Captives de réassurance : la réforme passera d’abord par la case Bruxelles

Bercy joue la prudence sur la réforme visant à créer un nouveau cadre fiscal pour les captives d’assurance et de réassurance. Au dernier moment, le gouvernement a renoncé à déposer son texte dans la cadre du projet de loi de finances 2022 (PFL 2022) pour le soumettre au préalable à l’avis de la Commission européenne. Pour le ministère de l’Économie, il ne s’agit pas d’un report mais de remettre le texte dans le bon ordre, l’aval de Bruxelles étant de toute façon nécessaire avant la mise en application de la réforme.
Le risque cyber fait partie de ces grands risques émergents qui pourraient être en partie couverts par une captive de réassurance.
Le risque cyber fait partie de ces grands risques émergents qui pourraient être en partie couverts par une captive de réassurance. (Crédits : Reuters)

L'encre était à peine séchée du texte de réforme visant à faciliter la création en France de captives d'assurance et de réassurance que le gouvernement a finalement fait volte-face. Après des années de discussions avec le Trésor, singulièrement accélérées avec la pandémie, la cause était pourtant entendue : les pouvoirs publics sont convaincus de l'utilité économique d'une captive de réassurance afin de permettre aux groupes de couvrir leurs grands risques, notamment les risques émergents, comme le risque de pandémie (pertes d'exploitation) ou le risque cyber.

Pour rappel, une captive est une société d'assurance ou de réassurance détenue par une entreprise et qui a pour unique objet de fournir une couverture d'assurance sur des risques de l'entreprise. C'est donc une sorte d'auto-assurance à l'échelle d'un groupe.

Problème, le cadre fiscal en France est peu adapté au fonctionnement d'une captive, qui doit constituer des réserves afin de lisser le risque dans le temps. Bercy avait donné des assurances, notamment aux professionnels du risk-management, pour adapter le cadre fiscal et élargir l'éligibilité des risques au mécanisme de la « provision d'égalisation », déductible de l'impôt, pour l'heure restreint à quelques risques, comme le risque nucléaire.

Remettre les choses dans l'ordre

Le texte était prêt et il devait être déposé, sous la forme d'un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2022 qui doit être voté avant la fin de l'année. La députée LREM Valéria Faure-Muntian, très en pointe sur le dossier, avait même retiré son propre amendement de réforme fiscale pour laisser à Bercy l'initiative.

Mais au dernier moment, le choix a été finalement fait de soumettre d'abord le texte à la Commission européenne pour validation et de la faire voter ensuite au prochain PLF en fin d'année prochaine. Du côté de Bercy, on s'attache à minimiser la portée de ce contre-temps.

« Il aurait fallu de toute façon soumettre le texte à l'aval de la Commission européenne et nous n'étions pas à d'éventuels ajustements qui auraient rallongé d'autant les délais d'application de la réforme. Au final, le texte sera mis en application dans les mêmes délais, peut-être même plus rapidement en soumettant d'abord le texte à la Commission », explique-t-on à Bercy.

Ménager la présidence française du Conseil

La décision de faire les choses dans l'ordre serait même remontée à la tête de l'exécutif et ce à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne à partir du 1er janvier prochain. L'Elysée souhaite une présidence exemplaire et ne souhaite pas empiéter d'ici là les prérogatives de Bruxelles, notamment sur certains dossiers financiers (captives, paiement fractionné, concurrence dans le paiement mobile).

Depuis l'adoption de la directive européenne Solvabilité 2 mais aussi parce que le régime fiscal dérogatoire, qui sera exclusivement réservé aux captives d'assurance et de réassurance, peut être perçu comme une aide d'Etat, la Commission européenne a son mot à dire.

Or le chemin n'est pas encore totalement balisé car c'est la première demande de ce type qu'aura à traiter la Commission. Certes, le Luxembourg dispose déjà d'un mécanisme de provision d'égalisation en franchise d'impôt - ce qui en fait d'ailleurs la Mecque européenne des captives de réassurance - mais ce dispositif existe de longue date, bien avant la mise en place de Solvabilité 2.

Vingt ans de défiscalisation

Dans les grandes lignes, le texte qui doit être transmis à Bruxelles prévoit ainsi de créer une nouvelle provision, sur le modèle de la provision d'égalisation, sur une plus grande diversité de risques. Ce sera une provision fongible et non pas segmentée en fonction du type de risque, comme souvent dans la provision d'égalisation. L'entreprise pourra donc mettre dans un même pot des provisions pour couvrir des risques différents, en identifiant cependant les branches d'assurance concernées par cette couverture. L'idée est bien de ne pas simplement répliquer le modèle luxembourgeois mais bien d'innover et de faire simple.

Un mécanisme de plafonds, annuels et global, est envisagé, sur la base d'un multiple du MCR (capital minimum requis défini par les règles prudentielles) et la durée de défiscalisation de la provision pourrait être portée à vingt ans, le temps pour l'entreprise d'accumuler des réserves pour faire face à un grand risque.

De l'avis de tous, notamment de Bercy, il est grand temps d'avancer sur le sujet à l'heure où de nouveaux risques apparaissent et surtout à l'heure où l'offre d'assurance traditionnelle semblent se réduire sur ces mêmes risques.

Les grandes entreprises, mais aussi certaines ETI, sont conscientes du danger et de la nécessité de prendre à leur charge une partie du risque et de mieux le gérer en interne. A ce jour, seulement cinq captives de réassurances ont été domiciliées en France. Ce nombre pourrait exploser avec la mise en place de la réforme.

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