamais du arriver s'ils n'avaient pas joue aux apprentis sorciers monetaires, en suivant la gauche donc juste donc bienveillante donc morale car de g...

à écrit le 09/11/2023 à 17:58
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Mon cadeau de Noël en avance @Idx🎁 Comme je l'ai déjà dénoncé ces dernières semaines, mois et années, l'"effet moutonnier" de la propagande est dangereux pour nos démocraties, car une économie aux chiffres édulcorés oblitère nombre de risques et ne p...

le 09/11/2023 à 19:19
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Cher maître je soumets à votre réflexion les propos suivants glanés par hasard :" Ce qui est nouveau c'est que l'économie est devenue la variable d'ajustement des crises géopolitiques .Depuis les années 50 l'économie prédominait sur la géopolitique ....

le 09/11/2023 à 19:41
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@Idx. [Ce qui est nouveau c'est que l'économie est devenue la variable d'ajustement des crises géopolitiques. Depuis les années 50 l'économie prédominait sur la géopolitique] Tout à fait correct👍Mais, il y a aussi une autre nouveauté et pas des moind...

à écrit le 09/11/2023 à 16:48
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Qu'est-ce qu'une phrase creuse, respectivement vide de sens? "La BCE devrait gagner sa lutte contre l'inflation galopante en parvenant à la valeur cible de 2% dans la nuit du 24 au 25 décembre 2023, sauf choc et sauf surprise" 🎄🎁 Par contre, elle vis...

à écrit le 09/11/2023 à 16:03
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"Sauf choc" et " sans surprise"!. Avec de tels préambules dans l'état actuel du Monde....autant fermer "sa gue...le".

à écrit le 09/11/2023 à 15:11
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Faut lui trouver un boulot à ce monsieur , car Il semble vraiment se faire Ch...er . Le pauvre , il est LE gouverneur de la Banque de France, il se nome François Villeroy de Galhau mais sa parole n'a aucun impact pire il semble ne rien contrôler et ...

à écrit le 09/11/2023 à 13:55
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Les vases communicants : inflation, croissance et taux, rien de nouveaux. S'ajoutent les clashs, prévisibles ou imprévisibles, violents ou progressifs. La France peut amortir assez facilement parce qu'elle échange particulièrement avec ses voisins ...

à écrit le 09/11/2023 à 13:33
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Parler pour rien dire !

le 09/11/2023 à 14:30
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Tout à fait votre style.

à écrit le 09/11/2023 à 13:01
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L'inflation est due a des phénomènes exogènes , hausse des matières premières en raison du conflit en Ukraine , reprise après Covid et dérèglement des chaînes de production . La hausse des taux provoquée par les banques centrales vont pénaliser la c...

le 09/11/2023 à 13:25
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encore combien de trimestre pour produire et vendre plus que ce nous achetons. en toute chose il faudra attendre le depart de m macron pour espérer le retour des industries en france qui eux seul peuvent sortir le pays du marasme ce n'est pas en m...

le 09/11/2023 à 14:33
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Etonnant que vous ne soyez pas directeur de la Banque de France, avec une telle vision.

à écrit le 09/11/2023 à 11:21
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Ce n'est pas grâce à la France qui a le double inconvénient d'avoir une croissance presque à zéro (+ 0,6%) mais un taux d'inflation à 4% au lieu des 2,9% moyen de l'UE. Et surtout MACRON s'abstient de toute compraison à notre désavantage notamment av...

le 09/11/2023 à 11:43
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Même faible la croissance en France se maintient malgré tous ceux ici qui prévoyaient une récession. Quant à l'inflation elle a été de moitié de la plupart de chez nos voisins.

le 09/11/2023 à 12:01
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@marc469. La France est en stagflation et sera en récession en 2024. Et ce n'est pas les chiffres édulcorés de l'INSEE qui vont changer les choses.

à écrit le 09/11/2023 à 10:35
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[François Villeroy de Galhau a estimé que « sauf choc » et « sauf surprise », la BCE ne devrait pas augmenter de nouveau ses taux directeurs]. Nonnnn sérieux🤡? Une phrase fourre-tout totalement vide de sens: "sauf choc", "sauf surprise", puis usage d...

le 09/11/2023 à 15:50
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C'est pourtant ce que l'on peut lire par ailleurs émanant de différents commentateurs tout aussi avises que vous même .

le 09/11/2023 à 16:44
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@Idx. Évidemment si vous lisez la propagande ambiante (moi je ne risque plus mes intérêts ou le haro de mes pairs, j'ai cessé toutes mes activités professionnelles). Commencez par raisonner (une notion qui s'est perdue en France). Allez, juste pour v...

à écrit le 09/11/2023 à 10:19
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Quel emploi pépère !

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